Une autre lumière sur le vieux Luxembourg. C’est un des multiples enjeux d’un pays qui va être très exposé pendant six mois. (Photo: SIP / Jean-Paul Kieffer /eu2015)

Une autre lumière sur le vieux Luxembourg. C’est un des multiples enjeux d’un pays qui va être très exposé pendant six mois. (Photo: SIP / Jean-Paul Kieffer /eu2015)

Le compte à rebours est enclenché. Mercredi 1er juillet mettra de facto Luxembourg, déjà une des capitales, encore plus au centre de l’Union européenne. Il va falloir donner une bonne image, faire mieux que bonne figure sur la photo de famille.

Le Grand-Duché, en prenant pour six mois la présidence du Conseil de l’UE, entre dans la lumière. Petit État hyperactif et néanmoins pionnier de l’union socioéconomique rassembleuse qui a fait se construire et se fédérer l’Europe, le Luxembourg aura des airs de moustique dans cette lumière estivale. Le semestre s’annonce dense, voire chaud, au moins au début, parce que, au-delà de la température ou de la météo, il y a un contexte qui a déjà été plus favorable.

Le pays compte, parmi les 46% d’habitants non luxembourgeois qui vivent sur son territoire, une écrasante majorité (près de 9 sur 10) de citoyens issus de l’Union européenne. C’est dire si le Grand-Duché, qui aurait pu être montré en exemple comme un instigateur zélé de la citoyenneté de résidence, assez proche de l’idée de fédéralisme et d’union, a pris une autre image en moins d’un mois. Les félicitations ampoulées adressées aux Luxembourgeois par d’éminents théoriciens ou praticiens d’une certaine mouvance extrémiste venus de pays voisins n’ont pas contribué à la netteté de l’instantané projeté.

Cela étant posé (et presque digéré, pour passer à l’étape suivante), le Luxembourg pionnier est à suivre ou à décrypter. Moderne comme il entend le devenir, le Grand-Duché veut aussi démontrer sa transparence nouvelle. Sur sa face économique - la plus visible d’ordinaire, la plus friable aussi sous les attaques vitriolées venant de l’extérieur -, le pays, à l’économie souvent jalousée et à la place financière affublée de vieux clichés et de casseroles traînantes, est attendu de pied ferme.

Face aux critiques sur les rulings, les cadeaux fiscaux, la course aux QG de multinationales, les ministres des Finances et de l’Économie n’auront d’autre choix que de jouer la main de fer dans un gant de velours, à moins que la première préoccupation soit à l’urgence d’attendre, pour gagner du temps au lieu de donner l'impression de ne rien faire.

Drôle de drachme

Le contexte est aussi à la tragédie grecque. Le Luxembourg sera, qu’on le veuille ou non, le grand théâtre où se jouera la fin de la pièce, soit le retour du marathonien Euro, soit un drôle de drachme hors zone. Le déjà fameux Grexit, combiné à l’épée de Damoclès d’un futur Brexit, cela ferait une tache dans le tableau de marche du Luxembourg pilote européen.

Alors, évidemment, durant ce semestre qui conduira vers la trêve des confiseurs à la fin de l’année 2015, le Luxembourg ne pourra pas prendre en compte toute la misère du monde, comme disent certains à propos, par exemple, des migrants.

Le pays ne pourra pas davantage peser dans le grand (dés)ordre mondial, perturbé par les conflits de territoire, les bagarres ethniques, les guerres de religion. Vu que le règne de la terreur frappe n’importe où, aveuglément, des intérêts stratégiques autant que des cibles aléatoires, l’image de la présidence européenne devra être suffisamment lisse que pour ne pas accrocher l’œil de fous tentés par l’éclat.

Dans tous les cas de figure, l’image du pays, la photo instantanée, il ne faudra pas la louper.

Dans la lumière crue, il ne faudra pas trop la jouer boule à facettes.

Et il ne faudra pas être trop blême non plus, comme victime d’une surexposition.