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Actif dans la téléphonie fixe, la téléphone mobile, l'accès internet et le commerce électronique, le groupe Tele2 ouvre une nouvelle ligne de front: les médias. Tango TV est dans les tuyaux? Voici l'occasion de faire le point sur les différentes acti

Le 10 octobre, le groupe Tele2 annonçait avoir obtenu "une licence de télévision par câble à travers sa filiale Everyday Media S.A. au mois de juillet cette année" et avoir "également demandé une licence de distribution de son programme par satellite". La nouvelle venue sur le marché de l'audiovisuel au Luxembourg était déjà baptisée pour l'occasion: "Tango TV".

Le communiqué de presse précisait que "le concept de Tango TV fait partie d'une stratégie globale de nos activités futures. [?] Les préparations pour le lancement vont bon train et nous sommes convaincus de pouvoir offrir aux téléspectateurs une approche innovatrice et dynamique dans les réalisations télévisées".

Plusieurs semaines après, il était temps de rencontrer Jean-Claude Bintz, responsable des activités du groupe au Luxembourg, pour faire le point sur le projet de télévision, mais aussi sur la longue liste d'activités de l'entreprise.

Vers un nouveau groupe média?

Premier sujet, bien évidemment, le développement des activités médias de l'entreprise. Le constat est très clair, dès le départ: "Nous ne faisons pas de la télévision pour faire de la télévision. Il ne s'agit pas pour nous d'avoir beaucoup d'audience, des tonnes de spectateurs". Pourquoi? "Tout d'abord parce que nous n'avons pas la possibilité de faire de la publicité 'classique', nous n'avons pas obtenu l'autorisation!"

Autrement dit, quand bien même les émissions seront partiellement financées par le sponsoring et la collaboration avec des entreprises externes, il ne sera pas possible d'atteindre l'équilibre budgétaire par cette voie. "Il faut comprendre nos motivations. Il s'agit de convergence? pas la convergence technologique, mais celle de contenus. Nous voulons augmenter notre activité de carrier. Si l'on regarde la stratégie des P&T, ils se sont clairement positionnés comme une entreprise Telecom, et rien d'autre". Illustration: l'émission Planet RTL, qui permet par exemple le passage à l'écran de SMS envoyés par les spectateurs, ré-inventant le vieux principe des dédicaces? RTL fournit du contenu générant une activité télécom pour l'opérateur historique. "Nous avons décidé de ne pas rester sur seulement une partie du processus, nous ne voulons pas nous contenter de prestations techniques. Nous voulons, selon les sujets abordés, faire du contenu nous-même ou le créer en collaboration avec certaines personnes, certaines entreprises. Notre segment de marché, c'est celui des 15-29 ans. C'est sur ce segment que l'on va essayer de créer et d'acheter du contenu".

Acheter ou créer? Quelles sont les préférences? "En créer un maximum. Pourquoi créer? On a l'impression qu'au Luxembourg il y a des maisons capables de créer du contenu, mais sur une cible trop large. Leur palette de contenus est très large, trop pour notre cible. Ils sont généralistes, et trop 'légers' sur les personnes que nous visons". Concrètement, Tango TV aura comme objectif de s'adresser aux mêmes personnes que celles visées par l'émission Planet RTL (encore elle)?

À la différence que la totalité de la grille sera calibrée pour ce groupe. Hors de question de faire un programme généraliste. "C'est aussi pour cela que nous ne pouvons pas baser le modèle économique de Tango TV sur la publicité. Les recettes de parrainage sont et resteront limitées. Comme il faut bien générer les revenus quelque part, cela viendra du trafic sur le réseau, principalement via l'activité mobile, via Tango. Ces recettes-là ne paieront pas directement toute la télévision. Mais c'est un début".

Mais l'équilibre, quand viendra-t-il' "J'ai présenté au conseil d'administration un business plan sur 5 ans. Il est clair qu'il y a dans le groupe des financiers qui regardent les chiffres? Ils ne sont pas prêts à accepter de payer les pertes de la télévision pendant 10 ans? Encore une fois, notre actionnaire ne nous a pas fait obligation de rentabiliser la télévision dans l'immédiat. Bon, si c'est possible en 3 ou 4 ans, il ne dira pas non!"

Cette complémentarité entre les médias, la génération de trafic télécom grâce à d'autres médias, renvoie à un vieux débat, celui des contenus et des capacités du réseau. De la vitesse d'accès et de transfert de données? Pour Jean-Claude Bintz, ce n'est pourtant pas cette capacité-là qui pose problème? "La capacité est effectivement un problème général. Mais pas la capacité que nous avons à transporter des informations sur le réseau GPRS aujourd'hui et UMTS demain' Le problème que nous avons, c'est la difficulté d'augmenter le nombre d'antennes. On est presque arrivé à saturation du réseau".

De là à dire qu'il y a une ressemblance entre la stratégie de Tele2 au Luxembourg et celle d'AOL ou de Vivendi à l'échelle mondiale? "Oui, c'est ça en petit? Il faut comprendre que les sources de revenus de simples opérateurs peuvent faire vivre une entreprise si on s'appelle P&T Luxembourg, Deutsche Telecom ou France Telecom. Nous, nous sommes un groupe 'entrepreneur'. Nous voulons faire partie de ceux qui seront là demain. C'est pour cela que, partout où nous sommes présents, on fait converger ce qui reste les deux métiers du groupe: télécommunications et médias".

En créant Tango TV, le groupe n'a-t-il pas précédé d'autres groupes de médias, installés depuis longtemps au Luxembourg'  "D'autres groupe médias? Je ne sais pas? J'ai encore lu un article récemment dans lequel Paul Zimmer (NDLR: Groupe Saint-Paul, éditeur du Wort) disait qu'il n'avait pas envie de faire de la télévision. Moi je dis tant mieux? D'un autre côté, il reste un créneau sur celui de l'information. Nous n'en ferons pas, et je trouve qu'il est dommage que le Luxembourg n'ait qu'une seule source d'information audiovisuelle ? en l'occurrence RTL.

Beaucoup de personnes parlent de cette fameuse télévision socioculturelle. Je ne sais pas si ça se fera ou ne se fera pas? Je ne sais pas s'il y a absolument un besoin pour cela. Mais il y a une place. Avec la nécessité de créer quelque chose de vraiment séparé du pouvoir politique - ce qui n'est pas le cas avec le Tageblatt et le Wort, même s'ils disent le contraire. Honnêtement, une bonne télévision socioculturelle, de service public, je trouve que ça serait utile et intéressant. Je trouve qu'il y a un besoin' une place? Qui le fera? Pas nous!"

GPRS et UMTS, bientôt au

programme?

Cela fait des mois que l'on parle de l'arrivée de la téléphonie de troisième génération. Au niveau européen, le rythme n'a pas été celui promis à l'origine. Au Luxembourg, les licences sont loin d'être attribuées. De fait, le standard GPRS se développe comme une marche intermédiaire vers le haut-débit mobile. "C'est en quelque sorte 'l'avant-première' de ce que sera l'UMTS d'ici quelques années. Nous avons déjà fait des tests de streaming video, d'envoi de photos. Ça fonctionne. Nous allons encore nous améliorer l'année prochaine, augmenter la vitesse. Mais, quoi qu'il en soit, aujourd'hui, avec le GPRS, il y a déjà beaucoup de possibilités. Les gens vont pouvoir regarder des informations, de l'actualité, sous forme d'images. Ils vont avoir l'horoscope? Tout le monde regarde l'horoscope. On peut le penser sous une forme animée, pas seulement sous forme de texte, avec de la couleur'".

Oui, mais: et l'argent? La création de contenu, quel qu'il soit, nécessite des budgets à rentabiliser par un moyen ou un autre? "Il y aura de la publicité, sur l'écran' On peut faire le même parallèle qu'entre les 'free TV' et les 'pay TV'. Si c'est gratuit pour l'utilisateur, il doit accepter la publicité. Si c'est payant, il n'aura pas de publicité. Si je veux l'horoscope et que je ne veux pas payer, on aura un horoscope ?présenté par X ou Y'. Si je paie, il sera sans sponsor".

C'est via ce biais qu'une autre technologie, rapidement enterrée, va ? d'après Jean-Claude Bintz ? faire son retour: le WAP. "Grâce au GPRS il va redémarrer. Je pense par exemple que tout ce qui est m-banking deviendra possible? Maintenant, est-ce que les gens vont l'utiliser? Si vous me le demandez aujourd'hui, je dirais non. Il y a un an, je disais la même chose pour le e-banking, maintenant je l'utilise tout le temps, comme de nombreuses personnes".

Quant à l'UMTS, la question est de savoir si les quatre licences proposées seront attribuées, et à qui? Pour M. Bintz, la chose est claire? "Il n'y aura pas 4 candidats? Cegecom' Est-ce qu'ils ont les moyens? Je pense que oui. Est-ce qu'ils vont vouloir mettre les moyens? Disons-le, le succès de l'UMTS se jouera sur la base client. Et eux n'ont pas cette base de clients dans les télécoms. Avec la situation légale actuelle, M. Toussing (P&T Luxembourg, voir la coverstory du précédent numéro de paperJam, NDLR) a dit, et je confirme, qu'il est impossible de faire de l'UMTS au Luxembourg. Je pense et répète qu'il n'y a pas de place pour 4 opérateurs. Il y en a pour 2. Il n'y a pas la place physique. Mettre 4 réseaux signifierait 2.000 à 2.500 stations en fin de course. Aujourd'hui, nous en sommes à 280, et il devient impossible d'en construire plus? donc utopie. Il faut 2 réseaux physiques, et que plus d'opérateurs se fassent concurrence sur les services offerts. Pas sur l'installation physique. Le combat va se faire sur les services, ou les clients seront prêts à payer, pas sur la structure'"

Et Everyday dans tout ça?

Dans l'activité du groupe, il ne faut pas oublier la dernière partie du triptyque: Tango, Tele2, mais également Everyday? Que devient Everyday? "Il faut préciser que c'est un joint-venture? Nous ne faisons pas à 100%  ce que l'on veut. Je reconnais qu'Everyday, c'est un peu lourd. Par exemple, le système de SMS n'est pas le nôtre, c'est celui de la Suède. Le système de mail, c'est l'Autriche. L'horoscope, c'est l'Italie. Ceci posé, Everyday est là, et sera toujours là comme portail du groupe pour le Luxembourg."

Et Everyday Shopping, lancé il y a maintenant plusieurs mois? "Dans Everyday shopping, il faut séparer les choses. Il y a une partie commerce électronique par Internet ? e-shopping ? et une partie commerce mobile ? m-commerce. Pour ces deux activités, la plate-forme est la même, et elle va continuer à être développée. Pour ce qui est de l'activité e-shopping, je dois avouer que ça a été un flop total, sauf pour deux ou trois commerçants du site. La version m-commerce marche beaucoup mieux? Je peux par exemple recharger ma carte téléphonique grâce à ma carte de crédit, directement. Les gens consomment beaucoup de cette manière".

Cela signifie-t-il que les investissements ont été faits en vain' "Non, on va aller beaucoup plus loin dans le développement de la plate-forme. Elle a été développée par Primesphere au Luxembourg, mais est utilisée dans toute l'Europe. Les investissements n'ont pas été faits que pour le Luxembourg? En Suède, on peut réserver et payer sa chambre d'hôtel grâce à la même plate-forme. Idem, d'ici quelques jours, on pourra réserver un parking en Angleterre, le tout en e-shopping ou m-shopping? Le Luxembourg est en fait une sorte de laboratoire et de zone de test pour tout le groupe".

Et Gismo? Pour ceux qui s'en souviennent, Gismo était un projet de système de paiement via téléphone portable, pour des sites de commerce électronique comme "dans la vraie vie". "Gismo a été abandonné. Gismo nous obligeait à multiplier nos interlocuteurs. Nous devions aller voir les magasins pour les convaincre de mettre le petit 'sticker' Gismo. Ensuite il fallait promouvoir la solution auprès de l'utilisateur final. Nous ne sommes pas outillés pour faire le démarchage des commerçants. En Allemagne et en Suède, le produit est lancé, et il fonctionne".