Autour de son nouveau directeur, Marc Hansen, le Journal a lancé un ambitieux projet. (Photo : Charles Caratini)

Autour de son nouveau directeur, Marc Hansen, le Journal a lancé un ambitieux projet. (Photo : Charles Caratini)

Surprise dans le paysage médiatique luxembourgeois : le Lëtzebuerger Journal acquiert 8 % d’Editpress et annonce un partenariat entre les deux groupes de presse pour « garantir la pluralité et la liberté de la presse luxembourgeoise ».

Avec l’acquisition surprise de 8 % du capital d’Editpress, annoncée fin octobre, le Lëtzebuerger Journal a probablement joué une carte maîtresse. En apportant l’argent frais dont Editpress avait besoin, les libéraux du DP, propriétaires du journal, ne se sont pas seulement assuré un contrôle sur leur partenariat. Ils ont également mis un pied dans l’empire de presse qui édite Tageblatt, Le Jeudi et la Revue, ainsi que, avec des partenaires étrangers, L’essentiel et Le Quotidien.

Pour autant, l’alliance entre le quotidien du parti libéral et le groupe appartenant au syndicat OGBL, interpelle. Si, d’un point de vue synergies, l’alliance fait sens (regroupement du pré-presse, des services marketing et des services administratifs, tout en garantissant une indépendance éditoriale des deux côtés), il n’en reste pas moins que ce partenariat est conclu entre les deux principaux antagonistes politiques du moment.

Le Lëtzebuerger Journal est un peu au parti libéral ce que L’Humanité était au parti communiste français : une publication servant de relais pour prêcher la bonne parole. Mais lorsque les lecteurs hors parti font défaut et que ceux du parti sont devenus rares, il faut se réinventer. Le Journal, qui constitue aujourd’hui une exception dans le paysage médiatique européen, a décidé de couper net avec la tradition et le passé.

Né en 1948 de la fusion de l’Obermosel-Zeitung à tradition libérale et de l’Unio’n, organe de la résistance, le Lëtzebuerger Journal a accompagné dès ses débuts le mouvement libéral au Luxembourg. Lorsqu’en 1955 le DP vit le jour, le Journal fit en quelque sorte office de sage-femme. Aux mains du parti depuis lors, le Lëtzebuerger Journal est un pur survivant grâce à la législation luxembourgeoise sur l’aide à la presse : sans les quelque 500.000 euros annuels octroyés par l’État – une broutille par rapport à ce que récoltent pour leurs publications respectives les maisons d’édition Editpress (3,5 millions d’euros) et Saint-Paul (2,7 millions d’euros alors que La Voix vivait encore) – le Journal n’existerait plus.

L’Imprimerie Centrale touchée

À ses heures de gloire, la feuille libérale tirait à quelque 10.000 exemplaires. Au fil de son histoire, le tirage a difficilement dépassé les 5.000 et, dernièrement, on est tombé sous les 2.500 exemplaires diffusés. La cassure a eu lieu après le départ en retraite du rédacteur en chef Rob
Roemen.

C’est le parti lui-même qui a tiré la sonnette d’alarme. Sous la houlette du président du conseil d’administration du Journal, Norbert Becker, et des stratèges du DP, il a été décidé de passer outre les vieilles habitudes et coteries.

Première victime, l’Imprimerie Centrale (IC), à la recherche d’un second souffle pour ses rota­tives depuis qu’elle a perdu le contrat d’im­pression du Journal Officiel des Communautés eu­ro­péennes. Aujourd’hui, hormis des commandes ponctuelles, elles ne roulent que pour le Journal, le Land et Zeitung vum Lëtzebuerger Vollék. Pas de quoi assurer une pérennité. À partir de l’automne 2012, ce sont les rotatives d’Editpress qui accueilleront le Journal.

Deuxième victime, la vieille garde du DP qui avait l’habitude de considérer le Journal comme sa feuille de liaison – une raison d’ailleurs de l’échec du quotidien. L’équipe autour de Marc Hansen, ancien responsable de la communication du DP et fraîchement nommé directeur du Journal, a engagé une société de consultance allemande spécialisée dans les médias pour redéployer le journal. Le projet est ambitieux, à tel point que le parti a envoyé une circulaire à tous ses membres pour leur expliquer que leur quotidien allait devenir un vrai journal : indépendant du parti, mais libéral dans l’âme.