Le royaume des brokers n'a plus de frontière depuis l'ouverture d'Internet au trading boursier. Mais l'ancrage luxembourgeois demeure intéressant pour le monde très virtuel du online trading. Petit tour d'horizon, sans prétention exhaustive...
E-Trade a plus de 20 ans d'expérience dans le trading en ligne, 3 millions de comptes titres, près de 100 milliards de dollars US en dépôts de clients particuliers dans le monde et une présence commerciale dans 13 pays. Considérée comme le premier acteur global du trading et de l'investissement en ligne, la société a lancé son service web etrade.com en 1996, passant d'un statut de simple courtier en ligne à un modèle beaucoup plus développé avec des services bancaires, d'assurances et de courtage institutionnel.
L'arrivée, en avril dernier, du site www.etrade.fr, le dernier-né de ses sites internationaux, marque un intérêt accru du groupe pour les traders actifs français ou francophones. Le tout, de l'aveu même des services de communication du géant, avec un regard affûté tourné vers la place financière grand-ducale. Chez E*trade, on n'exclut pas une implantation dans le Benelux, pour compléter la gamme de services adaptés localement, telle qu'elle existe notamment en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Suède, en Finlande, au Danemark ou en Islande, pour n'évoquer que les bases européennes. Un bureau à Luxembourg - déjà ciblé par des formations et séminaires - en plus du centre parisien ferait assez bonne figure dans ce contexte.
Offshore et secret bancaire
La relative fragilité de la bulle Internet aurait plutôt servi E-Trade, selon le vice-président Matthias Helleu: "Nous sommes une entreprise de technologie, pour nous c'est plus facile. Au milieu d'une période de basses eaux économiques qui a maintenu les marchés boursiers au plus bas et tué beaucoup d'entreprises Internet, E-Trade a su utiliser ses stratégies innovantes pour tirer son épingle du jeu".
Hors Etats-Unis, la société a choisi de concentrer ses efforts sur la seule clientèle des traders actifs, le courtage sur les marchés boursiers américains et leurs dérivés, le Forex et les futures, ainsi que des services de recherche et d'analyse approfondis. Et les finances tournent: en 2004, E*Trade Financial a réalisé un résultat net de 389 millions de dollars US pour un chiffre d'affaires de 1,5 milliard de dollars US.
Né de la joint-venture entre la Banque Générale du Luxembourg (groupe Fortis) et TD Waterhouse (filiale à 100% de TD Bank, c'est l'un des plus importants courtiers en ligne au monde), Internaxx gère à Luxembourg une clientèle internationale, issue de plus de 110 pays: Europe (Angleterre, Belgique, Luxembourg, Allemagne...), Asie (Hong-Kong, Singapour), Moyen Orient (Emirats Arabes Unis). Selon Robert Glaesener, general manager de la société, c'est une clientèle "autonome dans la prise de décision d'investissement, recherchant une plate-forme d'exécution efficace, située sur une place financière internationale "offshore" reconnue, distribuant une large gamme de produits financiers (actions, produits dérivés et fonds d'investissement) et soutenue par un groupe mondialement reconnu".
Aussi implantée sur le sol luxembourgeois, au Rollingergrund, HMS Lux est plus modeste. Fondée en 1972, spécialisée dans le marché interbancaire et le online trading, HMS est une société indépendante, enregistrée comme courtier-commissionnaire. Le département Online Trading n'y a été lancé que depuis 2003. Difficile donc d'en tirer des conclusions sur l'état général de cette activité made in Luxembourg. Toutefois, dit-on chez HMS Lux, "depuis la mise en oeuvre de nos plates-formes en ligne, nous enregistrons une recrudescence dans ce domaine".
Pas au point toutefois de connaître (ou de faire connaître plutôt) le chiffre d'affaires spécifique de ce département, actif au milieu d'autres... Chez HMS, le profil de la clientèle semble plutôt classique. "Nous comptons parmi nos clients, des institutionnels, des clients privés, des Hedges Funds et des day-traders". Quant à savoir d'où sont originaires les traders ou quel est le nombre moyen de transactions en ligne sur le site, la communication se replie prudemment: "nous préférons ne pas répondre, pour des raisons évidentes de discrétion et de respect du secret bancaire". On notera au passage que cette tendance à la discrétion absolue est poussée, chez certains opérateurs de la place, jusqu'au black-out total.
Des chiffres dans le contexte luxembourgeois? Keytrade est une banque de droit belge, disposant de 21 millions d'euros de fonds propres. Membre d'Euronext et cotée à la Bourse de Bruxelles, elle propose une offre intégrée de services boursiers et bancaires en ligne. Keytrade s"est installé en 1999 à Luxembourg, où se retrouve une demi-douzaine d'employés.
Dans ses derniers résultats, Keytrade souligne que le total de ses produits d'exploitation connaît une légère progression de 1,6%, à 5,37 millions d'euros. Et Keytrade Luxembourg y contribue pour 378.000 euros. Avec une clientèle totale qui frise les 50.000 unités, en nette progression au cours du premier trimestre 2005, des avoirs titres et cash confiés au groupe qui ont crû de 11% durant les trois premiers mois de l'année, pour atteindre 1,89 milliard, Keytrade a des arguments pour y croire. Elle double d'ailleurs son budget marketing pour recruter de nouveaux clients et collaborateurs.
Le Luxembourg contribue pour 158.000 euros dans un bénéfice consolidé avant impôts, en léger tassement, de 1,955 million d'euros. Keytrade, malgré un contexte boursier assez incertain, constate une progression satisfaisante de sa clientèle et de ses avoirs, des résultats stables, même avec un volume de courtage en baisse.
Belles perspectives
En fait, comme on le note chez Internaxx, "la situation au Luxembourg n'est pas particulière ou différente de celle des autres pays d'Europe en général. Le trading online est de nouveau en pleine expansion en Europe. Après deux années moroses pour les marchés financiers, les investisseurs sont revenus dans le marché. Ceci s'est concrétisé par une activité plus intense depuis début 2004. Malgré tout, les investisseurs sont désormais mieux informés et plus avertis". Et les prévisions sont bonnes. Selon le centre de recherche Forrester, le nombre d'Européens utilisant les services de courtiers en ligne devrait passer de 4 millions en 2002 à près de 10 millions d'ici 2007.
Ainsi, beaucoup de marchés européens ont vu une croissance forte cette année. En Angleterre selon Nielsen/ Netratings, le nombre de visiteurs uniques sur des sites financiers (sites de banques et de courtiers en ligne) a cru de près de 60% du mois d'octobre 2004 au mois de juillet 2005. L'Allemagne, selon Forrester, est le marché le plus important en Europe.
Manoj Narain, general manager chez Internaxx, relève deux tendances essentielles. "Nous avons constaté au cours de ces deux dernières années un mouvement de concentration et de consolidation parmi les principaux acteurs européens. Ainsi, des fusions, nationales ou internationales, ont entraîné des disparitions de courtiers totalement indépendants d'une institution financière. Ceux-ci ont en effet été repris dans le giron d'importants groupes bancaires. Citons Consors et Boursorama".
Une deuxième tendance voit l'émergence du marché des courtiers spécialisés et en particulier l'émergence de courtiers en ligne qui s'adressent aux investisseurs actifs et autonomes. "Ces courtiers ne donnent pas de conseils, se concentrent sur l'exécution rapide des ordres à prix attractifs et mettent à disposition des produits et outils spécifiques. En effet, ces courtiers, tels qu'Internaxx, visent une large clientèle d'investisseurs "self directed'. Selon une étude menée par JPMorgan, la clientèle self-directed représente 6,5% des ménages européens détenant des actions, mais détient seulement 5% des actifs. Elle se distingue par une très grande activité de courtage. Ces clients ne sont pas prêts à payer les tarifs "bancaires normaux" et font appel à des courtiers en ligne".
Ainsi, au Luxembourg comme ailleurs, personne ne lève les bras au ciel ni les mains en l'air: ce n'est pas la bourse ou la vie! Mais, profitant des paradoxes de l'existence, des brokers grossissent, en gardant la ligne.