Saint-Paul avait récemment regroupé ses rédactions francophones: celles du gratuit Point24 et de La Voix. (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Saint-Paul avait récemment regroupé ses rédactions francophones: celles du gratuit Point24 et de La Voix. (Photo: Luc Deflorenne/archives)

L’annonce s’est faite par note de service, vendredi 19 août, dans le courant de l’après-midi: dans le cadre de la redéfinition de son offre, Saint-Paul Luxembourg arrête la publication de La Voix du Luxembourg le 30 septembre prochain. Une trentaine de personnes devrait faire les frais de cette décision.

Cette réduction des effectifs se fera, selon Saint-Paul, «soit par départ naturel, soit par résiliation de contrat de travail», sans qu’il n’y ait pour l’instant plus de précisions sur le nombre de personnes licenciées.

Un rédacteur en chef par intérim depuis octobre 2008

Que La Voix s’éteigne n’est pas vraiment une surprise en soi. Des interrogations quant à l’avenir du titre circulaient depuis octobre 2008 et le départ de son dernier rédacteur en chef, Laurent Moyse (son «successeur», Didier Hiégel, n'occupant la fonction que par intérim).

En revanche, la brutalité de l’annonce peut surprendre, même si on savait le groupe Saint-Paul en pleine restructuration. En 2009, le conseil d’administration avait mandaté les analystes et consultants de McKinsey afin d’établir une stratégie viable pour le futur. A l’époque, la direction s’était opposée au «conseil initial de McKinsey [qui] était de nous faire licencier plus de 200 personnes», comme nous l’avait confié Léon Zeches, l’ancien directeur général du groupe, au moment de prendre sa retraite, fin 2009.

Néanmoins, la fermeture de l'activité d’impression heat set (ligne de rotative servant notamment à imprimer des produits à format magazine) avait, entre-temps, amené une première réduction des effectifs.

Internet en langue française

Côté rédactions, Saint-Paul avait récemment regroupé ses rédactions francophones – celles du gratuit Point24 et de La Voix – annonçant vouloir développer davantage l'offre en langue française, notamment sur Internet. Mais, à défaut d’un renforcement des journaux imprimés et des sites web existants, ce fut le site phare du groupe - wort.lu - qui fut doté d’une version française. A l’époque, tout tendait vers une fusion imminente entre Point24 et La Voix du Luxembourg.

Saint-Paul a donc finalement tranché. Voulant «servir une population francophone toujours croissante et répondre aux attentes d’un lectorat de plus en plus friand d’une information gratuite et instantanée», la direction va, selon ses dires «renforcer les versions françaises de son support Internet et de son produit Point 24».

Surabondance de l’offre

La Voix aurait donc été sacrifié sur l’autel de la presse gratuite et des médias digitaux. Il est indéniable que l’apparition et le succès du quotidien gratuit en langue française L’essentiel (édité par une joint-venture entre les groupes luxembourgeois Editpress et suisse Tamedia), avec ses 126.000 lecteurs par jour moyen et un taux de pénétration de 30% selon la dernière étude Plurimedia, a secoué le paysage de la presse au Luxembourg.

Lancé en réponse à L’essentiel, le gratuit édité par Saint-Paul Point 24 n’a jamais pu refaire son retard, atteignant quelque 72.000 lecteurs selon la dernière étude Plurimedia (17,1% taux de pénétration). Mais la surabondance abrupte de l’offre quotidienne francophone a aussi eu pour effet de mettre en difficultés les quotidiens payants des deux groupes: Le Quotidien pour Editpress et La Voix pour Saint-Paul, aussi bien en ce qui concerne le lectorat que, plus grave, les recettes publicitaires.

La Voix se portait pourtant mieux

Aux dires de l’ancien directeur général de Saint-Paul, Léon Zeches, il n’y aurait pas de place pour deux quotidiens gratuits francophones et deux quotidiens payants francophones. Son successeur, Paul Lenert, qui a repris les rênes de Saint-Paul début 2010, a donc tranché dans le vif: exit La Voix, maintien du Point 24 avec une offre multilingue (français, allemand, portugais) et développement multilingue de l’Internet (allemand, français, anglais).

L’avenir dira si le pari de Saint-Paul d’opter «résolument pour les nouvelles technologies de l’information et [de miser] davantage sur l'ère numérique» est gagnant. En attendant, Le Quotidien sera le premier bénéficiaire de cette décision. La Voix a été en effet lancé le 2 octobre 2001, pour contrer ce qui n’était encore à ce moment-là que le projet de quotidien francophone devant remplacer l’édition Luxembourg du Républicain Lorrain. Un projet devenu réalité le 14 novembre 2001 avec la naissance du Quotidien.

Ironie de l’histoire, La Voix avait, pour la première fois depuis ses dix ans d’existence, rattrapé son concurrent direct lors du dernier sondage Plurimedia, avec quelque 26.000 lecteurs par jour moyen et un taux de pénétration de 6,2%.