«Nous voulons rester le partenaire privilégié d’une part des entreprises et de nos fédérations et d’autre part du gouvernement, le tout dans un environnement socio-économique en mutation», indique Carlo Thelen. (Photo: Sven Becker)

«Nous voulons rester le partenaire privilégié d’une part des entreprises et de nos fédérations et d’autre part du gouvernement, le tout dans un environnement socio-économique en mutation», indique Carlo Thelen. (Photo: Sven Becker)

Monsieur Thelen, le grand événement organisé ce soir à Luxexpo sera l’occasion de se replonger dans l’histoire de la Chambre de commerce. Comment résumeriez-vous son expansion?

«Le travail de préparation de la cérémonie m’a permis de constater et de confirmer que l’histoire de la Chambre de commerce est concomitante à l’évolution du pays. La Chambre de commerce a été créée seulement deux ans après l’indépendance pour faire entendre la voix des chefs d’entreprise et pour organiser un dialogue avec les autorités en place dans le contexte de l’époque. Il était d’abord question du Zollverein avec le partenaire allemand, puis de l’Union économique belgo-luxembourgeoise quelques années plus tard. Il ne faut pas oublier que le Luxembourg devenu indépendant était un pays relativement pauvre. Notre institution a donc été aux avant-plans des initiatives pour mieux faire connaître le pays à l’étranger et développer la sidérurgie. Je pense notamment à la participation luxembourgeoise à la première Exposition mondiale en 1851. Plus récemment, nous nous sommes toujours engagés en faveur d’une approche pro-européenne, de l’ouverture à l’égard des résidents étrangers ainsi que pour une facilitation des échanges commerciaux. 

Le succès de l’économie luxembourgeoise doit se baser sur une approche de PPP.

Carlo Thelen, Chambre de commerce

Une position de lobbyiste, un regard critique à l’égard des actions du gouvernement également…

«Nous avons souvent une approche de lobbyiste, mais nous tenons à rester constructifs, en étant force de proposition. Nous ne sommes pas dans une optique uniquement revendicative comme pourrait l’être un syndicat. Nous nous positionnons du reste souvent comme partenaire du gouvernement pour mener des actions d’envergure ou des missions de promotion. Je pense notamment aux Expositions universelles. Nous serons bien entendu partie prenante du GIE qui sera créé fin d’année pour organiser la présence luxembourgeoise à Dubaï. C’est d’ailleurs sous cette forme que nous voyons le succès de l’économie luxembourgeoise, à savoir sur une approche de PPP (Private Public Partnership, ndlr), où les acteurs publics et privés collaborent dans un même objectif qui est le développement socio-économique du pays.

Quels sont les exemples récents de cette volonté d’ouverture, d’être partie prenante du progrès du pays?

«Nous sommes dans une année intéressante durant laquelle nous avons, ou nous allons lancer de nouveaux services pour nos membres, mais aussi nous allons lancer la House of Entrepreneurship qui sera présentée en détail le 6 octobre lors d’une conférence de presse. Ce ne sera pas uniquement notre Espace Entreprises tel qu’il existe et modernisé, mais bien une plateforme, un 'one-stop shop' pour proposer toutes les informations nécessaires aux porteurs de projets.

Nous sommes aussi engagés dans le processus de l’étude de l’économiste américain Jeremy Rifkin, avec comme ambition d’accompagner le gouvernement dans son analyse relative à la troisième révolution industrielle pour que ce processus ne reste pas dans un tiroir, mais soit véritablement porté par les entreprises. Nous ne voulons d’ailleurs pas nous limiter aux conclusions de l’étude qui seront présentées le 14 novembre, mais bien nous doter d’un plan d’action et de suivi. Je pense notamment aux PME qui ont davantage besoin d’un support de notre part pour appréhender les grands changements qui se préparent dans l’économie. Une évolution de fond qui sera plus rapide dans les 5 à 10 prochaines années que durant les 175 ans de l’histoire de la Chambre de commerce.

Pour distribuer la richesse, il faut d’abord la produire.

Carlo Thelen, Chambre de commerce

Comment les PME pourront-elles justement se distinguer dans un contexte où internet enlève de nombreuses barrières et remet en question de nombreux modèles? 

«Il y aura à l’avenir de moins en moins de distinction entre producteur et consommateur. Nous observons que les modes de consommation évoluent, avec une nette tendance vers le besoin de disposer d’un service plutôt que d’être propriétaire d’un produit. Notre rôle, dans ce contexte, est de montrer aux PME qu’il y a certes des risques, mais aussi des opportunités à tirer de ce changement de donne.

Faut-il aussi réexpliquer au citoyen d’où viennent les recettes que récolte l’État alors que la diversification de l’économie s’est accélérée, ne fût-ce que durant les 20 dernières années? 

«Pour distribuer la richesse, il faut d’abord la produire. Les finances publiques représentent un thème cher à la Chambre de commerce, car pour un petit pays si les finances publiques sont en déséquilibre, il y a un risque potentiel de perdre le triple A et donc la confiance des investisseurs… Nous devons éviter tout effet boule de neige qui pourrait in fine se répercuter négativement sur la cohésion sociale. Nous devrons davantage expliquer, peut-être avec un langage plus simple, que toute richesse doit être produite avant d’être redistribuée. Or, ce sont bien les entreprises qui la produisent et permettent de faire croître l’emploi.

Nous aurions dû faire des annonces plus proactives, sans être agressifs, suite au Brexit. 

Carlo Thelen, Chambre de commerce

Que doit-on faire sur le terrain fiscal, à l’approche de l’entrée en vigueur d’une réforme qui n’a pas séduit du côté du patronat et du monde de l’entreprise?

«Nous ne sommes pas tellement satisfaits des propositions telles qu’elles se trouvent dans la réforme fiscale, bien que celle-ci laisse la porte ouverte à la reprise de discussions lorsque les contours de Beps seront plus clairs. Je peux comprendre cette approche du gouvernement, mais nous devrions au moins annoncer que le Luxembourg reste soucieux de son attractivité par rapport à l’étranger, pour rassurer les investisseurs qui recherchent avant tout la stabilité et la prévisibilité en matière fiscale. Nous aurions dû aussi faire des annonces plus proactives, sans être agressifs, suite au Brexit. 

Si l’on se projette à l’échelle des 200 ans de la Chambre de commerce, quel sera son rôle dans les 25 prochaines années? 

«Nous voulons rester le partenaire privilégié d’une part des entreprises et de nos fédérations et d’autre part du gouvernement, le tout dans un environnement socio-économique en mutation. Une mutation que nous devons anticiper et non subir. D’où le besoin d’investir comme nous le faisons dans la formation pour préparer les salariés aux nouvelles compétences, aux enjeux de demain, qu’il s’agisse de la transition énergétique ou des gains de productivité.»