Joe La Pompe: «La crise nous oblige à travailler toujours plus vite pour toujours moins cher.» (Photo: Michel Zavagno/Blitz)

Joe La Pompe: «La crise nous oblige à travailler toujours plus vite pour toujours moins cher.» (Photo: Michel Zavagno/Blitz)

Monsieur La Pompe, en période de crise, est-on tenté de davantage imiter qu’en temps normal? Ou bien y a-t-il une prime à la créativité?

«Je ne crois pas que la crise ait grand-chose à voir dans ce phénomène de répétition et de télescopage des idées. Je crois juste que la pub a
remplacé la réclame depuis maintenant de nombreuses années et qu’un très grand nombre de pistes créatives ont été explorées. La crise, cependant, nous oblige à travailler toujours plus vite pour toujours moins cher, ce qui explique bien souvent que l’on n’a pas assez de temps pour trouver des idées vraiment ‘jamais vues’.

Pour reprendre une formule juridique, «les idées sont de libre parcours». Ne pensez-vous pas qu’une partie des ‘copies’ que vous trouvez n’est en fait que le résultat d’un processus créatif ayant abouti à un résultat comparable?

«Bien sûr! Le nom de mon site est volontairement provocateur, voire un poil polémique. Mais je prends bien garde de préciser ‘Copies honteuses ou coïncidences malheureuses? Faites-vous votre avis…’, car je sais bien que de très nombreux cas sont purement fortuits. Et que les mêmes produits, les mêmes briefs et les mêmes process aboutissent forcément aux mêmes résultats.

Cela dit, j’ajoute deux remarques complémentaires: premièrement, le nombre de cas prouve bien que l’on n’est pas en présence de 100% de coïncidences. Deuxièmement, je trouve cela aussi honteux, ridicule et suicidaire de ne jamais vérifier si une idée a déjà été faite avant de perdre du temps et de l’argent pour la réaliser.

Le métier de copycat hunter existait-il ‘avant vous’? Pourquoi l’être devenu?

«Ce n’est pas un métier car je ne gagne pas – hélas – ma vie avec ça. Je dirais plutôt que c’est un hobby. Un hobby très, mais vraiment très prenant, qui me bouffe pas mal de mon temps libre, mais que j’adore et qui m’amuse. Je ne crois pas que ça existait avant, en tout cas pas dans la publicité, même si le sport national en agence a toujours été de dire à ses collègues ‘ton truc, je l’ai déjà vu quelque part’. En ce sens, je n’ai rien inventé.

Je le suis devenu un peu par hasard, parce qu’Internet a permis de mener cela à bien, à moindres frais et d’une manière beaucoup plus simple et globale. Ce qui était un petit passe-temps personnel est devenu mondial grâce au net. Et plus j’ai été sollicité par les internautes de tous pays, plus j’ai eu envie de continuer.

Avec la mondialisation, les goûts et les réflexes culturels ont tendance à s’uniformiser. Cela se sent-il dans la création publicitaire?

«Evidemment! D’autant plus que les créatifs publicitaires du monde entier ont tous à peu près le même âge, à savoir entre 25 et 40 ans. Ils s’habillent pareil: en Nike, en Diesel ou en Levi’s. Ils ont les mêmes références: les films américains ou Internet… Et enfin, ils travaillent sur le même matériel: Apple, Photoshop, Getty images…

En plus, les festivals internationaux accentuent encore plus cela, dans le sens où pour y briller, il faut faire simple et compréhensible de tous – les jurés sont issus des tous les pays – et en anglais. D’où une assez grande uniformisation, qui n’en demeure pas moins paradoxale, car tous sont à la recherche d’idées ‘originales’.

Avec la multiplication des agences, des créatifs, des produits, des marques, est-il encore possible d’être original?

«Heureusement que oui! Tout a déjà été fait… mais pas de toutes les façons. Même si je continue à trouver toujours autant de créations ‘déjà vues’, dans le même temps on voit chaque semaine des nouvelles idées pointer le bout de leur nez. Chaque année, à Cannes, je suis surpris de voir de nouvelles idées émerger malgré le fait que des centaines de milliers d’idées ont déjà été trouvées.

Et puis la nouvelle génération a une chance inouïe avec le développement de nouveaux supports (Internet, mobile) qui n’existaient pas auparavant et qui ouvrent la voie à de nouvelles exécutions.»