Cyril-Pierre Beausse (Allen & Overy) : « Ces comportements peuvent porter préjudice au budget de l’État. »  (Photo : Julien Becker/archives)

Cyril-Pierre Beausse (Allen & Overy) : « Ces comportements peuvent porter préjudice au budget de l’État. »  (Photo : Julien Becker/archives)

Une décision analogue à celle dont vient d’être victime Megaupload est-elle possible au Luxembourg ?

« D’abord, il faut rappeler que la fermeture du site Megaupload.com fait suite à une série de décisions analogues aux États-Unis et ailleurs. Elle n’a rien d’exceptionnel. La RIAA (Recording Industry Association of America) pour la musique ou la MPAA (Motion Picture Association of America) pour les films émettent ce type d’interdictions depuis des années. Ce fut déjà le cas en 2000 avec Napster. Cela pourrait très bien arriver au Luxembourg, par exemple si un site établi au Grand-Duché, obtenait la notoriété de Megaupload ou de The Pirate Bay il y a quelques années. Plusieurs bases légales existent et notamment la loi sur les droits d’auteurs. D’ailleurs, les autorités de poursuite et de recherche (police, parquet, douane) ont toujours été là pour agir contre le piratage industriel. Il y a une dizaine d’années, 500.000 CD contrefaits et stockés au Luxembourg avaient été saisis.

Après la loi Hadopi en France, les États-Unis préparent également un cadre législatif contre le téléchargement illégal. Est-ce envisagé au Luxembourg ?

« À ma connaissance, il n’y a pas de projet de loi ou d’institution de type Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, ndlr.) au Luxembourg pour lutter contre le téléchargement des particuliers. Il est probable que les règles sur la vie privée, qui sont plus sévères au Luxembourg, poseraient des problèmes pour qu’un tel dispositif soit adopté, contrairement à la France qui donne la priorité à la protection de la culture. Une administration luxembourgeoise de type Hadopi devrait accéder facilement à des données de communication électronique, qui sont très protégées. Il faudrait donc aménager la loi pour que ces contrôles soient possibles ou même qu’ils soient sous-traités à des sociétés privées. Toutefois rien n’est gravé dans le marbre. Il n’est pas du tout impossible que la situation évolue, car ces comportements peuvent non seulement porter préjudice aux droits d’auteur, mais aussi au budget de l’État, en réduisant les recettes de TVA.

À ce jour donc, on ne risque rien au Luxembourg quand on télécharge illégalement des fichiers…

« Pas forcément. Un site russe, www.youhavedownloaded.com permet désormais de savoir à partir d’une simple adresse IP quels fichiers Torrent une personne a téléchargés. Torrent (ou Bittorrent) offre des taux de transfert beaucoup plus rapides et plus appropriés aux œuvres de taille importante. Cette technique de téléchargement permet aussi d’agir plus discrètement. youhavedownloaded.com est utilisable par n’importe qui, y compris par les autorités si elles le souhaitent. Le but des promoteurs privés de ce site est, semble-t-il, de faire passer le message suivant : ‘attention, vous laissez des traces sur Internet, méfiez-vous, vous êtes repérés’. Cela démontre que personne n’est à l’abri. Tout le monde peut vous traquer. Y compris des gens qui vous veulent du mal, dès lors qu’ils ont un certain niveau d’expertise. »