Pour Patrick Browne, il est clair que la consultante a changé d'orientation. (Photo: Luc Deflorenne)

Pour Patrick Browne, il est clair que la consultante a changé d'orientation. (Photo: Luc Deflorenne)

Monsieur Browne, quelle évolution avez-vous observée dans votre activité?

«Au début des années 2000, les entreprises luxembourgeoises ne voyaient pas l’intérêt de faire appel à des sociétés, comme la nôtre, spécialisées dans l’amélioration des performances de la partie opérationnelle. La croissance était là et les profits suivaient! Avec la crise, les cartes ont été redistribuées. La consultance a changé d’orientation: l’accompagnement dans l’IT et la stratégie, demandant de gros investissements, ont partiellement été gelés. En contrepartie, notre domaine d’expertise, moins gourmand en moyens financiers, a pris une nouvelle ampleur. On doit conduire les entreprises à gagner en qualité de production et donc à réduire les coûts de fonctionnement. En outre, nous avons adopté une politique de rémunération sur l’impact. En d’autres termes, nous sommes commissionnés sur l’argent économisé suite à nos conseils. Pour un directeur pragmatique, cette politique devient très intéressante.

Quel sera l’avenir à court et moyen termes?

«Disons d’abord qu’en période de morosité économique, les consultants sont parmi les premiers à pâtir de la situation. Aussi, quand les prémisses d’une amélioration se dessinent, ils sont les premiers professionnels sur le front; et ils apportent leur expertise pour des missions, par essence, temporaires. Je pense donc que les mois à venir vont confirmer cette tendance. Cette situation économique tendue conduit les sociétés à chercher la croissance en limitant les investissements (notamment technologiques) et les embauches. La réduction des coûts est le premier levier sur lequel elles peuvent jouer. Aussi, les experts de notre secteur vont continuer à être demandés. Je crois aussi que certains acteurs vont s’orienter vers plus de coaching au détriment, peut-être, de la formation. Ceux-là préfèrent investir de manière ciblée pour leurs seniors managers que former des collaborateurs tous azimuts.

Quelle est votre politique de recrutement?

«Des cabinets de consultants engagent des juniors à tour de bras: ils mettent plus de monde, moins chers, sur un même projet. Est-ce la bonne solution pour le client? Pas forcément. De notre côté, nous misons sur l’expérience de nos consultants. Certains viennent du secteur pharmaceutique, d’autres sont d’anciens collaborateurs de chez Toyota ou encore McKinsey. Ils ont l’expérience de l’opérationnel. Par contre, ils sont effectivement plus chers. Nos collaborateurs sont pour l’essentiel des freelances, car ils ont une vision plus entrepreneuriale. On paie le prix pour de tels experts, mais nos clients sont satisfaits. Il en va de notre réputation et surtout d’une stratégie long terme.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous en priorité?

«On jouit parfois d’une plus grande notoriété hors frontières qu’au Luxembourg. De grandes sociétés internationales font appel à nous. Je regrette que le Luxembourg ne soit peut-être pas encore assez mature pour s’orienter vers des choix stratégiques plus en phase avec les réalités économiques. Ma baguette magique donnerait l’étincelle nécessaire pour que les institutions, comme la Chambre de commerce ou la Fedil, prennent à bras le corps d’encourager les entreprises à adopter les bonnes pratiques. C’est, pour l’anecdote, dans cette optique que j’ai créé avec quelques amis consultants, en 2011, The Place asbl, un réseau dédié aux experts du management opérationnel.»