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La décision de RTL-TVI de ne pas renouveler, en fin d'année, son autorisation d'émettre auprès de la Communauté française de Belgique, se contentant de n'être plus soumis qu'au seul régime «luxembourgeois», n'a pas fini de faire parler... 

Philippe Delusine, administrateur délégué de la SA TVI (qui regroupe RTL-TVI, RTL-Club et Plug-TV), explique ce choix par une volonté de se mettre en conformité avec la directive européenne "Télévision sans frontière", qui impose que le siège social de l'établissement se situe dans le "pays d'origine" - en l'occurrence le Luxembourg - et que ce soit là aussi que soient prises les décisions relatives à la ligne éditoriale.

Pour lui, il n'y a donc rien qui permette de parler d'une quelconque "délocalisation', d'autant que TVI aura toujours son siège social en Belgique, la licence étant propriété de CLT-UFA. Soit. Mais, ce faisant, RTL-TVI échappe à toutes les obligations - entre autres financières (aide au cinéma et aux producteurs indépendants francophones, achat de programmes, etc.) - liées à l'autorisation délivrée par la Communauté française, tout en continuant à produire et émettre sur le territoire belge. Une situation pour le moins ambiguë, même si M. Delusine a clamé haut et fort que la chaîne respectera ces règles (qui portent aussi sur les aides à la presse, l'emploi, l'information, etc.) sur base d'un engagement volontaire et que ce sera aux autorités... grand-ducales à en assurer le contrôle.

Cette argumentation fait grincer bien des dents en Belgique. Le directeur général de la RTBF, Jean-Paul Philippot, lui, se plaît, depuis, à parler de la chaîne "luxembourgeoise" et souligne que son institution est donc le seul opérateur belge francophone à faire de l'information. Une ironie très réaliste, puisque RTL elle-même affirme que la ligne éditoriale de ses programmes RTL-TVI et RTL-Club est approuvée au Luxembourg par CLT-UFA!

Dans les milieux politiques et du côté du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), notamment, les critiques sont beaucoup plus sévères et le gouvernement de la Communauté française étudie toujours la possibilité d'une action en justice, estimant que RTL contourne ainsi le régime législatif en Belgique francophone par ce qu'Évelyne Lentzen, présidente du CSA, à qualifié, dans une interview à La Libre Belgique, d'"habillage juridique" et de "schizophrénie". Elle rappelle que le décret de 2003 sur la radiodiffusion est on ne peut plus clair et que RTL-TVI restera dès lors sous le contrôle du CSA.

Pour la présidente, il y a bel et bien "délocalisation' de cette chaîne coincée "entre Berlin et Luxembourg", allusion faite à la situation géographique du siège social de Bertelsmann... à ses yeux, en outre, RTL-TVI se fragilise juridiquement d'elle-même en ouvrant la porte à des actions en justice d'autres opérateurs, qui plaideraient l'inégalité de traitement.

Actuellement, 21 programmes TV relèvent de la juridiction du Luxembourg (et deux dossiers sont en cours d'examen), dont onze accordés à la seule CLT-UFA. Il s"agit de licences gratuites sur lesquelles l'État luxembourgeois ne perçoit aucune rentrée financière. Les deux seules "contreparties" existantes concernent RTL, soumis à une obligation de service public, et SES Global, dont le montant du loyer à payer pour l'exploitation des fréquences, fixé pour une durée de 15 ans, avait été converti en actions en 2001, lors de la naissance de l'acquisition de GE Americom par SES Astra.