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Ce n'est qu'une question  de planification

Lorsque ce dossier avait été planifié, il y a quelques mois, on était en plein épisode de confiance «nouvelle économie»?

On annonçait croissance et démultiplication des résultats? Belle promesse et grand intérêt. Aujourd'hui, on se trouve face à un champ? entre le champ de ruines et le champ de bataille.

Champ de ruines: quelques opérateurs, débarqués avec bruits, fracas et grandes ambitions ont dû mettre la clef sous la porte, se faire racheter, réduire la voilure.

Champ de bataille: tous les cadavres ne sont pas à terre. Les épées sont sorties des fourreaux, le sang va couler.

Le vocabulaire peut sembler bien barbare et guerrier, mais le fait est là. Pourquoi cette affirmation' À cause d'une conjonction de facteurs.

D'où vient la guerre?

Premièrement, on l'a dit, le marché des télécoms s'avérera moins rémunérateur que prévu.

La faute à qui? À la lenteur d'adoption des technologies par les utilisateurs finaux, la faute à la lenteur de développement de certains terminaux.

Exemple: il y a quelques semaines à peine, les seuls appareils de réception UMTS qui existent tenaient dans? une grande camionnette? Il y a encore quelques quintaux à gagner avant le téléphone portable ultra-léger?

Ensuite, en accord avec ces prévisions optimistes, les investissements avaient été conséquents. Retournement de conjoncture (encore que? on aurait plutôt tendance à parler de retournement de prévision que réellement de conjoncture?) équivaut à abandon sine die des business plans. Equivaut à panique de l'un ou l'autre ? sinon de tous ? les investisseurs. Equivaut à petite annonce «opérateur téléphonique en croissance cherche repreneur avec belles capacités financières».

Pour simplifier, le marché des télécoms a été pris dans un effet ciseaux: hausse des capacités de transport présentes sur le marché avec baisse des taux de croissance prévues. Le choc était inévitable.

De plus, il est probable que sur le marché strictement luxembourgeois, les prochaines évolutions du statut de l'ILR lui permettent d'intervenir de manière plus efficace et plus radicale.

On le voit dans les réponses au questionnaire de paperJam, les opérateurs alternatifs attendent beaucoup de cette évolution du statut de l'autorité de régulation luxembourgeoise. L'EPT est en effet soupçonnée - à tort ou à raison - de profiter du regard - et donc de la régulation associée - bienveillant de l'Etat.

Peut-être cela va-t-il changer.

Le banckbone, nerf de la guerre

Dans un tel contexte, les opérateurs aiment à rester discret sur la «réalité» de leur activité, de leurs infrastructures. paperJam avait ainsi eu l'ambition, pour ce numéro, de vous proposer une cartographie des opérateurs téléphoniques.

Il s'agissait de vous montrer, sur une seule et unique carte, un résumé des câbles enterrés sur le territoire du Luxembourg. Qui possède quel câble? Où passent-ils?

Tous les opérateurs détenteurs de licence ont été contactés. Certains ne possèdent qu'un numéro de téléphone au Luxembourg (qui ne fonctionne même pas dans tous les cas?).

D'autres répondent mais avouent n'avoir aucune activité sur le territoire.

Une grande partie, malgré tout, répondent aux appels. Parmi cette majorité, rares sont ceux qui veulent bien nous fournir une carte.

Sur les quelques cartes transmises, peu sont réellement précises et «valables». De fait, en dernière minute, la rédaction a décidé de ne pas publier cette carte.

Ce «semi-échec» est cependant riche d'enseignements: la backbone, l'épine dorsale des télécommunications, est un sujet plus que sensible chez tout le monde.

Il donne à son détenteur un pouvoir et une indépendance par comparaison avec d'autres opérateurs qui sont réduits à louer des capacités.

De plus, la possession «réelle et physique» d'un réseau peut devenir un argument dans les batailles commerciales. Dévoiler la réalité sur la place publique peut faire peur à certains? En effet, il est fort probable que de telles informations soient utilisées par les concurrents pour identifier les clients de l'opérateur...

Quand les opérateurs parlent de l'ILR...

Voici un petit pot pourri des réponses des entreprises à la question:

?Pensez-vous que les autorités de régulation au Luxembourg assurent de manière suffisante leur mission' Ont-elles suffisamment de moyens? Oui, non, pourquoi??

Broadcasting Center Europe

Nous déplorons que l'ILR n'ait pas un réel pouvoir de décision et que

son influence se limite à faire des propositions au Ministère des Communications. Entre-temps, l'EPT continue d'abuser de sa position dominante, avec le soutien du Gouvernement! Dans ces conditions, la libéralisation du marché des télécoms au Luxembourg est en train de virer à la farce.

Cegecom

The ILR has been doing a very good job so far, considering the limited power of decision it had been granted. The changing of the status of the regulating authorities will give the ILR the leverage need.

Codenet

On constate un certain manque de pro-activité et bien que certaines personnes soient très compétentes et de bonne volonté, les moyens sont incontestablement insuffisants (pas de pouvoir conféré par la loi, même si c'est en train de changer) et on ressent très fortement le manque de pouvoir d'intervention. Sentiment général que l'EPT reste très «libre» de déployer des man'uvres de freinage à la libéralisation, à l'abri de toute sanction.

Crosscom

Les autorités de régulation au Luxembourg ont agi jusqu'à présent dans la mesure de leurs pouvoirs. Il est toutefois clair que ces autorités n'ont aucun pouvoir régulateur, ce qui freine quelque peu la libéralisation. Ceci est cependant en passe d'être modifié et nous l'espérons approuvé et transformé en texte de Loi.

EPT

Nous pensons que l'ILR a des moyens suffisants. Pourquoi devrait-il intervenir alors que la concurrence est très vive dans le secteur des télécommunications comme chacun peut le constater? Le Luxembourg compte au total plus de 20 détenteurs de licences en matière de réseaux et de services téléphoniques.

Tango / Tele 2

[...]Malheureusement, l'Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR), n'avait pas jusqu'à présent les pouvoirs nécessaires pour jouer un rôle plus actif dans la dérégulation du marché telle que demandée par la Commission européenne. Ainsi, l'institut n'avait pas le poids pour intervenir dans certaines négociations difficiles en relation avec l'interconnexion avec l'EPT. [... ]A notre avis, la hausse récente des prix de l'abonnement mensuel pour l'accès au réseau fixe démontre clairement que l'EPT tente de profiter de sa position dominante en répercutant ses coûts sur les abonnements mensuels et de prendre ainsi le consommateur en otage. [...]

Tiscali

Vu les moyens dont il dispose, l'ILR assure la régulation du marché de façon assez satisfaisante. On pourrait toutefois examiner comment renforcer l'autonomie de l'Institut afin d'accélérer la libéralisation effective des télécoms au Grand-Duché et, partant, de dynamiser le marché qui reste encore assez conservateur.