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 (Photo: David Laurent/Wide)

Head of country technology organization, ABN Amro Luxembourg.

Monsieur Momin, en tant que responsable de l’informatique de l’entité luxembourgeoise d’ABN Amro, quel est le profil de vos missions?

«La principale est de garantir un certain nombre de services informatiques, et un niveau de qualité pour ces services, à l’ensemble des utilisateurs, aussi bien en interne qu’à l’extérieur. Avec cette particularité chez ABN Amro que l’informatique est fortement externalisée. Je dois donc m’assurer que les services fournis par les différentes sociétés vers lesquelles nous avons décidé d’outsourcer correspondent bien aux exigences requises et aux besoins du business. Par ailleurs, je suis en charge du suivi des développements et des nouveaux projets en interne et avec nos fournisseurs.

Pourquoi ABN Amro a-t-elle privilégié l’outsourcing?

«C’est une stratégie prônée par le groupe dans son ensemble depuis 2005. Plusieurs raisons ont motivé cette orientation. Ce choix répond d’abord à une volonté d’apporter plus de cohérence à travers les systèmes d’information pour l’ensemble du groupe, d’uniformiser l’IT pour en améliorer le fonctionnement.

Mais l’objectif était aussi de moderniser l’outil, de l’amener à un plus haut niveau de maturité tout en maîtrisant mieux les coûts. Sur ce dernier point, on a gagné en transparence. On a plus de visibilité sur ce que coûte chaque poste. Si bien que l’on peut plus facilement orienter nos choix technologiques et business.

Avez-vous participé à cette externalisation? Comment ABN Amro a-t-elle procédé?

«J’ai en effet participé à ce projet d’externalisation en tant que responsable de la sécurité informatique, ici, au Luxembourg. L’opération devait suivre les orientations globales prises par le groupe. Au niveau de l’infrastructure, cette externalisation s’est réalisée avec la structure PSF d’IBM à Luxembourg. Pour le support et le développement applicatif, et notamment notre principale application bancaire, nous travaillons avec Tata Consultancy Services. Enfin, nous avons aussi externalisé l’ensemble du réseau international et les services de sécurité réseau à Verizon Business. Ces contrats d’externalisation couraient jusqu’en 2010 et ont tous été renouvelés.

Dans quelle mesure le processus d’externalisation préconisé par le groupe a-t-il pu être facilement adapté au Luxembourg?

«Notre mission était évidemment de garantir que cette externalisation menée par le groupe soit adaptée localement, pour qu’elle réponde aux exigences de la législation luxembourgeoise et aux recommandations de la CSSF. La collaboration avec les PSF luxembourgeois sélectionnés a été primordiale afin de répondre à nos besoins.

Plus généralement, à quels choix technologiques avez-vous dû recourir pour répondre à ses besoins opérationnels?

«Notre stratégie applicative, pour le métier bancaire, est axée autour du produit Olympic Banking System. Au niveau de la gestion des portefeuilles, c’est la solution Triple A qui a été privilégiée. Ce sont les deux principaux systèmes d’information au service de nos métiers. Nous avons aussi implémenté le système Impressio, qui permet de gérer le courrier client. Enfin, plus récemment, nous avons conclu un accord stratégique avec Cetrel pour la transmission d’informations relatives aux marchés, comme le pricing ou d’autres données relatives aux titres.

Quelle est votre marge de manœuvre par rapport aux décisions prises par le groupe?

«Chaque entité participe aux choix qui sont opérés pour le groupe. Par exemple, celui de la mise en œuvre d’Impressio à Luxembourg, qui répondait à un besoin identifié localement, a permis de répondre à cette même problématique dans d’autres pays. Lorsque nous sommes confrontés à un besoin particulier, le management IT d’une entité peut opérer des sélections différentes que celles préconisées par le groupe, pour autant qu’elles soient justifiés.

Par exemple, dernièrement, nous avons mis en place localement un nouvel outil web banking, BankVista, pour les independent asset managers. La stratégie du groupe est d’exécuter une vision informatique globale pour développer des synergies entre les entités et améliorer la qualité des services informatiques dans chacune d’entre elles, tout en laissant une marge de manœuvre aux responsables informatiques locaux, afin de répondre au mieux aux besoins et demandes transmis par les lignes métiers.

Pour les équipes en interne, quels ont été les changements induits par cette externalisation?

«L’équipe IT interne passe moins de temps sur des activités purement techniques. Les ressources de la banque peuvent désormais être consacrées davantage aux projets business et opérationnels. Nous avons établi des liens privilégiés avec les lignes métiers de la banque, pour identifier les besoins et les opportunités qui permettront à la structure d’être plus efficiente, d’améliorer les processus opérationnels et de développer de nouvelles activités.

Nous sommes une équipe de huit personnes, sur un total de 200 employés au sein de la banque et de la compagnie d’assurance-vie qui lui est attachée. Aujourd’hui, nous avons plutôt un rôle de suivi des services externalisés, de communication avec les différents prestataires, pour nous assurer de la qualité des services. D’autre part, nous travaillons au côté des métiers et nous communiquons beaucoup avec les utilisateurs pour que l’informatique, bien qu’externalisée, demeure transparente pour eux. Nous veillons aussi à la sécurité du système, aux plans de secours et à contrôler les budgets et les coûts liés à l’informatique.

Quels sont vos principaux chantiers pour l’année 2011?

«L’un des principaux sera la mise à jour du système Triple A, pour l’activité de gestion de portefeuilles. Elle permettra notamment d’améliorer le reporting au client et intégrera de nouvelles fonctionnalités afin d’améliorer les processus opérationnels des utilisateurs et de développer de nouvelles offres commerciales. Nous allons poursuivre le travail commencé avec Cetrel pour l’amélioration de la gestion des titres, avec la mise en place d’interfaces automatisées, permettant d’améliorer les services du back office jusqu’au relationship manager. Celui-ci pourra disposer de meilleures informations, plus rapidement.

Ce sont là deux chantiers importants, auxquels s’ajoutent notamment des projets liés aux changements réglementaires. Dans le cadre de notre processus de contrôle des coûts IT, nous avons également entamé une réflexion sur une consolidation plus importante de notre architecture applicative.

Dans quelle mesure la multiplication récente des réglementations au niveau du secteur financier a-t-elle un impact sur les projets informatiques?

«On a pu constater ces dernières années que ces changements avaient un impact important sur la stratégie, les projets et les ressources IT. Les contraintes réglementaires ainsi que le renforcement des pratiques du risk management ont pris une grande place dans les activités IT. Ces éléments constituent désormais une part beaucoup plus importante de notre travail. Nous avons pu observer, à plusieurs reprises, des impacts notoires sur les coûts et la durée des projets. Il s’agit donc de bien identifier ces contraintes dès l’élaboration des business cases et des plans de projet.

Comment choisissez-vous vos fournisseurs?

«Dans le contexte de l’externalisation, on peut identifier deux types de fournisseurs. D’abord ceux avec qui le groupe travaille de manière globale, comme IBM ou Tata. A ce niveau, les choix sont faits pour le groupe. Mais, au préalable, chaque entité a fait remonter ses besoins et ses contraintes spécifiques, afin que ces fournisseurs puissent y répondre adéquatement. Chaque contrat laisse un certain périmètre d’action pour répondre au mieux aux besoins locaux. Ils ne sont ainsi pas totalement figés et permettent à chacun de développer, si le besoin s’en fait ressentir, de nouveaux services.

Ensuite, nous avons aussi la possibilité de nous tourner vers d’autres fournisseurs, pour peu que cela soit clairement justifié. Tout dépend de nos besoins et de l’offre que chacun peut trouver sur son marché local. Nous travaillons par ailleurs sur base d’appels d’offres ou avec des partenaires que nous connaissons bien sur le marché pour des besoins très spécifiques.

L’open source est-il intéressant pour vous?

«Oui, mais nous n’y avons pas recours de manière stratégique. Pour répondre à des besoins particuliers, nous avons déjà eu recours au développement de solutions open source. C’est généralement le cas lorsqu’il n’est pas possible de trouver sur le marché des solutions éprouvées couvrant les besoins émis par nos utilisateurs. Nous procédons dans ce cas au développement de logiciels basés sur l’open source, souples et adaptables, que nous améliorons ensuite afin de nous aligner sur l’évolution des besoins. Cela permet aussi d’offrir des résultats rapides, à moindre coût, ce qui peut être un élément critique lorsqu’il s’agit de supporter de nouvelles opportunités commerciales.

Comment est intégrée l’informatique dans les processus de décision stratégique de l’entreprise? Comment le management est-il impliqué?

«En tant que responsable de l’informatique, je fais partie du management team local. Je prends donc part aux différentes discussions autour des opportunités business, des enjeux réglementaires, de l’amélioration de nos activités. Le fait de participer à ces réunions m’aide beaucoup pour orienter au mieux les projets informatiques, les aligner sur les stratégies business. Cela doit nous permettre de mieux supporter les opportunités commerciales et optimiser l’organisation et ses processus.

Par ailleurs, au niveau global, un lien permanent existe entre les responsables des différentes entités et le CIO banque privée du groupe. Cela permet de faire remonter les besoins et problématiques propres à une entité, les aspects IT spécifiques au Grand-Duché, par exemple, et de rationaliser ensuite les développements à l’échelle du groupe. On peut aussi, par ce biais, accéder à des lignes de services IT globalisés.

Un responsable informatique doit-il venir du terrain ou doit-il être avant tout un manager?

«Il faut un peu des deux. D’un côté, la fonction nécessite une expérience de terrain sans forcément le savoir d’un expert. Il faut des compétences techniques et technologiques. Mais il faut aussi pouvoir comprendre les métiers de la banque, pour pouvoir discuter avec les utilisateurs et challenger ses fournisseurs en fonction de leurs attentes. Sans toutes ces compétences, c’est difficile de gérer l’informatique d’une entreprise comme la nôtre. C’est d’autant plus vrai dans ce contexte d’externalisation. Enfin, de solides compétences de manager sont nécessaires pour pouvoir diriger son équipe et aligner ses objectifs sur les stratégies de l’entreprise.»

 

CV - Douze ans d’expérience
Aujourd’hui âgé de 39 ans, Sylvain Momin est entré chez ABN Amro en 2005. Il a d’abord été head of information security avant d’accéder, en 2007, au poste de head of country technology organization. Il est à la tête d’une équipe de huit personnes et coordonne l’ensemble des aspects technologiques pour la banque et la compagnie d’assurances du groupe ABN Amro à Luxembourg. Avant d’arriver au sein
de la banque néerlandaise, Sylvain Momin a passé huit ans chez EFA, d’abord comme administrateur de bases de données, puis chef de projets «infrastructure» avant de devenir security officer. Il est titulaire d’une licence en informatique de l’Université de Liège.