Paperjam.lu

 

Comment fixe-t-on les prix dans l’immobilier? De nombreux facteurs, variant notamment en fonction de la destination du bien, entrent en jeu. Mais le marché répond à des règles bien établies.

Investir dans la brique peut s’avérer un choix judicieux. A condition de ne pas acheter chat en poche. Que l’on soit un investisseur en quête d’un rendement sûr ou un simple particulier à la recherche d’un logement, l’acquisition d’un bien immobilier doit être un acte réfléchi. Il est surtout le résultat d’un calcul qui doit permettre à chacun de trouver le juste prix, en fonction de ses attentes, à court ou à long terme.

Au Luxembourg, l’immobilier de bureaux a longtemps été considéré comme un placement de choix, notamment par de nombreux fonds d’investissement étrangers, allemands pour la plupart. Et si en 2010, les transactions ont été peu nombreuses, une embellie semble se dessiner pour 2011. «Après un premier semestre encourageant avec un total de 50.000 m2 pris en occupation, le troisième trimestre enregistre 28.800 m2 de bureaux commercialisés contre 32.700 à la même époque en 2009, soit un repli de 12%, constate Jean-Pierre Lequeux, managing director de DTZ. Des signes de reprise se font toutefois ressentir. Le marché de l’investissement se redresse peu à peu avec un volume proche de 84 millions d’euros en cinq transactions au troisième trimestre.»

La majeure partie des investissements est actuellement réalisée par des investisseurs locaux privés, pour occupation propre. «Stricto sensu, il ne s’agit pas d’achats pour investissement», précise Gérald Merveille, managing director chez CB Richard Ellis. Ce dernier avance deux explications à ce ralentissement de l’activité. La première étant le manque d’acheteurs. «Suite au lancement de réformes dans le secteur des fonds ouverts allemands, principaux investisseurs par le passé, ceux-ci sont une fois de plus en difficulté. Des retraits importants au cours de l’année ont été enregistrés, menant à une inactivité totale d’une partie de ces fonds au Luxembourg.» L’autre raison de ce ralentissement des transactions vient du manque flagrant d’objets d’investissement correspondant à la demande actuelle, à savoir des biens localisés dans les zones centrales, loués à des sociétés fiables avec des baux à long terme.

En clair, si des investisseurs sont prêts à placer une partie de leurs deniers dans l’immobilier, ils ne le font pas à n’importe quel prix. «En raison de la crise, ils ont resserré leurs critères de sélection. Alors qu’on a assisté jusqu’en 2007-2008 à des prises de risque de plus en plus importantes, les investisseurs sont redevenus très prudents», poursuit Gérald Merveille.

Manque de points de comparaison

Objets de transaction, les immeubles sont soumis à l’offre de la loi et de la demande. Certains, parfaitement situés et occupés par des locataires fiables pour une longue période, attirent les regards. D’autres, peu occupés et installés en périphérie ont moins d’atouts à faire valoir. «Personne ne fixe les prix, résume Laurent Cooreman, managing director de CB Richard Ellis. Lorsqu’une transaction a lieu, c’est qu’acheteur et vendeur ont trouvé un terrain d’entente. Chacun se base sur les estimations d’évaluateurs externes et voit si cela correspond à ses attentes. Le manque de transactions induit toutefois une certaine perte de repères. Pour le dire autrement, on manque de points de comparaison.»

Malgré le manque de visibilité actuel, les spécialistes de l’immobilier avancent plusieurs méthodes de calcul afin d’établir un juste prix. «Pour déterminer la valeur de marché d’un bien, la première méthode est celle de la capitalisation des loyers, explique Jean-Pierre Lequeux, chez DTZ. On prend le revenu locatif sur un an et on le divise par le taux de capitalisation, soit le rendement attendu, qui va tenir compte des conditions du marché et du risque que veut prendre l’investisseur. Ce taux se base sur une parfaite connaissance du marché et sur l’analyse de données macroéconomiques. Selon nos données, le meilleur taux de capitalisation actuel se maintient à 6,2% pour le centre-ville. Il se situe environ à 6,9% pour le Kirchberg et augmente à mesure qu’on s’éloigne.»

L’autre méthode de calcul est celle du discounted cash-flow. «Le principe est le même, assure Jean-Pierre Lequeux. Sur une période de dix ans, on estime les revenus locatifs, mais on tient compte des frais de maintenance, d’un éventuel vide locatif, des frais de marketing et d’agence qui y sont liés, on y inclut l’indexation future des loyers, d’éventuelles charges financières, etc. Grâce à cette fiche de calcul plus détaillée, on obtient une visibilité à plus long terme. A l’arrivée, on fait la moyenne entre les deux méthodes.»

Tenant compte de ce schéma, certains critères ont une influence importante sur le prix d’un bien immobilier. «De manière générale, l’investisseur compare les rendements. Si les performances boursières sont à la baisse et que l’épargne rapporte peu, les prix de l’immobilier partent à la hausse. Par ailleurs, l’immobilier est le seul actif qui n’est pas touché par l’inflation, un critère de choix alors qu’on s’attend à une période inflationniste», ajoute Gérald Merveille. En outre, l’intérêt des investisseurs se tourne de plus en plus vers les bâtiments verts, leur offrant ainsi de meilleures conditions en termes de développement durable et d’épargne en consommation d’énergie.

On le comprend, la localisation est un élément prépondérant dans la fixation du prix. «Les zones les plus sûres sont le centre-ville, soit le Central Business District (CBD). La Cloche d’Or, le quartier de la gare, le Kirchberg sont également bien considérés, commente Laurent Cooreman. Ensuite, quand on s’éloigne du critère de centralité, cela devient plus difficile. Le problème vient aussi du fait qu’on a construit de gros volumes et que le volume moyen recherché par les investisseurs a quant à lui baissé. En résumé, il y a actuellement des choses invendables et, a contrario, des choses très recherchées mais qui ne sont pas à vendre. D’où le peu de transactions actuelles. La situation s’améliore et nous sommes confiants pour 2011. Mais il n’y a pas de secret. Au Luxembourg, la demande de nouveaux espaces est directement liée à la croissance de l’emploi.»

Pour l’immobilier résidentiel, le calcul est un peu différent. «Le prix juste, c’est celui que le client est prêt à donner pour un bien déterminé», explique, pragmatique, Jérôme Di Lorenzo, administrateur délégué de Carré Immo.

L’acheteur privé, sauf s’il s’agit d’un achat en vue d’une location future, ne tient pas souvent compte du rendement escompté. En revanche, une dimension affective entre en jeu. «Pour l’acheteur, le prix qu’il est prêt à payer pour une maison ou un appartement dépend, et c’est sans doute le critère le moins objectif, du désir de devenir propriétaire de ce bien», confirme Luc Schuller, associé principal chez Yous Real Estate Group.

L’immobilier résidentiel, un autre calcul

En pratique, tout comme pour l’immobilier de bureaux, différentes méthodes sont utilisées par les professionnels pour établir la valeur d’une habitation existante. La méthode de parité, dite de comparaison, qui établit la valeur d’un bien en référence à des transactions récentes sur le même marché, est la plus courue. «On tient compte de différents critères, comme l’environnement immédiat, la localisation, les éléments visuels ou de confort, précise Jérôme Di Lorenzo. On regarde ensuite quels biens sont en vente ou ont été vendus à proximité ou à situation géographique équivalente. Tout cela conduit à la détermination d’un prix du marché.»

D’autres méthodes peuvent affiner l’évaluation. «La méthode du revenu consiste à calculer ce que rapporte un bien loué. Nous croisons ces deux méthodes afin d’obtenir un résultat fiable», ajoute Luc Schuller.

Pour l’immobilier résidentiel neuf, un autre élément entre encore en jeu: la concurrence. «Notre métier est de réaliser des projets d’urbanisation de grande envergure, en proposant des logements de qualité, de classe énergétique B ou moins, bien situés, précise Jérôme Di Lorenzo. Pour fixer nos prix, nous regardons ce que proposent nos concurrents. Vu le volume de ventes à réaliser, notre prix est calculé au plus juste et, dans la pratique, il se trouve souvent en dessous du prix du marché. Comptez 4.500 euros le mètre carré en ville, à Cessange par exemple, 3.200 à Belval. La stratégie est différente que pour des immeubles de bureaux. Ici, c’est de la vente au détail.»

Cela n’empêche pas certains particuliers d’acheter des appartements en vue de profits futurs. «Nous avons d’ailleurs mis en place un produit d’investissement spécifique à destination de ces personnes», précise Jérôme Di Lorenzo.

Pour l’heure, l’immobilier résidentiel se porte bien. Les professionnels s’attendent toutefois à un léger ralentissement de l’activité début 2011. «La suppression du crédit d’impôt lors de l’achat d’un logement va avoir un impact sur le marché, confie M. Di Lorenzo. Le neuf sera toutefois moins touché puisqu’en cas d’achat sur plan, les 7% de droits d’enregistrement ne s’appliquent que sur la quote-part terrain et pas sur le prix global.»

A l’arrivée, le prix juste reste celui sur lequel vont réussir à s’entendre vendeur et acheteur, en toute connaissance de cause. Celui qui va réunir l’offre et de la demande.