En renforcant les contrôles, les 600 aéroports de l'UE devraient doper leurs recettes commerciales. (Photo: Julien Becker )

En renforcant les contrôles, les 600 aéroports de l'UE devraient doper leurs recettes commerciales. (Photo: Julien Becker )

Porté par la DG Migrations et Affaires intérieures, le «package» Smart Border entend renforcer la sécurité des points d’accès à l’UE dans l’idée de lutter plus efficacement contre l’immigration illégale et mieux suivre les mouvements des ressortissants de pays tiers. Le Luxembourg est déjà doublement concerné: pour son aéroport international du Findel et sa présidence prochaine du Conseil, sans doute amenée à hériter du dossier.

«Les objectifs de ce projet européen sont multiples. Le premier point est d’accélérer et optimiser les procédures de contrôle», cadre Philippe Pierre, Public sector & European Union Institutions leader chez PwC Luxembourg et un des consultants invités à collaborer en amont du projet. «La sécurité est la pierre angulaire.»

Une première étude technique sur les options technologiques et les méthodes à considérer a été bouclée l’hiver dernier et un projet pilote vient de démarrer au Portugal, premier pays membre à avoir démarré les tests sur le terrain, afin de déterminer si Smart Border sera étendu à l’ensemble de l’UE28. «Nous sommes passés à une phase opérationnelle dont le but principal sera de vérifier que les bénéfices attendus soient bien présents dans la pratique. Si l’impulsion est européenne, ce sont les pays membres qui vont être les autorités compétentes à ce niveau.» Le déploiement en tant que tel est planifié pour 2016.

Manne financière

L’enjeu financier du projet est non négligeable pour les 600 et quelques aéroports de l’UE. Un voyageur sur trois est aujourd’hui non européen et nécessite donc des contrôles différenciés. «En rendant la procédure plus confortable pour les passagers, ils auront d’autant plus envie de fréquenter les magasins et les espaces commerciaux. Le budget de certains aéroports dépend fortement de ces ressources. L’intérêt économique pour le secteur est plus que conséquent», ajoute Philippe Pierre. Le calcul est simple: moins les voyageurs américains, africains ou asiatiques passeront de temps aux contrôles, plus ils auront la possibilité de dépenser dans les zones «taxfree».

En développant des solutions IT adaptées, les entreprises européennes pourraient aussi bénéficier du gâteau. «Un autre impact pourrait être de valoriser l’innovation et la R&D d’acteurs européens. C’est loin d’être un projet uniquement technologique ou d’infrastructure, il requiert un vrai changement de culture. Rien qu’au Luxembourg, la part de voyageurs étrangers a progressé de 15% en peu de temps. Si on prend l’espace Schengen, d’ici 15 ans, on s’attend à un trafic de 100 millions de personnes par an, soit le double de la fréquentation actuelle.»

Politiquement sensible, surtout pour son volet échange automatique des informations, l’application de Smart Border touche au respect de la vie privée, comme à l’intégrité des données et à la mobilité des personnes physiques. À ce titre, le Parlement européen a déjà exprimé différentes réserves, dont les opérationnelles et budgétaires. «Lors de la présidence grand-ducale, les discussions devraient être plus mûres», achève Philippe Pierre. «Le pilote aura alors livré ses premiers résultats. D’autres suivront d’ici la rentrée. Sécuriser les frontières est une des priorités de l’actuelle Commission, je pense que le Luxembourg a une belle carte à jouer pour faire avancer le dossier et s’assurer que toute l’UE monte en capacité.» La difficulté sera notamment de travailler de manière transversale et de faire émerger un consensus autour des limites éthiques à poser.