C’est la deuxième fois que le capitaine du groupe Dassault est condamné à une peine d’inéligibilité: en 2009, le Conseil d’État avait annulé sa réélection à la mairie de Corbeil-Essonnes en raison de «dons d’argent» et avait déclaré M. Dassault inéligible pendant un an.
Le tribunal a estimé que, même si «l’ampleur de la fraude et sa durée» justifierait «une peine d’emprisonnement ferme», cela n'aurait «aucun sens» du fait «du grand âge» de Serge Dassault.
53 millions d’euros issus de comptes au Luxembourg
La mise en examen du sénateur Les Républicains est née de l’affaire des achats de voix présumés pour les municipales de Corbeil-Essonnes en 2009 et 2010. Le Parquet national financier avait ouvert une enquête et saisi à la résidence de Serge Dassault et à son quartier général politique des listes d’électeurs avec les mentions «payé» et «non payé». Le dossier en est toujours au stade de l’instruction.
Le quotidien français Libération avait eu accès à l’interrogatoire du comptable suisse de l’industriel, Gérard Limat. Ce dernier affirmait avoir remis 53 millions d’euros en cash à l’ancien maire de Corbeil entre 1995 et 2012. L’argent provenait de deux comptes à la banque Edmond de Rothschild au Luxembourg, l’un à son nom et l’autre au nom de la société Merger.
Des fonds hérités de ses parents
Les accusations de blanchiment de fraude fiscale concernent les comptes de quatre fondations et sociétés basées aux Îles Vierges britanniques, au Luxembourg et au Liechtenstein, abritant jusqu’à 31 millions d’euros en 2006 puis près de 12 millions en 2014. Serge Dassault a depuis régularisé sa situation, réglant près de 19 millions d’euros au fisc.
Le procès en correctionnelle avait débuté en juillet 2016, en l’absence de Serge Dassault, avant d’être interrompu afin de permettre de nouvelles auditions dont la sienne. Le tribunal avait ordonné un supplément d’information dans le but d’éclaircir «le rôle exact du prévenu» dans la gestion de ces fonds. Le procès avait ensuite repris mi-janvier. Dans des courriers, le prévenu avait affirmé avoir hérité de ces fonds qui avaient appartenu à son père, le pionnier de l’aéronautique français mort en 1986, puis à sa mère, décédée en 1992. Des fonds dont il assure n’avoir appris l’existence que tardivement.
Une inéligibilité encore virtuelle
Jugeant qu’il s’agissait du «deuxième procès le plus symbolique» en matière de fraude fiscale après l’affaire Cahuzac, l’ex-ministre du Budget reconnu coupable d’avoir caché des millions d’euros sur un compte suisse, le procureur avait requis cinq ans d'inéligibilité, deux ans de prison avec sursis et 9 millions d’euros d’amende à l’encontre du nonagénaire.
Bien que condamné, le sénateur peut se présenter aux prochaines élections sénatoriales en septembre 2017 pour garder son siège au Palais du Luxembourg. Son inéligibilité ne sera en effet définitive qu’une fois la totalité des recours épuisés, c’est-à-dire après un appel et un pourvoi en cassation, ce qui devrait prendre plusieurs années.