C’est un procès riche en surprises qui s’est achevé mercredi devant la 13e chambre siégeant en matière correctionnelle. Près de 60 victimes, 1,4 million d’euros de préjudice, l’œuvre présumée d’un seul et même homme qui de surcroît peine à exprimer la moindre empathie pour ses victimes, «des Luxembourgeois de la classe moyenne qui lui ont confié tout leur argent», rappelle Guy Breistroff, premier substitut du procureur.
Le prévenu aura tenté le tout pour le tout jusqu’au bout, contactant même certaines victimes dans les semaines précédant sa comparution en leur promettant un remboursement si elles renonçaient à se constituer parties civiles.
Et jusqu’au dernier moment également, des victimes se seront manifestées auprès du tribunal. Deux se sont présentées mercredi in extremis, déclarant 22.000 euros et 31.000 euros de remboursement à recevoir, intérêts compris.
Contradictions et incohérences
L’avocat de la défense, Gennaro Pietropaolo, a concédé ne pas avoir eu la tâche facile devant le manque d’excuses sincères de son client. Et la juge Sylvie Conter, dont la pugnacité n’est plus à démontrer depuis le procès du Bommeleeër, n’a pas manqué de cuisiner une dernière fois le quadragénaire stoïque avant le réquisitoire et de le placer devant ses contradictions et incohérences.
Si le prévenu n’a pas la flamboyance des escrocs de cinéma, il en a le tableau de chasse, d’après l’enquête de la police judiciaire. Difficile de croire que cet homme à l’apparence simple, pull large sur silhouette épaisse, a sévi impunément pendant six ans, de 2007 à 2013, entraînant amis, famille, connaissances professionnelles, voisins dans un tourbillon infernal dont nul ne sortira indemne.
Investissements dans des projets écologiques, rendements mirobolants garantis par contrat: autant d’arguments qui ont fait mouche auprès de personnes peu averties en matière de placement et incité des personnes à lui confier leurs économies. Parfois plusieurs membres d’une même famille, investissant plus de 600.000 euros.
Particuliers et entreprises victimes
Au final, la supercherie atteindra plus de 1,4 million d’euros. Il suffit pourtant de gratter légèrement pour découvrir des sociétés ou plutôt des coquilles vides, montées à Londres ou à Chypre avec un capital social de quelques centaines d’euros ou de livres. Dans le dossier d’instruction, «un casting digne d’un soap», compare le premier substitut. Car derrière les divers personnages impliqués, aux noms germanophones ou anglophones – même un certain Paulo Coelho –, se cacherait une seule personne: le prévenu.
Je ne vois pas de circonstance atténuante et demande une peine sérieuse.
Guy Breistroff, premier substitut du procureur
Celui-ci aurait également accumulé les factures non payées auprès de l’hôtel Sofitel, de la compagnie Luxaviation ou encore des Voyages Ecker. En promettant à chaque fois un remboursement prochain qui n’arrive jamais.
«Le risque de récidive est très incertain», ont conclu les experts psychiatriques qui ont examiné le prévenu. «Narcissique, doté d’un ego hypertrophié», le prévenu se soucie peu du sort de ses victimes, souligne Guy Breistroff. Et de rappeler les six condamnations dont il a déjà fait l’objet dans le passé.
«Je ne vois pas de circonstance atténuante et demande une peine sérieuse», conclut le ministère public, à savoir sept ans d’emprisonnement, une amende et la confiscation de ses biens dans l’espoir d’indemniser ses victimes, même si l’ampleur de l’ardoise laisse présager un préjudice jamais comblé. Le tribunal se prononcera le 30 mars.