Maître Jacquotte, quel est le statut du dirigeant d’entreprise au regard du droit des sociétés et du droit du travail?
«Le dirigeant s’interroge souvent sur la possibilité de cumuler un mandat social avec un contrat de travail. La loi n’interdit pas ce cumul, si toutefois le contrat de travail reflète une prestation réelle et sérieuse et que les fonctions techniques ainsi que les rémunérations qui y sont liées sont distinctes et dissociables du mandat social. Ce point est d’importance alors que l’arrivée à terme des fonctions de dirigeant n’entraîne pas automatiquement la résiliation du contrat de travail, et vice versa. La qualité d’associé majoritaire ou minoritaire est également à analyser pour juger de l’existence d’un lien de subordination, sans lequel un contrat de travail ne peut exister. Le cumul est ainsi refusé pour un gérant ou administrateur unique, a fortiori s’il est également associé ou actionnaire de la société. La qualité d’actionnaire minoritaire et administrateur n’est malgré tout pas toujours incompatible avec une activité salariée au sein de la même société: un gérant associé minoritaire peut par exemple également être salarié, pour autant que son pouvoir de signature ne soit pas autonome. À noter que la conduite de toute activité commerciale, artisanale ou industrielle nécessite une autorisation d’établissement, délivrée par le ministère des Classes moyennes sur base de l’honorabilité et de la qualification professionnelle du dirigeant en charge de la gestion journalière.
Qu’en est-il au regard de la sécurité sociale?
«Le dirigeant n’est autorisé à exercer son activité que pour autant qu’il justifie de son honorabilité. Aussi le ministère vérifie-t-il qu’il se soit acquitté du paiement de ses impôts et charges sociales avant de lui délivrer une autorisation. Toute activité rémunérée oblige à s’affilier auprès du Centre commun de la sécurité sociale (CCSS). Une dispense d’affiliation peut être accordée en justifiant d’un revenu professionnel n’excédant pas un tiers du salaire social minimum par an. Le dirigeant doit distinguer deux situations: soit
sa société est une société anonyme, une société en commandite par actions ou une société coopérative, et il sera considéré comme indépendant par le CCSS du seul fait qu’il figure sur l’autorisation d’établissement; soit sa société est une société en nom collectif, une société en commandite simple ou une société à responsabilité limitée, auquel cas il pourra être considéré comme salarié par le CCSS pour autant qu’il en détienne moins de 25% des parts sociales. À noter que le lieu d’affiliation d’un dirigeant à la sécurité sociale dépend de son lieu de résidence et du lieu où est exercée une partie substantielle de son activité. Par ailleurs, un indépendant s’acquittera de 100% de ses charges sociales (16% pour l’assurance pension), là où un salarié n’en prendra en charge que la moitié, l’employeur acquittant l’autre moitié au titre de la part patronale.
Et au regard du droit fiscal?
«Le dirigeant peut percevoir un tantième pour l’exercice d’un mandat d’administrateur et/ou un salaire pour rémunérer les prestations rendues sur base d’un contrat de travail et/ou pour rémunérer la gestion journalière de la société. Ces rémunérations sont soumises à l’impôt sur le revenu dans le chef des dirigeants résidents au taux ordinaire, augmenté de la contribution pour le fonds sur l’emploi. Des retenues à la source s’appliquent sur le montant brut des tantièmes dont l’une fixe non libératoire de 20%, l’autre étant calculée en fonction du barème de retenue à la source sur salaires. À noter que la retenue sur tantièmes peut dans certains cas être libératoire pour les dirigeants non résidents. Attention: les tantièmes ne sont jamais déductibles pour la société et peuvent être soumis le cas échéant à la TVA. Un salaire trop élevé peut être requalifié en distribution cachée de dividendes dans le chef d’un dirigeant également actionnaire ou associé, l’exposant à une retenue à la source de 15%. Enfin, le dirigeant non résident devra être prudent, pouvant être considéré comme un ‘établissement stable’ de sa société dans son État de résidence, ce dernier risquant alors de récupérer le pouvoir d’y imposer les revenus de la société. Le dirigeant s’assurera d’une substance au Grand-Duché pour limiter les risques – mais il s’agit d’une problématique dépassant le cadre de ces lignes.»