Emballage de rigueur, façon Christo, pour un château qui entamera sa deuxième vie début 2016. (Photo: Eric Chenal)

Emballage de rigueur, façon Christo, pour un château qui entamera sa deuxième vie début 2016. (Photo: Eric Chenal)

Symboliquement, on aurait pu y voir un passage de témoin entre sidérurgistes et banquiers, entre ceux qui ont assuré la prospérité du pays au cours d’une large partie du 20e siècle et ceux qui l’assurent depuis. Mais la vente du «château Arbed» par ArcelorMittal à la BCEE, en novembre 2014, a surtout marqué le retour dans des mains luxembourgeoises d’une pièce essentielle du patrimoine national.

La Spuerkeess en avait-elle réellement besoin pour ses services ou a-t-elle juste agi pour le compte de l’État en ajoutant un édifice majeur à ceux qui trônent de manière impériale sur la place de Metz? «Nous étions effectivement un peu à l’étroit dans l’espace dont nous disposions, confirme Jean-Claude Finck, directeur général de la Banque et caisse d’épargne de l’État. Cette surface supplémentaire va nous permettre d’assurer un cadre de travail adéquat au personnel de la banque.»

Le château, bâti en 1922, se situe en plus dans la périphérie directe des bâtiments historiques de la BCEE. Actuellement en rénovation, il se retrouve enveloppé d’une gigantesque bâche qui le fait ressembler à une œuvre emballée «à la Christo» et le met plus en ligne avec le pont Adolphe qu’avec le style du siège de la caisse d’épargne. Le bâtiment étant classé monument national, tant pour l’intérieur que pour l’extérieur, les travaux sont limités au rafraîchissement et à la sécurisation de l’immeuble. Une bonne partie du toit est en train d’être refaite et des aménagements visant une meilleure efficience énergétique sont également entrepris. «Mais nous ne touchons pas aux volumes, assure Jean-Claude Finck. Les vastes espaces sont d’une autre époque, mais font le charme et la valeur d’un tel immeuble.»

Une fois les travaux terminés, les premières équipes en prendront possession au début de l’année prochaine. Quant à l’affectation destinée aux futurs locaux, son nouveau propriétaire lève un coin de la bâche: «Nous envisageons de regrouper dans ce nouvel espace les services centraux qui ont un contact direct avec la clientèle.» Sa mission principale sera en fait d’accueillir les catégories de clients que l’institution veut pouvoir recevoir ailleurs qu’en agence. Elle abritera donc les services de crédit aux entreprises, PME et collectivités locales et le département de pilotage des agences chargé d’accueillir la clientèle privée.

Formation et réceptions

À la fin de la dernière décennie, Lakshmi Mittal avait aussi concrétisé son ambition d’installer une «université Mittal» au sein du bâtiment. Des salles de formation ont donc été installées et que la banque veut récupérer pour assurer, depuis le château, ses programmes de formation interne. Enfin, dans l’aile droite du bâtiment, sous les toits, l’espace aménagé par le sidérurgiste pour accueillir ses assemblées générales sera transformé en salle de réception d’une capacité minimale de 200 personnes. «Le but, poursuit Jean-Claude Finck, sera de mettre cette salle à disposition des clients de la banque établis au Luxembourg – entreprises, fondations ou associations – pour qu’ils puissent y organiser des événements.»

Dans la mesure où la banque manquait d’espace, elle n’envisage pas d’importantes cessions immobilières suite à l’implantation d’une partie du personnel sur l’avenue de la Liberté. «Certaines surfaces seront peut-être vendues, mais en termes de mètres carrés ce ne sera pas très important», note encore le responsable de l’institution. Par contre, l’opération a permis à la BCEE d’obtenir une centaine de places dans le parking souterrain adjacent, dont la propriété avait historiquement été partagée entre la Ville et l’Arbed. «Récupérer autant de places de parking en centre-ville, c’est plutôt une bonne nouvelle», se réjouit Jean-Claude Finck. Mais c’est la seule bonne surprise du rachat. La très belle cave à vin datant de la grande époque Arbed avait déjà été cédée par ArcelorMittal à un négociant privé lors de la décision de ne plus occuper le bâtiment.

Publication
Des bâtiments pour l’histoire
La Spuerkeess a édité en 2013 un livre qui retrace les 100 ans de son siège, 1, place de Metz.

Un ouvrage «privé», distribué jusqu’ici très discrètement. Jean-Claude Finck s’en défend, le rachat du château Arbed n’a pas été motivé par le fait d’offrir une image prestigieuse à la Banque et caisse d’épargne de l’État. «En termes de patrimoine immobilier, nous avons déjà des objets d’une grande valeur architecturale.» Des affirmations appuyées par un ouvrage publié en 2013, en édition privée, pour les 100 ans de l’«hôtel de la Spuerkeess» au 1, place de Metz. Richement illustré de photos des différentes époques – depuis la construction du pont Adolphe jusqu’à aujourd’hui – il tire aussi sa valeur des plans du bâtiment, retrouvés un peu par hasard et reproduits. On y voit ainsi que les quelque 30.000 pierres qui composent la façade principale avaient toutes été numérotées avant leur placement. Plus qu’un simple travail sur un bâtiment, ce 1, place de Metz retrace par l’image un siècle d’histoire de la capitale où l’on se rend compte, incidemment, que l’enlèvement des rails de l’ancien tramway ne date finalement que du début des années 60.