Séverine Petit - Gestionnaire RH, VO Consulting (Photo: David Laurent/Wide)

Séverine Petit - Gestionnaire RH, VO Consulting (Photo: David Laurent/Wide)

Madame Petit, vous êtes en charge des relations humaines dans un bureau d’expertise com­pta­ble qui a développé d’autres services, avec des spécificités locales et transfrontalières. Le contexte est-il particulier pour vous?

«VO Consulting est effectivement un bureau d’expertise comptable qui a grandi autour de son core business, en l’occurrence tout ce qui concerne la comptabilité et la gestion, la fiscalité des personnes physiques et morales, avec la double orientation, luxembourgeoise et belge. A l’origine, il y avait d’ailleurs un bureau à Arlon et un autre à Clémency. Aujourd’hui, tout est regroupé sous le même toit, au Windhof Business Center. Et la clientèle est diversifiée, entre PME et entreprises de belle taille déjà, même de type industriel. Outre l’assistance à la gestion, il y a des services d’assistance juridique, un secrétariat social et, ce que je contribue à développer, un service de gestion de ressources humaines destiné à des petites sociétés qui peuvent ainsi se concentrer sur leur métier.

Nous sommes donc dans une fiduciaire qui a pris de l’envergure. Ce n’est plus une petite entreprise locale. Il y a 35 personnes dans la maison pour une grosse clientèle représentative du tissu économique luxembourgeois. Mais rien à voir avec un Big Four… Comme le dit un des associés, Eric Jolas, nous sommes la plus petite des plus grandes…

Le travail dans ce type de structure est-il très différent pour une gestionnaire RH?

«Avant mon arrivée, la partie administration du personnel était déjà en place. Mais il n’existait pas de gestion RH à proprement parler. Ma nouvelle mission consistait à faire prendre la sauce, puisque les deux entités, belge et luxembourgeoise, étaient rassemblées depuis peu. Il y avait un tronc commun mais deux contextes, deux cultures, deux organisations… Et tout le monde se retrouvait dans un environnement de travail différent.
Avec les deux approches RH, qui existaient de manière ponctuelle et quasi intuitive comme c’est le cas dans la plupart des PME, il fallait créer une identité commune. Avec la croissance de la société et cette réunification, le besoin de structuration dans une vraie gestion RH avait été mis en avant par les associés. Et cette osmose gagne vraiment du terrain.

Vous avez donc contribué à créer un service?

«Nous avons travaillé, avec les managers, à une nouvelle organisation interne, accompagnée d’une politique de rémunération. On a établi toutes les descriptions de fonctions, l’organigramme de la société, un système d’évaluation. On a mis en place une délégation du personnel aussi. Les RH sont passées du stade ponctuel au stade structuré. Tout est géré maison. Et on organise des ‘plus’, comme une après-midi d’incentive avec l’ensemble de nos forces, autour d’activités ludiques et fédératrices, en plus de la fête du personnel. Nous avons par exemple fait un rallye touristique ainsi qu’un ‘top chef’. Cela crée des liens, en dehors de toute hiérarchie…

Peut-on dire qu’il y a un côté familial? Est-ce votre approche de la fonction?

«La société reste à taille humaine en tout cas, quasi familiale oui. En matière de RH, il y a beaucoup de bonnes idées qui émergent, mais qui n’arrivent pas toujours à maturité encore. Le fond y est, mais pas encore la forme. Il me semble que la gestion RH peut encore être davantage impliquée, en amont, au plus près de la source des décisions. C’est une question de communication, un paramètre qui joue beaucoup dans les entreprises et que l’on aurait tort de négliger en interne, comme dans la vie en général…

Cela fait partie du profil du DRH selon moi: la remise en question, l’ouverture et le pragmatisme, d’autant plus important dans une PME. C’est une fonction très riche, très polyvalente, très liée à l’entreprise et à la façon dont elle se comporte dans son segment. Dans une PME, on peut pratiquer les RH de manière moins procédurière. On touche à la fois aux chiffres et aux lettres, mais on garde la priorité à l’humain.

Pratiquement, comment fonctionne votre gestion RH?

«Vu la taille humaine de l’entreprise, je gère seule. A mes débuts, je me suis beaucoup appuyée sur le service de secrétariat social, pour bien m’imprégner des impératifs de salaires ou de droit du travail luxembourgeois. Je viens toujours en support du service social et je travaille aussi sur des services à rendre à nos clients en matière de RH. On met notre expérience à la disposition de dirigeants d’entreprise qui n’ont pas pour première priorité la gestion RH, tout simplement parce qu’ils n’ont pas le temps, l’habitude ou l’obligation de le faire.

Dans une PME, la gestion des ressources humaines, au sens le plus large, n’est probablement pas ce qui vient prioritairement à l’esprit des responsables. Nous essayons donc de les sensibiliser à cette approche, et proposons une assistance pour le recrutement, la mise en conformité au niveau des obligations en matière de protection des données, l’élaboration d’un règlement d’ordre intérieur, l’évaluation, le remboursement de frais de formation…

Votre place dans le marché vous oblige sans doute à avoir une politique très ciblée, en matière de recrutement, de rémunération… En clair, votre société n’est pas de taille à contrer les grands opérateurs du secteur, qui recherchent les mêmes profils. Comment gérez-vous cela?

«C’est exact, nous ne sommes pas un des Big Four. Et c’est tant mieux! Notre politique RH se construit jour après jour, mais nous restons une PME et l’on ne veut pas tout bousculer. Mais de manière générale, nous axons notre politique sur le capital humain, la qualité de vie professionnelle et l’équilibre avec la vie privée. Il s’agit de se remettre en question, pour satisfaire tant les besoins de la société que ceux de nos travailleurs. L’axe de la formation, qui favorise l’évolution interne, est important. Dans la restructuration de la société avec son organigramme repensé, on a intégré une politique de rémunération qui met l’accent sur les avantages en nature.

Nous ne pouvons effectivement pas nous aligner sur des géants du secteur, en termes de rémunération de base. Mais nous avons des atouts. Notre organisation permet une réelle gestion de carrière. C’est motivant pour le personnel, car ce n’est pas parce qu’on est dans une petite structure qu’il n’y a pas d’évolution possible. Au contraire. Non seulement, nous le pratiquons mais nous essayons de mettre en place ce type d’organisation pour nos clients, sous l’angle de l’optimisation fiscale par exemple.

Et vous n’avez pas de souci particulier à l’embauche?

«Pas vraiment. L’évolution du personnel est lente mais constante et mesurée. Nous avons très peu ressenti les effets de la crise et nous avons un turnover assez bas. Nos salariés connaissent les avantages et inconvénients à venir ou à rester chez nous. Et cela peut s’avérer effectivement valorisant pour tout le monde: on offre un job intéressant, à des personnes qui peuvent se former, se créer une expérience de terrain et évoluer. Ce sont des arguments parlants!

En outre, notre principal canal de recrutement, c’est la prise en charge de stagiaires. Nous en recevons généralement trois par an, soit près de 10% de notre effectif. Et ce stage débouche régulièrement sur la conclusion d’un contrat à durée indéterminée. C’est une spécificité de VO Consulting et c’est une politique assumée. Nous préférons mettre aux juniors le pied à l’étrier, plutôt que d’observer la courbe rentrante de gens ayant une expérience qui ne nous ressemble pas.

Il est clair que nous avons encore, parfois, des difficultés sur certains profils ciblés, des comptables fiscalistes avec une expérience probante sur l’activité belge et luxembourgeoise par exemple. Je le répète: on ne peut pas rivaliser avec les gros sur le plan salarial, mais on offre un tout autre cadre de vie professionnel et nous avons d’autres besoins. Nous recevons des candidatures spontanées et, franchement, parmi les candidats ayant une expérience, on s’aperçoit que certains, convaincus de valoir très cher sur le marché, ne correspondent pas à nos critères: ils sont trop restrictifs dans leur approche métier, trop cantonnés, pas assez polyvalents pour être compétents.

Comment va évoluer votre structure? Et quels sont les chantiers en cours au niveau RH?

«Nous voulons renforcer l’idée du One Stop Shop, du tout à un seul endroit, avec le développement du service RH et de services liés à l’administratif. En interne, il va falloir gérer un nouveau déménagement. L’an prochain, on doit intégrer un nouveau bâtiment, en construction juste à côté. Ce sera un exercice de cohésion. Mais nous offrirons surtout de meilleures conditions de travail encore.

Sinon, pour la GRH, tout projet de l’entreprise a un impact potentiel, sur l’évolution de carrières, l’organisation interne, le recrutement… Il y a ainsi la mise en place d’une plate-forme Internet pour une interaction entre notre service social et le client. VO Consulting va aussi aller plus loin dans les compétences de gestion des propriétés intellectuelles. Et, puisque nous formons et encourageons à la formation, nous voulons devenir un organisme reconnu à tout niveau en la matière.»

 

CV - Des jalons très différents

Séverine Petit n’a que 30 ans, mais elle affiche une expérience significative, un parcours aux deux jalons bien différents. Pour son premier travail, elle a débarqué dans une entreprise métallur­gique d’environ 150 personnes, dans le sud du Luxembourg belge. Elle y a été gestionnaire puis directrice des ressources humaines et membre du comité de direction. «C’était très enrichissant comme expérience. J’ai côtoyé, dans les bureaux et dans l’usine, un large éventail de personnes. J’ai connu des conflits sociaux, j’ai participé aux décisions au plus près de la source, de l’implantation sociale et du siège.»
Après quatre ans et demi, la jeune Belge a souhaité changer d’orientation. «Une structure de PME me convient bien. On y est plus proche du terrain, en permanence. Il y avait ici un challenge, un service à mettre en place, un projet à développer à ma façon.» Chez VO Consulting depuis avril 2008, elle a en charge toute la gestion interne des RH. «La valeur de l’humain reste au cœur de tout, même si le reporting et les chiffres sont des éléments importants», glisse Séverine Petit, qui a un graduat en gestion des ressources humaines (haute école de Namur) et une licence en sciences du travail, obtenue à Louvain-la-Neuve.