La plaque jaune au L blanc : un précieux sésame au goût polémique.  (Photo: Maison Moderne Design)

La plaque jaune au L blanc : un précieux sésame au goût polémique.  (Photo: Maison Moderne Design)

La possibilité pour des non-résidents d’immatriculer leurs véhicules au Luxembourg alimente les affaires et les recettes de l’État, mais aussi la polémique à l’intérieur et au-delà des frontières.

La presse s’attarde ces derniers jours sur la possibilité pour les non-résidents de passer par une société luxembourgeoise pour immatriculer leur véhicule au Grand-Duché. Les médias belges – et notamment Le Soir, la RTBF et RTL TV - ont jeté le pavé dans la mare en stigmatisant l’évasion fiscale, « sport national » (sic), de centaines de résidents belges contournant la taxation des véhicules via le Luxembourg.

Les raisons de la manoeuvre sont évidentes. Au Luxembourg pour un particulier, la taxe de circulation affiche un niveau raisonnable, la TVA est moins élevée pour l’achat d’un véhicule neuf ou considéré comme tel et il n’y a pas de taxe de mise en circulation (à la différence de la Belgique). Pour un professionnel, la TVA peut être récupérée et la taxe sur les véhicules de sociétés n’existe pas (à la différence de la France).

Exode fiscal

Enfin, la nouvelle loi belge relative à la taxation des véhicules de société rend les avantages en nature moins intéressants dans le Royaume voisin, alors qu’ils étaient devenus historiquement très populaires. En plus, la méthode est adaptable en fonction des besoins de chacun. Pour un individu possédant une voiture coûteuse ou une société possédant toute une flotte de véhicules, il faut monter une société luxembourgeoise de détention de biens.

Une société bénéficie du buzz : Edisys. Elle offre un service d’immatriculation, « un produit pour répondre à une problématique fiscale nationale », renseigne Anthony Chotard, associé. « Certains clients souhaitaient acheter des véhicules qui n’étaient plus soumis à la TVA et s’ils les enregistraient dans leur société commerciale, la TVA était de nouveau appliquée sur les véhicules », explique-t-il.

Recettes fiscales luxembourgeoises

Si ce service, « demandé par les clients » n’est pas leur cœur de métier - initialement l’hébergement de structures - il bénéficie des amendements fiscaux dans les pays voisins pour représenter approximativement 30 % du chiffre d’affaires d’Edisys.

L’associé précise d’ailleurs que ce n’est pas un mal pour le Luxembourg, au contraire. « Du début jusqu’à la fin de la chaîne, nous faisons travailler un certain nombre d’intervenants logés au Luxembourg (assurances et juristes, ndlr.) sans parler des taxes d’accises et circulation qui contribuent à remplir les caisses de l’État. » En effet, en 2011, la taxe sur les véhicules automoteurs doit rapporter environ 26 millions d’euros, en 2012, 27 millions. La taxe sur les assurances, même si elle ne s’applique pas exclusivement à l’automobile, rapportera en 2011 38 millions d’euros à l’État.

De bonne guerre

C’est « de bonne guerre » pour l’entrepreneur, « la méthode de taxation semble tout à fait raisonnable au Grand-Duché », sous-entendu, les Belges sont étranglés fiscalement. PwC signalait d’ailleurs en novembre 2011 que la Belgique était en passe de devenir le pays le plus imposé (sur 183 États), nuisant ainsi à la compétitivité des entreprises.

Suite à ce tollé, le député Déi Gréng, François Bausch, a interpellé lundi, via une question parlementaire, le ministre des Finances Luc Frieden et lui a demandé s’il existait une volonté « de fermer ce trou pour passer entre la Belgique et le Luxembourg ».

En toute légalité

D’autres s’interrogent sur la légalité de la manœuvre. Les associés d’Edysis restent sereins et revendiquent le total respect du code civil luxembourgeois et du droit européen, notamment la jurisprudence Van Lent de 2004 sur la libre circulation des travailleurs, le leasing de voitures et… l’obligation d’immatriculer la voiture dans l’État membre de résidence du travailleur.

Mais le Royaume voisin n’est pas le seul terrain de chasse des sociétés d’immatriculation ou de leasing. Les Français s’intéressent également à l’alternative pour un tout autre motif : la perte de points au permis de conduire. Afficher une plaque ou un permis luxembourgeois permet d’éviter la suspension de permis, très pénalisante pour les professionnels motorisés.