Romain Bausch (Photo: David Laurent/Wide)

Romain Bausch (Photo: David Laurent/Wide)

Alors que la crise économique est loin d’avoir produit tous ses effets, le CEO de SES regrette que les discussions autour de la compétitivité cachent des problèmes structurels plus profonds qui tardent à être vraiment réglés.

A la tête depuis 15 ans du premier opérateur mondial de satellites, SES, Romain Bausch est l’un des rares (avec Lakshmi Mittal) à figurer, dans les trois éditions de notre Top 100 des décideurs économiques les plus influents du Luxembourg, parmi les dix premiers. Le «poids» d’un groupe d’envergure internationale, symbole d’une diversification économique de pointe du pays en dehors de sa place financière, y est évidemment pour beaucoup, mais la personnalité même de son leader y contribue forcément. Ancien haut fonctionnaire du ministère des Finances, dont il fut administrateur général, ancien président de la SNCI et du Conseil d’Etat, sa «double compétence» service public/économie privée lui donne une légitimité dont peu peuvent se prévaloir à ce niveau-là.

Certes, il y a deux ans, Romain Bausch nous avouait qu’il ne se considérait pas comme un «manager type». Un sentiment qui n’a pas évolué avec le temps, bien au contraire. «Avec l’âge, je pense que je mise sur le travail en équipe, davantage que par le passé. Aujourd’hui, je suis entouré de personnes qui ont bien évolué et qui assument, aujourd’hui, des responsabilités dans lesquelles je me serais sans doute immiscé il y a deux ou trois ans.»

Evidemment, il pourrait aussi «profiter» de son parcours et de son statut pour empiéter sur un rôle qui ne serait pas le sien, quand bien même cela le démangerait de pouvoir, à l’occasion, davantage s’impliquer dans les réflexions économiques et sociales du pays. «Il faut faire des choix, explique-t-il. Celui que j’ai fait est de me consacrer à mes fonctions chez SES et à pleinement assumer mes responsabilités dans une entreprise à dimension globale, ce qui prend déjà 100% de mon temps. Il me serait difficile de combiner cela avec un autre rôle dans une quelconque structure socioprofessionnelle. Je ne suis donc pas du tout en première ligne, ce qui ne m’empêche évidemment pas de discuter, à l’occasion, de tel ou tel problème avec tel ou tel décideur politique.»

L’urgence des réformes

C’est donc, de loin, que M. Bausch a assisté à l’échec de la Tripartite du printemps dernier et à la dégradation du «modèle luxembourgeois», qu’il ne considère toutefois que comme «un mauvais moment à passer», tout en regrettant que toute l’attention des débats ait été focalisée sur la thématique de l’indexation des salaires. «Le problème de la compétitivité du pays est beaucoup plus vaste et les véritables discussions devraient plutôt porter sur la mise en œuvre de vraies réformes structurelles et le développement d’un système éducatif approprié. Il faut que ces réformes soient entamées maintenant, dans une période où le pays peut encore profiter de certaines niches dont on sait qu’elles ne dureront pas, car si nous ratons le coup et attendons que cet environnement favorable ait disparu, le problème sera tout autre. Mais je me souviens que ce discours était déjà celui que nous tenions dans les années 70-80. Le pays a globalement bien survécu à la crise économique, mais il ne faut pas croire que les problèmes appartiennent au passé. Il faut s’attendre encore à des évolutions négatives, notamment dans le secteur financier. Nous ne sommes pas encore sortis de l’ornière.»

Dans ce contexte, SES jouit d’une position un peu particulière. Leader mondial de son secteur, le groupe n’a qu’un impact direct limité sur l’économie luxembourgeoise, compte tenu du caractère presque exclusivement international de son activité. Mais avec un effectif de 450 salariés, qui augmente légèrement chaque année, SES n’en reste pas moins une composante non négligeable du paysage économique national, qui ne se traduit pas uniquement en termes de dividendes que l’Etat, actionnaire à plus de 16% (en direct et via la BCEE et la SNCI), touche chaque année. «Nous essayons aussi d’apporter notre modeste contribution à la mise en place d’un environnement propice au développement économique du pays, mais aussi à la recherche et à l’innovation.» D’où, par exemple, la signature d’un partenariat avec l’Université du Luxembourg en mars dernier, portant sur un montant de quelque 2 millions d’euros pour la période 2010-2015. Une somme consacrée au développement d’un centre d’excellence en matière de technologies liées aux systèmes satellites et à la création d’une chaire universitaire dédiée à ce secteur d’activité.