L'histoire de Sue Shelley met en émoi la presse britannique, mais aussi Vince Cable, le ministre libéral-démocrate des Entreprises du gouvernement de David Cameron, qui vient d’écrire au président de HSBC Holdings PLC, Douglas Flint, en se disant troublé par les déclarations de cette ex-responsable du département Compliance de HSBC Luxembourg, licenciée pour avoir dénoncé certaines pratiques de la banque.
Sue Shelley a témoigné lundi dans une émission de la BBC de ses doutes sur la conformité de certaines procédures chez HSBC Luxembourg, notamment en matière de conformité de traitement fiscal, lorsqu’elle était en poste entre 2011 et 2013. L’ancienne employée pointait du doigt les contradictions entre les messages véhiculés par la banque privée et ses pratiques, qui l’ont beaucoup dérangée, au point qu’elle est allée les dénoncer. «I think the verbal message was great but they weren’t put into practice and that disturbed me greatly», a-t-elle déclaré à la télévision britannique.
Pour la presse britannique qui s’est empressée de relayer son témoignage, les assertions de Sue Shelley seraient la preuve que la banque n’a pas résolu, comme elle le prétend pourtant, la situation fiscale de ses clients et que les révélations de dimanche sur le scandale SwissLeaks sur l’existence de milliers de comptes non déclarés dans des juridictions à secret bancaire perduraient jusqu’à récemment.
L’occasion était sans doute trop belle pour les Britanniques pour ne pas taper par ricochet sur le Luxembourg.
Employée chevronnée
Reste que l’histoire de Sue Shelley n’est pas à prendre à la légère. D’abord parce que c’était une employée chevronnée, ensuite parce qu’elle a gagné haut la main son procès contre son employeur au Grand-Duché.
La dame avait près de 30 ans d’expérience et d’ancienneté chez HSBC lorsqu’elle fut recrutée par la filiale au Grand-Duché pour prendre la tête du département Compliance. Elle avait fait ses preuve auparavant au sein du groupe bancaire, passant 10 années à Jersey puis 15 sur les Îles Cayman. Après une pause entre 2007 et fin 2010, au cours de laquelle elle avait fondé sa propre société qui sous-traitait avec HSBC, elle avait réintégré le groupe directement au Luxembourg où elle avait été nommée head of compliance chez HSBC Private Bank.
Le 24 juillet 2013, elle est licenciée, alors qu’elle se trouvait en congé de maladie (pour des raisons qui seraient d’ailleurs liées à du harcèlement). Son employeur ne fournira jamais le motif de son licenciement qu’elle contesta devant le tribunal arbitral de Luxembourg et qu’elle gagna le 15 décembre dernier avec à la clef plus de 110.000 euros d’indemnités au titre de préjudice moral et matériel. Elle réclamait initialement 900.000 euros.
Le jugement du 15 décembre ne dit rien sur les raisons à la base de son limogeage, sinon que ce fut un licenciement abusif. La banque n’a d’ailleurs pas fait appel.
Dénonciation à Londres
Le litige au Luxembourg s’est exclusivement articulé autour du caractère abusif du licenciement dans l’optique, pour l’ancienne chef de la compliance, de faire payer le plus possible d’indemnité à l’employeur, qui a fait le dos rond pour en dire le moins possible sur l’arrière plan de l’affaire et les véritables raisons du limogeage de Sue Shelley. On n’a pas discuté des motifs du licenciement, mais seulement des montants de l’indemnité.
Et pour faire monter la pression, l’ancienne responsable de la compliance aurait accompagné son dossier d’une note écrite, assortie de témoignages de ses collègues, dont le risk manager, sur sa crédibilité et sa fiabilité, dans laquelle elle détaillait des défaillances de conformité de la banque luxembourgeoise qu’elle avait été dénoncer au siège du groupe à Londres, sans avoir d’autre écho en retour qu’une lettre de licenciement. Cette note lui a ainsi servi de levier pour faire monter les enchères, alors qu’au départ, son employeur ne voulait lui payer que deux mois de préavis, le minimum légal, HSBC Luxembourg ne lui reconnaissant pas d’ancienneté.
Sue Shelley apparaît comme la seconde lanceuse d’alerte connue et médiatisée au cours de la décennie au Luxembourg, après le Français Antoine Deltour, auquel on doit LuxLeaks. Tous deux avaient été des employés modèles avant de quitter leur entreprise: volontairement pour Deltour, sans beaucoup d'élégance pour Shelley. Hors des frontières du Grand-Duché, ils passent en tout cas pour des héros de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.