La transposition de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFMD) a permis au Luxembourg de revoir les dispositions de certaines lois, dont la loi sur les sociétés commerciales et le régime applicable à certaines sociétés. Parmi les sociétés actuellement pouvant être créées sous la loi luxembourgeoise figure la société en commandite simple (SCS) qui est un type de société, qui existe depuis le droit romain, et qui a été introduit en droit luxembourgeois en 1915. Ce type de société, bien que se caractérisant par la liberté contractuelle (et donc très peu réglementée), est rarement utilisé en pratique. Ceci est d’autant plus surprenant, étant donné l’utilisation qui est faite du partnership dans d’autres juridictions, en particulier dans le contexte de la structuration de fonds d’investissement. Bien que ces partnerships soient très similaires à notre SCS, les fonds de private equity et de capital risque ont, jusqu’à présent, toujours préféré l’utilisation des partnerships de type anglo-saxon.
Le Luxembourg, occupant le deuxième rang mondial et le premier au niveau européen dans le domaine des fonds d’investissement (en matière d’actifs nets gérés par les organismes de placements collectifs luxembourgeois), a saisi l’occasion de la transposition d’AIFMD pour compléter sa législation, en revoyant les dispositions de la loi applicables aux SCS, et, surtout, en introduisant un nouveau type de véhicule d’investissement, la société en commandite spéciale (special limited partnership) (SCSp).
La SCSp est une société que contractent un ou plusieurs associés commandités (les general partners ou GPs) indéfiniment et solidairement responsables des engagements sociaux, avec un ou plusieurs associés commanditaires (les limited partners ou LPs), qui n’engagent qu’une mise déterminée conformément aux dispositions du contrat social (le partnership agreement). La SCSp ne constitue pas une individualité juridique distincte de celle de ses associés.
La SCSp peut être utilisée par des entités réglementées ou non réglementées que ces dernières constituent des fonds d’investissement alternatifs sous AIFMD ou non. Ainsi, les fonds d’investissement réglementés, tels que le Fonds d’investissement spécialisé (FIS) et la Société d’investissement en capital à risque (Sicar) pourront adopter la forme de la SCSp, et ainsi profiter des avantages que ce nouveau type de véhicule d’investissement offre en matière de structuration et de fiscalité. De même les sociétés de participation financières (Soparfi) pourront également adopter cette forme légale et profiter de ses avantages.
1. Un minimum de règles d’ordre public – Prédominance du contrat social (le partnership agreement)
Les règles d’ordre public sont limitées en nombre, et concernent essentiellement la tenue et le contenu du registre des associés, les informations (à l’exception d’informations relatives aux LPs) qui devront être publiées, es cas limités de nullité de la SCSp et la manière dont les inscriptions et autres formalités concernant la SCSp seront faites.
Tous les autres aspects de la SCSp, tels que le type de parts d’intérêts, la méthode, le type et le moment où les apports sont faits, le moment et l’étendue des distributions et remboursements ou les cas d’exclusions de ces distributions ou remboursements, les règles relatives aux restitutions de distributions (claw back), les droits de vote, les décisions réservées aux LPs et informations à leur fournir, ainsi que la réduction et le rachat de parts d’intérêts, pourront être déterminés par le contrat social (partnership agreement).
2. Gestion de la SCSp et Rôle des LPs
Le nouveau régime confère au GP le droit de gérer la SCSp, mais pas l’obligation de le faire. Si le gestionnaire désigné n’est pas un GP, le gestionnaire sera considéré uniquement comme un mandataire, qui ne sera responsable que de l’exécution de son mandat (avec une possibilité de prévoir une délégation) et de toute faute de gestion des affaires de la SCSp.
Le nouveau régime contient, par ailleurs, une liste non exhaustive d’actes qui peuvent être entrepris par les LPs, sans que leur responsabilité limitée ne soit affectée, puisque ces actes ne seront pas considérés comme des actes de gestion.
3. Caractéristiques fiscales
La SCSp est fiscalement transparente pour les besoins de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune luxembourgeois. Par ailleurs, si le GP est une société à responsabilité limitée détenant moins de 5 % des parts d’intérêts, la SCSp ne sera pas soumise à l’impôt commercial.
Les services de gestion prestés à une SCSp réglementée (telle qu’un SIF ou une Sicar) seront exemptés de TVA luxembourgeoise.
4. Conclusion
En introduisant la SCSp dans sa législation, le Luxembourg se dotera d’une flèche de plus à son arc, afin de pousser les grands acteurs de l’industrie des fonds d’investissement alternatifs à considérer Luxembourg comme une juridiction alternative à certaines juridictions offshore, souvent utilisées pour l’établissement de leurs fonds d’investissement.
Dans cette démarche et avec l’entrée en vigueur prochaine d’AIFMD, le Luxembourg pourra, en outre, faire état d’une série d’autres avantages, tels que son expérience en matière de structuration de fonds d’investissement réglementés, et d’utilisation de Soparfi, en tant que sociétés de détention des avoirs sous-jacents, ainsi que son réservoir de prestataires de services compétents, dans les domaines des services de banque dépositaire, d’agent administration, d’assistance dans l’élaboration, le lancement et la commercialisation de fonds d’investissement.
Tous ces éléments font du Luxembourg une juridiction de choix pour les fonds d’investissement alternatifs et leurs SPVs.