Jean-Marc Ueberecken et Claude Kremer dans le nouvel espace lounge du rez-de-chaussée de la Arendt House. (Photo: Mike Zenari)

Jean-Marc Ueberecken et Claude Kremer dans le nouvel espace lounge du rez-de-chaussée de la Arendt House. (Photo: Mike Zenari)

Si vous prenez aujourd’hui possession de votre bâtiment, le début de son histoire remonte déjà à un certain temps. Pouvez-vous nous rappeler la genèse de ce projet?

Claude Kremer: «Nous partons du postulat que lorsque les équipes sont bien installées, les collaborateurs travaillent avec plaisir. C’est pourquoi, depuis le début de l’étude d’Arendt & Medernach en 1988, nous avons toujours accordé beaucoup de soin à l’aménagement de nos espaces de travail. Depuis la création de l’étude, nous avons déménagé près de neuf fois pour répondre à la fois aux contraintes de croissance de notre équipe et de confort de nos collaborateurs. Nous avons occupé aussi bien des espaces que nous louions, que d’autres où nous étions propriétaires. Juste avant notre déménagement, nous étions sur deux sites: rue Erasme et dans l’immeuble Président, avenue J.-F. Kennedy. Lorsque le Fonds Kirchberg a ouvert le concours en 2007 pour la parcelle que nous occupons actuellement, nous nous sommes positionnés.

Ce concours était réservé aux propriétaires occupants, c’est bien cela?

C. K.: «Oui, nous avons participé à ce concours qui excluait les promoteurs puisque le projet devait être porté par un propriétaire occupant. Cela nous a permis d’avoir une option sur ce terrain. Nous avons demandé au bureau suisse Diener & Diener de réaliser la conception architecturale de ce bâtiment et c’est en partie grâce à la qualité de leur proposition que nous avons pu remporter le concours. Entre-temps, il y a eu la crise et nous avons dû mettre en suspens le projet de construction de notre immeuble, sans jamais l’abandonner pour autant. Vers 2010-2011, nous avons pris la décision de lancer le processus de construction qui aboutit donc en octobre 2015 avec notre déménagement, dans le délai que nous nous étions imparti.

Le choix du Kirchberg était-il une évidence?

Jean-Marc Ueberecken: «Au moment où nous avons lancé notre projet, il y avait peu de sites permettant de construire en ville 18.000m2 de bureaux. Le site de la Cloche d’Or n’était pas encore disponible. De plus, Kirchberg est le centre financier de Luxembourg, ce qui est le cœur d’activité de notre métier. Il était donc évident pour nous de rester sur le plateau.

Une des difficultés de ce projet était la configuration de la parcelle.

J.-M. U.: «Il s’agit en effet d’une parcelle longue et étroite, située en bordure de l’avenue J.-F. Kennedy. Diener & Diener a su tirer le meilleur parti de cette configuration particulière en proposant un immeuble tout en longueur, mais qui garde une belle dynamique sur l’avenue. La façade mesure tout de même 160m de long, ce qui était donc une gageure. Le fait que la parcelle soit étroite nous permet de bénéficier d’une double exposition à l’intérieur de l’immeuble et ainsi optimise l’apport de la lumière naturelle jusqu’au cœur de l’immeuble. L’étroitesse a également permis une construction avec une structure métallique en voile qui évite d’avoir des poteaux porteurs à l’intérieur de l’immeuble. Les architectes ont également su créer une connexion avec la rue par l’intermédiaire d’un rez-de-chaussée largement vitré, avec une partie des espaces dédiés à des locataires. C’est ainsi que l’immeuble sera occupé, côté centre commercial, par un restaurant, un bureau de Post et une agence Raiffeisen.

Et côté Arendt & Medernach, que trouve-t-on au rez-de-chaussée?

C. K.: «Nous avons un rez-de-chaussée qui fonctionne comme l’endroit le plus public de l’immeuble, avec l’accueil, bien entendu, un accès à l’auditorium de 300 places qui peut être utilisé pour nos besoins, mais également loué par des personnes extérieures, ainsi qu’un espace de galerie où nous présenterons des œuvres de notre collection d’art. Nous allons également installer une œuvre devant notre immeuble et ainsi participer à la tradition de l’art dans l’espace public au Kirchberg. On y trouve par ailleurs le restaurant d’entreprise qui compte 150 places assises, avec différentes ambiances à l’intérieur, et une terrasse qui sera végétalisée. Juste en face du restaurant se déploie le lounge, un espace qui nous tient à cœur.

J.-M. U.: «Avec près de 500 personnes dans l’équipe, les collaborateurs ne se connaissent pas tous les uns les autres. Il était important pour nous de créer des espaces qui permettent la rencontre entre nos collaborateurs. Ce lounge, placé stratégiquement en face du restaurant et des ascenseurs, dispose d’un coin café pour inciter les collaborateurs à prendre une petite pause et à entamer la discussion.

Quels sont les autres espaces, hors bureaux, dont vous disposez?

C. K.: «Nous avons une salle de sport au sous-sol, ainsi qu’une bibliothèque qui est la plus grande bibliothèque privée au Luxembourg. Une petite remarque amusante: nous avons accordé de l’importance au traitement de notre cage d’escalier, car pendant toute la durée des travaux, elle a été notre point de rencontre et de réunion. Nous avons voulu perpétuer cette idée et faire en sorte que ce soit un espace propice à la rencontre. Aussi, nous l’avons voulu conviviale et large, avec la création d’un luminaire spécifique et l’inscription sur toute la hauteur du Code civil napoléonien. Le premier étage est réservé à l’accueil de nos clients. Pour ces espaces, nous avons gardé le même principe qu’auparavant, à savoir que les salles de réunion portent toutes le nom d’un musée célèbre du monde et que le profil de son bâtiment est repris en dessin sur la porte d’entrée de la salle. Les étages supérieurs sont réservés à nos collaborateurs et aux postes de travail à proprement parler.

Justement, pouvez-vous nous décrire les aménagements intérieurs de vos espaces de travail?

J.-M. U.: «Ce déménagement témoigne du besoin de rassembler les équipes. Notre étude a été construite sur la spécialisation, mais nous ne pouvons pas pour autant travailler en silo. Nous devons croiser les disciplines qui permettent de donner une réponse complète à nos clients. Cela implique des espaces de travail qui favorisent l’échange et la collaboration entre les services.

C. K.: «Nous avons réussi à réaliser un immeuble qui est au goût du jour par rapport à ce que notre métier exige. Notre profession d’avocat a beaucoup changé ces dernières années. Nous avons donc introduit des espaces de travail collectif et non plus que des bureaux individuels. Ceci est très nouveau pour une étude d’avocats.

Comment cela se matérialise-t-il concrètement?

C. K.: «Nous avons travaillé avec AKDV en collaboration avec TDO Consulting pour imaginer l’aménagement intérieur. Suite à une enquête interne, il est ressorti que les employés attendent trois ‘C’ de leur espace de travail : confort, concentration et confidentialité. Nous avons alors mené une réflexion commune avec les collaborateurs pour aboutir aux aménagements intérieurs, qui prennent la forme de ‘campus’. Il s’agit de zones de travail ouvertes, de petite taille et connectées entre elles. À l’intérieur de ces ‘campus’ se trouvent les ‘catamarans’, une structure que nous avons depuis brevetée: il s’agit d’îlots de quatre personnes, installées deux par deux en quinconce, ce qui permet d’avoir un espace de travail partagé tout en préservant une certaine discrétion sur le poste de travail. Dans la structure sont compris un espace de travail, des espaces de rangement, ouverts et fermés, et une assise à l’entrée de la structure, signalée simplement par un coussin fixé sur le dessus d’un rangement bas, invitant les collègues à s’asseoir quelques minutes. Pour mettre au point ce système, nous avons réalisé des prototypes que nous avons testés avec des membres de nos équipes afin de les améliorer.

J.-M. U.: «Ce système évite d’avoir une multitude de petits bureaux individuels avec des couloirs interminables. Il crée des zones de travail conviviales et nous permet d’offrir une surface plus grande pour chaque collaborateur, soit 8m2. Les bureaux sont installés le plus possible le long des façades pour bénéficier de la lumière naturelle. Au centre, on trouve les salles de réunion, les copy corners, les kitchenettes. Pour casser l’effet longitudinal du bâtiment, la circulation est en zigzag, ce qui crée une dynamique dans la déambulation et des espaces plus fermés sur eux-mêmes, propices à la concentration.

Un des points faibles des espaces ouverts est le bruit. Comment l’avez-vous envisagé?

C. K.: «Nous avons réalisé un énorme travail sur l’acoustique de notre bâtiment. Nous avons rabaissé les plafonds, introduit des matériaux absorbants partout dans l’immeuble, que ce soit des tissus ou des mousses absorbantes, ainsi que des panneaux perforés. Aucun bureau au Luxembourg n’atteint notre qualité d’isolation phonique. Nous avons réalisé un gros investissement sur ce point.

Est-ce que la hiérarchie se traduit dans les espaces?

C. K.: «Nous n’avons pas de hiérarchie dans la répartition des bureaux mis à part que les associés et séniors disposent d’espaces individuels de travail, mais ceci est lié à leur fort besoin de confidentialité dans leurs tâches quotidiennes. Nous n’avons pas par exemple un étage de direction, avec un changement dans le choix des matériaux. Les associés sont au milieu des équipes pour travailler avec elles.

Et les salles de réunion, comment les avez-vous configurées?

J.-M. U.: «Nous en avons de toute sorte et de toute taille, formelle ou informelle. Au total, nous disposons de 80 salles de réunion, ce qui reflète bien notre besoin de travailler ensemble. Dans la catégorie des espaces ouverts, nous avons par exemple des assises isolées au niveau acoustique dans les couloirs, des fauteuils et tables basses au niveau des paliers, des tables hautes et tabourets en entrée de zone de travail. Nous avons aussi des salles de réunion plus classiques, fermées, pour petit groupe de deux personnes ou plus, jusqu’à l’extrême, comme notre salle Ernest Arendt qui accueille 45 places assises autour d’une même table.

Comment les collaborateurs ont-ils été accompagnés dans cette phase de changement?

J.–M. U.: «Nous avons réalisé un grand travail de communication interne sur la construction de notre bâtiment. Nous avons publié un blog qui permettait de suivre l’évolution du chantier, les étapes clés ont été présentées à l’occasion des réunions du personnel. Au fur et à mesure, nous avons fait des visites de chantier. Au moment du déménagement, chaque collaborateur a trouvé sur son bureau un ‘mode d’emploi’ du bâtiment. Nous sommes aussi en train de réaliser un livre qui présente tous les métiers qui sont intervenus sur le chantier de la construction. C’est donc un travail continu qui s’est effectué ces trois dernières années et qui aboutit aujourd’hui à un déménagement dans la bonne humeur et l’envie de découvrir ce nouvel espace.

Nous n’avons pas encore abordé la question de la mobilité. Qu’en est-il?

J.–M. U.: «C’est sûr que c’est une question importante, le plateau du Kirchberg accueillant actuellement de vastes nouvelles surfaces de bureau. Avant notre déménagement, nous avons mis en place un groupe de travail sur la mobilité pour analyser les flux de provenance de nos collaborateurs et leurs besoins pour les déplacements professionnels. Comme pour beaucoup d’employeurs, c’est une question compliquée, car les provenances sont diverses, tout comme les horaires de travail qui s’étalent de 7h du matin à tard dans la soirée. Pour le moment, toutes les demandes de parking ont pu être satisfaites et nous encourageons à utiliser les transports en commun lorsque cela est possible. Nous disposons par ailleurs de vélos électriques, de places de parking pour des voitures électriques et nous envisageons de mettre quelques véhicules de ce type à disposition. Mais nous comptons beaucoup sur l’arrivée du tram, qui nous l’espérons pourra venir soulager cette question.

Maintenant que le bâtiment est livré, dans quel état d’esprit vous trouvez-vous?

C. K.: «Ce nouveau bâtiment est un aboutissement et nous permet de nous retrouver tous ensemble sous un même toit. L’ambiance du déménagement est par conséquent gaie, car nous réalisons que nous allons pouvoir enfin tous travailler dans le même espace, entrer par la même porte pour aller dans un immeuble qui est le nôtre et avec lequel tout le monde s’identifie.»

Parcours
Avocats et associés
Claude Kremer fait partie des fondateurs de la firme luxembourgeoise. Jean-Marc Ueberecken en est devenu le managing partner. La réputation de ces deux juristes est très liée aux métiers de la place financière.

Il est un des piliers du cabinet Arendt & Medernach. Claude Kremer, founding partner, est aussi à la tête du département Investment Management de la firme. Le juriste est membre du Barreau de Luxembourg depuis 1982. Sa réputation dans le milieu des affaires l’a notamment conduit à conseiller la CSSF, à être membre du Fonds souverain intergénérationnel créé par le gouvernement en décembre 2014, ou à intégrer le board de différentes compagnies ou associations internationales. Toute sa carrière s’est orientée sur l’industrie des fonds et de la gestion d’actifs. Devenu managing partner d’Arendt & Medernach, Jean-Marc Ueberecken a quant à lui intégré le Barreau de Luxembourg en 1998. Spécialiste du droit des affaires, il conseille notamment les entreprises dans les questions de fusions, acquisitions ou cessions, restructurations complexes, joint-ventures… Il a aussi, notamment, collaboré activement avec la faculté de Droit de l’Université du Luxembourg, pour des cours portant sur les Leverage Buy-Outs (LBO), la méthodologie, le droit financier, le droit commercial ou la jurisprudence.