Claudio (Jérôme Varanfrain) va tout tenter pour échapper à la mort, avec l’aide de Lucio (Pitt Simon). (Photo: Bohumil Kostohryz)

Claudio (Jérôme Varanfrain) va tout tenter pour échapper à la mort, avec l’aide de Lucio (Pitt Simon). (Photo: Bohumil Kostohryz)

C’est une pièce assez peu connue et (très) rarement jouée - probablement parce qu’elle est difficile à classer entre la tragédie et la comédie. «Mesure pour mesure» a été écrite en 1604 au cœur de la période la plus prolifique de Shakespeare. La pièce aborde les thèmes récurrents de l’auteur - la justice, la morale, le pardon, les faiblesses humaines - et utilise les ressorts typiques du théâtre de l’époque - travestissement, usurpation d’identité, alliance de pouvoirs.

La pièce commence sur le départ du Duc de Vienne (Jules Werner) qui remet tous ses pouvoirs entre les mains du vertueux Angelo (Valery Plancke). Il laisse une ville aux mœurs passablement corrompues et compte sur le magistrat pour appliquer la loi. C’est ce qu’il fait bien vite en condamnant à mort Claudio (Jérôme Varanfrain) qui, pour tout crime, a mis sa fiancée enceinte.

Par l’entremise de Lucio (Pitt Simon), l’ami de Claudio, la sœur de celui-ci, Isabelle (Claire Cahen), va tenter de plaider la cause de son frère auprès du sévère Angelo, dont les sens vont chavirer face à la beauté de la jeune novice. Lui, le soi-disant pur, va alors lui proposer un terrible marché: échanger sa vertu contre la vie de son frère. Un marché que ni elle ni Claudio ne peuvent se résoudre à accepter, préférant la mort à la honte. Mais l’entremise d’un mystérieux moine, le souverain déguisé, permettra de trouver une issue favorable à cet inextricable conflit.

Ambivalence assumée

La mise en scène de Myriam Muller pousse l’ambivalence entre la noirceur de la situation et l’ironie, voire la bouffonnerie de certains personnages comme Lucio ou Madame Moulue (Louis Bonnet), la tenancière de «maison». Le personnage de l’ordonnance interprété par Denis Jousselin cristallisant cette tension. Parfois violent envers le prisonnier dont il a la charge, il devient hautement comique dans son obséquiosité envers le Duc.

La metteuse en scène a resserré le texte (pour tenir en 1h45), joue de tous les espaces du petit Théâtre du Centaure et pousse les personnages à exprimer leurs valeurs sans avoir peur de l’emphase ou de la caricature. Le message de Shakespeare - le pouvoir est un jeu de masques – est très bien mis en évidence et la langue (traduction de Jean-Michel Déprats) du 17e siècle apporte distinction et poésie sans lourdeurs.

Une thématique actuelle

Par le décor minimaliste et les costumes intemporels (Peggy Wurth), on est évidemment tenté de faire des rapprochements avec le monde actuel. «Mesure pour mesure» parle du pouvoir et de la façon dont on l’exerce, une question de chaque époque. «Le triptyque de la morale, du pouvoir et du désir qu’elle met en scène renvoie un saisissant miroir à notre époque déboussolée, où les excès du puritanisme, du conservatisme, du repli sur soi et de la répression semblent répondre à ceux des pulsions sexuelles et mortifères du personnage d’Angelo», explique ainsi Myriam Muller. 

La corruption des puissants, le conservatisme religieux, l’abus de pouvoir étaient en œuvre dans la pièce de 1604 et résonnent aujourd’hui comme des thématiques récurrentes. 

Avec: Louis Bonnet, Claire Cahen, Tiphanie Devezin, Denis Jousselin, Valéry Plancke, Pitt Simon, Jérôme Varanfrain et Jules Werner.

Mise en scène: Myriam Muller

Costumes et accessoires: Peggy Wurth

Création musicale: Emre Sevindik

Création lumières: Pedro Moreira

Assistant à la mise en scène: Antoine Colla

Les 27 et 28 avril, ainsi que les 2, 3, 4, 5 et 6 mai au Théâtre du Centaure.