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Les institutions centenaires ne sont pas légion au Luxembourg. La BCEE et la BIL (devenue Dexia BIL depuis), fondées en 1856, sont parmi les plus anciennes et les plus emblématiques, deux des fers de lance d’un secteur financier qui contribue, aujourd’hui, à la plus grande partie de la richesse du pays.

Le 30 octobre prochain marquera la date exacte du 100e anniversaire de la création de l’Arbed, fleuron de l’économie «d’hier», leader d’une sidérurgie qui a forgé le Grand-Duché, le portant à bout de bras pendant plus de 50 ans.

Certes, le nom n’a, statutairement, pas survécu aux réalités du capitalisme moderne, qui l’ont transformé en Arcelor puis en ArcelorMittal. Mais très nombreux sont ceux qui, aujourd’hui encore, dans le pays, continuent à parler de l’Arbed. De «leur» Arbed.

Le fronton du «château» de l’avenue de la Liberté, à Luxembourg-ville, frappé de ces cinq lettres historiques, rappelle à chaque instant que ce pan d’histoire est tout sauf de l’histoire ancienne. N’oublions pas que l’Union européenne d’aujourd’hui s’est construite sur la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Et si le 23 juin 1952, date de sa ratification par le parlement luxembourgeois, n’était pas encore celle de la fête nationale, elle en prit, d’une certaine façon, toute la symbolique.

Aujourd’hui, à l’heure où l’économie fait de la dématérialisation un de ses chevaux de bataille, la sidérurgie a perdu de son allure sexy. Mais elle est encore bien vivante et ArcelorMittal demeure le premier employeur privé du pays.

Mais bien au-delà de cette réalité chiffrée instantanée, si le Luxembourg contemporain peut afficher un certain bien-être économique et social, il le doit bel et bien à ses pionniers sidérurgistes. Ils ont bâti la richesse économique d’antan et écrit les premières heures de gloire d’un syndicalisme né au plus fort de l’exploitation – souvent par des travailleurs étrangers – des mines de charbon et de fer.

Plus tard, le «modèle luxembourgeois» a pris corps avec les premiers accords issus de la Tripartite créée lors de la crise de la sidérurgie des années 70. Bien qu’un peu malmené aujourd’hui, ce modèle n’en reste pas moins un point d’ancrage indispensable au plus fort de la tempête économique et boursière que nous traversons actuellement. D’aucuns espèrent, d’ailleurs, qu’il aura retrouvé toute sa solidité en vue de la prochaine Tripartite de fin septembre.

«Il n’y a de toute façon pas d’avenir sans passé», explique Lakshmi Mittal, CEO du groupe qui porte en partie son nom. Et dans cet avenir qui se dessine, l’acier aura à l’évidence toujours son mot à dire. Et le Luxembourg aussi. De la Freedom Tower de New York au Burj Khalifa de Dubaï, ce sont des dizaines de milliers de tonnes d’acier made in Differdange qui vont supporter deux des plus remarquables gratte-ciel de ce début de 21e siècle.

Les 100 prochaines années ne ressembleront évidemment en rien aux 100 dernières. Mais le vent de l’histoire, quel que soit le sens dans lequel il tournera, apportera toujours des parfums de Terres Rouges et de minette. Et toutes les bougies qu’il soufflera, quel que soit leur nombre, ne feront pas oublier que le pays a toujours su prendre une belle part du gâteau.