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 (Photo: Castegnaro-lus Laboris )

Les faits

Un salarié est informé en date du 15 décembre 2015 par son employeur qu’il sera muté à compter du 4 janvier 2016 du département des ressources humaines à Differdange aux équipes de chantiers internes à Belval (ci-après la « Décision »). À l’origine de la Décision, l’employeur reprochait à son salarié d’avoir violé le règlement intérieur sur l’usage d’internet et du courrier électronique.

Suite à ce courrier, le salarié a contesté la Décision et ne s’est pas présenté en date du 4 janvier 2016, ni les jours suivants, de sorte que son employeur a notifié à son salarié en date du 26 janvier 2016, son licenciement avec effet immédiat pour absence injustifiée.

Le salarié a entamé différentes actions judiciaires contre son employeur afin de voir qualifier la Décision comme une résiliation abusive de son contrat de travail sur base de différents motifs, et voir déclarer son licenciement du 26 janvier 2016 comme étant nul, sinon abusif.

Contrairement au Tribunal, qui a estimé la Décision comme une modification substantielle du contrat de travail en défaveur du salarié, la Cour d’appel a eu une interprétation différente, laquelle permet de revenir sur quelques règles pertinentes en matière de sanction disciplinaire.

1. Mutation disciplinaire ou simple application d’une clause de mobilité?

L’employeur considérait que le fait de déplacer le salarié d’un service de Differdange à un autre service à Belval, qui plus est, sans diminution de salaire, n’était pas une sanction, mais une simple application de la clause de mobilité contractuelle présente dans le contrat de travail.

La Cour d’appel a suivi partiellement ce raisonnement en ajoutant que les termes utilisés dans la lettre du 15 décembre 2015 reflétaient toutefois, et sans équivoque, que la mutation de Differdange à Belval avait bien été prise à titre de sanction.

L’employeur a donc non seulement usé de son pouvoir de mutation tel qu’accordé par la clause de mobilité prévue dans le contrat de travail du salarié, mais également de son pouvoir disciplinaire découlant du règlement intérieur suivant lequel une mutation pouvait être infligée en guise de sanction.

2. Délai de notification de la sanction prévu par le Règlement intérieur: forclusion ou recommandation?

Selon le salarié, l’employeur n’avait pas respecté le délai de 8 jours prévu par le règlement intérieur pour notifier une sanction à partir de la connaissance des faits, et pour cette raison, la Décision devait être déclarée irrecevable.

Après avoir confirmé que le délai de 8 jours n’avait pas été respecté par l’employeur, la Cour d’appel a néanmoins constaté que le règlement intérieur ne prévoyait pas de sanction en cas de non-respect du délai de 8 jours.

Or, une sanction ne peut être prononcée sans texte. De même, raisonner par analogie avec les délais légaux prévus dans le Code du travail est impossible, alors que le Code du travail ne prévoit comme sanction légale que le licenciement.

La Cour d’appel a par conséquent conclu qu’en l’absence de sanction dans ladite disposition réglementaire, ce délai de 8 jours devait plutôt être considéré comme une simple recommandation ou ligne de conduite.

3. Sanction justifiée ou abusive?

À l’origine de la Décision, il était reproché au salarié d’avoir utilisé l’outil informatique de l’employeur pour faire état de ses opinions politiques suite à la demande de l’employeur de respecter une minute de silence en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Le salarié avait en effet envoyé un e-mail à un grand nombre de salariés de la société en leur proposant entre autres de penser également à d’autres victimes d’attentats et de politiques de certains États qu’il cite.

Peut-on lui reprocher l’usage du principe de la liberté d’expression, tel que reconnu par la jurisprudence?

À ce titre, et conformément à la jurisprudence constante, la Cour a estimé que: «S’il est vrai que chaque salarié jouit de la liberté d’expression, il ne peut cependant sous prétexte de cette liberté tenir des propos de nature à porter atteinte à la paix sociale ou à créer un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.»

Au regard de la diversité des nationalités et religions présentes au sein de l’entreprise en l’espèce, la Cour a considéré que l’employeur était parfaitement en droit d’exiger l’interdiction de l’intranet comme plate-forme politique, et ce, afin de maintenir un climat social serein dans son entreprise, et a retenu la légitimité de la sanction, notamment au regard des antécédents disciplinaires du salarié pour des faits similaires.

Le salarié n’ayant, par ailleurs, pas apporté la preuve de la rétrogradation de ses fonctions au statut d’ouvrier en charge de travaux manuels[1], et la Décision n’entraînant aucune diminution de salaire, la modification substantielle des conditions de travail en défaveur du salarié n’a pas été retenue par la Cour.

L’absence de 17 jours du salarié étant dans ces conditions injustifiée, le licenciement avec effet immédiat du 26 janvier 2016 a par conséquent été déclaré comme régulier et justifié.

En présence d’une sanction disciplinaire régulière, valable, légitime et nullement assimilée à une modification du contrat de travail en défaveur du salarié, ce dernier aurait dû se présenter à son nouveau poste de travail.

Cour d’appel du 30 novembre 2017, n°44563 du rôle.

[1] En ne se présentant pas à son nouveau poste, le salarié s’est lui-même privé de la possibilité de vérifier si l’employeur voulait effectivement l’affecter à des travaux manuels, comme il l’affirme.

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