Michael Rychlik et Frédéric Tonhofer (Setrinx) : « Nous attendons une révolution du marché luminaire.» (Photo : Olivier Minaire)

Michael Rychlik et Frédéric Tonhofer (Setrinx) : « Nous attendons une révolution du marché luminaire.» (Photo : Olivier Minaire)

Le Grand Soir n’apportera pas la lumière – en tout cas pas dans les prochaines semaines – mais pour la lumière, le Grand Soir approche à grands pas, à en croire Frédéric Tonhofer et Michael Rychlik (voir encadré). « Nous attendons une révolution du marché luminaire », clament-ils. Et elle viendra de la diode électroluminescente (DEL), plus communément connue sous son acronyme anglais LED.

Celle-ci est apparue au début des années 1960. Elle n’était alors qu’un simple composant opto-électronique s’allumant, en rouge, jaune ou vert, lorsque le courant électrique la traversait. À partir de 1990, la possibilité de produire une lumière bleue ou blanche a ouvert de nombreux autres débouchés, comme les écrans de téléviseurs et d’ordinateurs… ou encore l’éclairage plat.

Et de ce nouvel outil jaillit un marché. Selon l’institut d’études américain Strategy Unlimited, sa valeur devrait passer de 3,8 à 8,3 milliards de dollars entre 2010 et 2014. Et cette opportunité de marché, Frédéric Tonhofer, président du conseil d’ad­ministration de Setrinx – le titre est certes un peu pompeux pour la taille de la structure, mais la start-up ne demande qu’à grandir - l’a flairée depuis quelques années. « La lumière par LED représente l’avenir, assène-t-il. Les ampoules incandescentes ne survivront pas 10 ans. » En effet les avantages de la petite diode sont multiples. Elle consomme moins d’énergie que les lampes de papa. Sa durée de vie peut être de 5 à 20 fois plus longue que celle d’une ampoule traditionnelle et elle est moins fragile. L’idée avait germé alors que Frédéric Tonhofer était encore fonctionnaire des communautés euro­péennes. Il n’avait pu se consacrer pleinement au développement du modèle d’affaires envisagé. Depuis 2004 et sa retraite, il s’y intéresse de plus près. Et, lors d’une visite de prospection encadrée par le Grand-Duc à Shanghai, en 2006, il a rencontré l’homme qui pourrait porter le projet : Michael Rychlik.

Lumière design

Ce dernier est pour l’heure seul salarié de la petite société qui a pour actifs un portefeuille d’une dizaine de brevets, propres ou acquis via la soparfi Noctron. Ils ont notamment été achetés à Georg Diamantidis, un inventeur-chercheur travaillant sur les diodes électroluminescentes.

« Les idées et les brevets existent, il nous faut maintenant mettre les produits sur le marché », résume Frédéric Tonhofer. Mais les produits justement, quels sont-ils ? Des panneaux de quelques millimètres diffusant une lumière douce filtrée, si besoin, par une impression graphique.

Rien de révolutionnaire en apparence. La spécificité du brevet est en fait liée à l’ajout de  certains composants, plus particulièrement une colle spéciale vouée à la distribution de lumière, alliée à un processus d’impression ad hoc. Setrinx ne base donc pas son business model sur la LED en elle-même, mais plutôt sur une déclinaison de l’outil technologique d’une manière résolument décorative. Michael Rychlik le souligne : « Notre valeur ajoutée réside dans notre aptitude à fournir des panneaux lumineux adaptables aux besoins des fabricants. »

Et justement, la commercialisation débutera par là. Les entrepreneurs souhaitent « devenir les fournisseurs de l’industrie de l’éclairage ». La société a établi une liste d’environ 200 clients prioritaires répartis sur une dizaine de pays. Les entreprises du luminaire design – Artemide, Foscarini ou encore Prandina – sont visées, même si les entrepreneurs n’osent les citer. Une cinquantaine de fabricants ont également été identifiés, notamment dans la Sarre, où la production devrait débuter. Pour Strategy Unlimited, l’éclairage résidentiel est doté du plus gros potentiel avec un taux de croissance prévu de 44 % entre 2011 et 2014. Mais les panneaux publicitaires pourraient également faire l’objet d’un pan d’activité. Avoir JCDecaux dans son portefeuille client générerait effectivement un certain effet de levier.

La Belgique, la France et l’Italie constituent des marchés à fort potentiel, dixit MM. Rychlik et Tonhofer. S’ils n’entendent pas se limiter à ces zones, les dirigeants préfèrent pour l’instant ne pas voir trop grand et se focalisent sur les prochains mois, décisifs. Ils ont commencé en février par une prise de contact avec les éventuels producteurs. Des retours des designers et fabricants sont attendus et, dès le mois de mars, des modifications à la marge seront apportées, si besoin. « La technologie ne changera, elle, bien sûr pas », précise Michael Rychlik.

Made in Luxembourg

Ensuite viendra le moment de la production des panneaux et des films, sous-traitée dans un premier en temps en Allemagne. Mais le « but ultime » consiste à localiser la production des films et des panneaux au Luxembourg. L’investissement est élevé. Il est chiffré à 500.000 euros environ. Or Frédéric Tonhofer en a déjà investi 250.000. Il a par ailleurs bénéficié de subventions du ministère de l’Économie pour la recherche et le développement du programme d’impression.

Et la production n’a pas encore débuté que Frédéric Tonhofer « vise sa relocalisation au Grand-Duché pour 2013, ou aussi vite que possible. C’est juste une question d’argent. Aucune production de luminaires LED n’existe en Europe », selon l’intéressé. Six personnes pourraient être recrutées pour la fabrication. « Les banques sont prêtes à suivre », renchérit Michael Rychlik. À moyen terme donc, 8.000 lampes devraient être produites an­nuellement. Les LED elles-mêmes continueront de venir de Chine ou de Taïwan où la technologie y est maîtrisée… idem pour le coût de la main-d’œuvre. Car, pour Strategy Unlimited, la compétitivité prix constitue le véritable défi dudit marché. Selon le cabinet spécialisé, les LED coutent aujourd’hui plus cher à luminosité égale.

Les entrepreneurs ne partagent pas cet avis et chiffrent le rapport puissance-prix à un euro par watt. « Pour remplacer une ampoule de 60W, il faut payer 10 euros de LED. » Ensuite il faut payer le panneau (3 ou 4 euros) et l’acrylique (60 euros par mètre carré)…

Pour la start-up, la concurrence va être rude. D’autres procédés de production de lumière plate existent. Mais les deux entrepreneurs sont confiants. « Nous avons une meilleure performance, une meilleure lumière, la possibilité d’avoir un back­ground imprimé. On peut extraire la lumière uniquement aux endroits où le contact entre la plaque acrylique et le film existe, et ce pratiquement sans perte de luminosité. »

Les entrepreneurs, optimistes vis-à-vis du produit, s’inquiètent davantage du besoin en capital. « Le problème, c’est la mise sur le marché. Car les panneaux, c’est le futur. Avec ou sans nous… Mais ce serait mieux avec vous », plaisante Frédéric Tonhofer. Les prochains mois diront si une société luxembourgeoise peut s’établir en leader des lumières plates.

 

CV - Deux illuminés

Frédéric Tonhofer, 67 ans, Michael Rychlik, 54 ans, sont tous deux des scientifiques de formation. Ils ont obtenu leur doctorat dans des domaines de pointe. Le premier sur la génération de nombres aléatoires, le second dans l’intelligence artificielle. Leurs vies professionnelles respectives ont même été éloignées de leurs premières amours puisqu’ils ont respectivement été fonctionnaire européen et ingénieur commercial. Aujourd’hui, ils redeviennent deux savants, fous de LED.