Stephan Schwarz (Photo : David Laurent/Wide)

Stephan Schwarz (Photo : David Laurent/Wide)

Monsieur Schwarz, vous êtes arrivé récemment chez Vanksen, après plusieurs années passées chez ArcelorMittal… Fait-on de la communication de la même manière dans les services que dans l’industrie?

«Il y a, je pense, deux types de services de communication, mais qui ne se différencient pas selon le secteur économique de l’entreprise. Les premiers sont plus opérationnels: ils produisent des brochures, des flyers, organisent des événements… Ils se concentrent sur les outils. De l’autre côté, il y a ce que j’appelle les services de communication stratégique. Ils inscrivent leur action dans le cadre de la stratégie d’entreprise et tentent de la nourrir. Autrement dit, ils essaient de prendre les choses par le haut et se posent systématiquement une question simple avant de faire quoi que ce soit: ‘pourquoi?’
C’est un point que j’ai compris chez ArcelorMittal. C’est un groupe qui sait utiliser toutes les fonctions support de manière stratégique.

Et donc, vous voici aujourd’hui directeur de la communication… dans une agence de communication. Un métier difficile?

«Il est rare qu’une agence de communication ait un département Communication! Xavier Lesueur, notre CEO, et Emmanuel Vivier, notre chief strategy officer, sont des entrepreneurs qui ont une véritable vision stratégique. Ils sont conscients que le risque pour une agence, toute concentrée qu’elle est sur le succès de ses clients, c’est de tout simplement oublier de faire connaître ses propres succès. Mon boulot, c’est de formuler la vision, pour qu’elle soit compréhensible. Puis la communiquer, en l’éclaircissant, en l’amplifiant.
Je crois qu’un bon ‘DirCom’, c’est un samouraï… Il met son sabre au service d’une cause. J’ai récemment entendu dans une conversation: ‘Je ne suis capable de travailler que pour des gens que je respecte, que j’admire ou que j’aime.’ Je me mets dans la même catégorie.

Vous êtes arrivé il y a quelques mois, quels ont été vos premiers chantiers?

«Le défi d’un DirCom, c’est de montrer rapidement les premiers résultats, d’apporter de la valeur ajoutée sur notre activité. Une fois que les premiers résultats sont visibles, alors on peut aller plus loin, s’impliquer plus avant, prendre un peu plus de temps pour bien comprendre les spécificités de l’entreprise et y mettre du sens, poser la fameuse question du ‘pourquoi’…
Vanksen, c’est une très belle agence. Elle est a été créée et est installée à Luxembourg. Mais très peu de monde le sait. Mon job, c’est que les gens soient au courant. L’agence est jeune, dynamique, atypique… Ça tombe bien, ce sont des caractéristiques que j’apprécie. Et en plus, il y a une adéquation entre ce qu’est la structure et ce qu’elle veut être. La communication d’une entreprise doit rester en ligne avec son ADN, avec ce que l’on appellerait ailleurs sa culture d’entreprise.
La communication ne crée pas le succès, elle l’amplifie. On ne peut pas tordre la réalité. Je ne pense pas qu’honnêteté et éthique soient incompatibles avec l’efficacité.

Vous parlez d’ADN de l’entreprise. Quelles sont les caractéristiques de Vanksen?

«Vanksen, c’est une agence qui vient du monde numérique. Une des conséquences, c’est l’effort porté à la création d’un retour sur investissement, dans toutes les actions proposées aux clients.
Nous faisons bien notre boulot. Nous sommes rigoureux. Nous sommes sérieux, mais nous essayons de ne pas nous prendre au sérieux. Nous sommes également accessibles, et très tournés vers les solutions opérationnelles.
Nous avons levé des fonds récemment pour financer notre croissance. Notre objectif est clair: nous sommes aujourd’hui 85, et nous voulons être 150 à 200 dans trois ou quatre ans.
Dans ce processus, nous ferons des erreurs, fatalement, mais nous en ferons parce que nous bougeons, nous agissons. Mais ceci posé, la taille d’une entreprise n’a rien à voir avec la taille de ses défis.
Au Luxembourg, nous sommes 60. A Paris, nous sommes une quinzaine. Nous allons déménager pour accompagner la croissance des équipes. Les dix autres sont installés à New York et à Genève.

Vous avez en charge la communication externe, mais également la communication interne…

«Les deux sont interconnectées. Voici un exemple: nous grandissons, donc nous arrivons au stade où les personnes ne se connaissent plus aussi bien qu’avant… Donc, il nous fallait un support de communication interne. Eh bien, nous avons décidé de faire une newsletter interne, mais papier! Ce qui me permet d’ailleurs de rappeler que nous faisons 30% de notre chiffre d’affaires dans le offline…
Cette newsletter présente les budgets sur lesquels nous travaillons, les gens dans chaque pays, et un focus sur les différents métiers. Nous apportons avec cet outil un peu de la proximité qui se mettait à manquer. Et, en fait, nous avons également envoyé cette newsletter interne… à nos clients! Eux aussi gagnent à nous connaître!

Pourquoi la communication interne est-elle importante?

«Il y a une chose qui est terriblement destructrice dans les entreprises: c’est lorsque les employés apprennent des informations sensibles sur la structure par la presse… En utilisant un euphémisme, on pourrait dire qu’ils ne se sentent pas valorisés lorsque cela arrive.
Je prends un exemple: le lancement de la webTV d’ArcelorMittal pendant la fusion… C’était un outil interne, mais mis à disposition sur une URL externe. Il fallait y montrer l’inquiétude que la fusion provoquait, même les questions plus gênantes, comme celles où les gens s’inquiétaient de perdre leur emploi… Le simple fait d’assumer l’inquiétude des gens et de voir des dirigeants y répondre, la prendre en compte, cela a permis de détendre l’atmosphère.
Toujours pour prendre l’exemple d’ArcelorMittal, nous devions régulièrement diffuser des informations financières. Cela passait par l’envoi d’un communiqué de presse, à 7h du matin, aux journalistes. Au même moment, un e-mail était envoyé de la boîte personnelle de Lakshmi Mittal, avec une lettre spécialement faite pour les employés et une vidéo tournée pour un usage uniquement interne.
La communication interne et la communication externe se complètent et s’intègrent. Elles font du sens, chacune, et doivent véhiculer un message unique.

Les démarches de communication sont-elles toujours sincères? Ne cachent-elles pas parfois un peu d’hypocrisie?

«La question de la sincérité de la démarche est une question de journaliste… Nous sommes dans la communication, donc nous travaillons sur la perception. Je vais peut-être paraître provocateur, mais est-ce tellement important de savoir si la démarche est sincère?
Prenons l’exemple du siège de Google, à Moutain View. Sur place, tout est gratuit: la cantine, la salle de sport, les baby-sitters… Pourquoi? Par pure générosité? Ou bien pour encourager les ingénieurs à rester sur le site le plus longtemps possible? Leur devise est ‘Don’t be evil’. Est-ce vraiment une des valeurs de l’entreprise ou un simple slogan? Je ne veux pas le savoir. Ils font ce qu’ils font, et ils le font bien. Et ils sont bien perçus, et leur turn-over est exceptionnellement bas…
Certaines entreprises réussissent à se construire une bonne image en étant objectivement des prédateurs très efficaces. Regardez Microsoft, qui est considérée comme le ‘mal absolu’. Pourtant, entre eux et Apple, il n’y a aucune différence! Et pourtant, Apple a réussi à faire croire qu’ils étaient des ‘gentils’… 99% des personnes croient que l’on est une meilleure personne si l’on a un Mac, un iPod ou un iPad… Comment l’ont-ils fait? Avec un marketing et une communication d’une efficacité impressionnante!
Je le répète: la communication est une affaire de perception. Elle doit amener le projecteur sur l’entreprise de la meilleure manière… Mais sans tricher.

N’est-ce pas une approche cynique de la communication?

«Je ne pense pas… Le monde de la communication peut être un monde de Bisounours… si on veut se contenter de faire de la communication opérationnelle.
Concrètement, on ne peut pas mentir, on ne peut pas raconter une histoire qui n’est pas vraie. Il faut juste exprimer le point de vue de la société, l’articuler pour qu’il soit compréhensible et constructif. Ça, oui. Le reste, non.
L’entreprise doit avoir une approche éthique mais décomplexée de la communication. Nous devons donner notre point de vue sur notre environnement. Aux médias de donner le point de vue de la société ‘civile’.

A propos de point de vue, quel est le vôtre sur le Luxembourg?

«J’ai l’impression que l’on se complaît souvent à dire que l’on est en retard sur les autres pays… Toutes mes excuses, mais je ne suis pas d’accord! Facebook a ici un taux de pénétration de 36%. C’est un chiffre tout à fait comparable à ce qu’il est en France, et ce n’est pas le seul exemple! Il y a ici de belles et grandes réussites. Dans le domaine de l’IT, il y a du savoir-faire, il y a des compétences. On sait faire des choses.
Pour Vanksen en particulier, en ligne avec la stratégie générale, nous allons choisir de ne plus prendre la parole que sur nos spécificités, en accord avec notre vision stratégique. Nous allons ‘parler moins’, mais ‘parler mieux’.
Une chose à transmettre, c’est que nous sommes la plus grande agence de communication au Luxembourg! Il faut le faire savoir. Nous sommes 60 basés au Luxembourg… Combien de personnes, au Grand-Duché, le savent?»