Didier Mouget (PwC Luxembourg) (Photo : Etienne Delorme)

Didier Mouget (PwC Luxembourg) (Photo : Etienne Delorme)

PwC a rendu une copie encourageante pour le compte de son dernier exercice, clôturé au 30 juin. Les effets de la reprise, quoique fragile, se font déjà sentir. La firme entend bien continuer sur sa lancée, s’appuyant sur une activité advisory restructurée non sans douleur.

Avec un chiffre d’affaires de 233 millions d’euros et des revenus en croissance de 3,1% pour l’exercice 2009-2010 (clôturé le 30 juin dernier), PwC Luxembourg a finalement réalisé une meilleure année que ce qui était attendu: les prévisions annoncées il y a tout juste un an tablaient sur une fourchette de croissance entre 2,5% et 3%. «Vu les circonstances économiques, c’est plutôt une bonne performance, tout aussi bien sur le marché luxembourgeois que pour l’ensemble du réseau», commente Didier Mouget, le managing partner de PwC au Luxembourg, qui a commencé, le 1er juillet dernier, son deuxième mandat de quatre ans à la tête de la société. Au niveau mondial, PwC a communiqué, début octobre, des revenus de 26,6 milliards de dollars, en hausse de 1,5%.

Dans le même temps, PwC a été amenée à consentir, auprès de bon nombre de ses clients, un certain nombre d’efforts en termes de disponibilité, de budget, de coût. «Nous avons su faire preuve de souplesse notamment au niveau du pricing quand il a fallu privilégier une approche réellement à long terme en supportant les sociétés rencontrant le plus de difficultés, aussi bien au Luxembourg que par rapport à la situation au sein de leur propre groupe multinational.»

La publication, fin octobre, des résultats annuels de la première firme de conseil et d’audit du pays (avec près de 2.000 employés, la société figure parmi les dix plus grands employeurs privés du Luxembourg) intervient en plein cœur d’une période de changements. Changement de branding, bien sûr, avec «l’officialisation», fin septembre, d’une pratique déjà en vigueur depuis la création de la société (issue de la fusion, en 1998, des cabinets Pricewaterhouse et de Coopers & Lybrand): l’utilisation du trigramme PwC comme véhicule de la marque, la raison sociale de la société demeurant, quant à elle, PricewaterhouseCoopers.

Changements aussi en interne, conséquence directe des effets de la crise économique et financière sur le fonctionnement de certaines activités, plus particulièrement la branche advisory. «Ce n’est pas le métier le plus important en termes de volume (il «pèse» quelque 20% des revenus globaux, contre 50% pour l’audit et 30% pour le tax, ndlr.), mais c’est là que s’est porté l’essentiel de nos efforts en 2010», reconnaît M. Mouget. Au menu, donc: une réorganisation de cette ligne de services.

«Réorganisation ne veut pas dire plan social, prévient d’emblée le managing partner de PwC. Il y a tout de même eu des décisions difficiles à prendre, mais qui étaient nécessaires. Clairement, quand on réalloue des responsabilités, il y a des gens contents et d’autres qui ne le sont pas. Dans ce cadre-là, certains sont partis.»

Recrues et promotions soutenues

Sauf que certains ne sont pas partis d’eux-mêmes. Et cela s’est d’autant plus su que les intéressés, Olivier Mortelmans (advisory leader) et Bernard Dubois (human capital leader), deux associés, en ont fait appel à la justice civile pour s’opposer à leur mise à l’écart. Dans le premier cas, un arrangement à l’amiable a finalement été trouvé après qu’un arrêt du juge des référés a en quasi-totalité débouté l’intéressé. Dans le second cas, un jugement en référé, déjà repoussé deux fois, était prévu ce 21 octobre, alors qu’un second recours est attendu devant le Tribunal du Travail, M. Dubois contestant les motifs de son licenciement.

Si PwC se serait certainement volontiers passée de ces deux «affaires», cela ne l’a pas empêchée de mener, en profondeur, la «restructuration» de l’activité advisory, forte désormais de plus de 250 professionnels, en légère augmentation par rapport à la situation antérieure. «Cela fait de notre département conseil le plus gros du marché», indique Didier Mouget, qui annonce que ces activités, qui avaient subi un léger recul pour 2009-2010, sont déjà reparties à la hausse pour l’exercice en cours.

La branche advisory n’est pas la seule à afficher un grand nombre de voyants au vert. Le département tax, lui aussi, bien que soumis à une forte pression sur les coûts et à un certain ralentissement de l’activité, bénéficie en contrepartie des effets indirects induits par le durcissement de l’action de bon nombre d’autorités fiscales étrangères et des modifications substantielles dans la fiscalité de ces pays-là. «Clairement, nos clients ont davantage besoin de conseils, constate M. Mouget, qui cite le transfer pricing comme une des activités connaissant un développement parmi les plus forts. Il s’agit de bien déterminer comment fixer les prix de transfert dans le cadre de prestations de services entre différentes entités d’un même groupe. C’est un élément crucial, car ce sont ces prix de transfert qui déterminent la fiscalité qui sera appliquée dans chacune des entités nationales d’un groupe.»

Dans ce contexte qui semble porteur, en dépit de la fragilité et de la volatilité de l’économie en général, encore convalescente après les fortes fièvres de ces 24 derniers mois, PwC n’a pas freiné son développement. Quelque 300 nouvelles recrues ont rejoint la firme entre octobre 2009 et octobre 2010, pour une hausse globale des effectifs d’environ 3%.

Dans le même temps, les promotions de personnel ont été maintenues à un niveau assez soutenu. Les associés de la firme ont ainsi approuvé l’entrée au comité de direction, pour une durée de quatre ans, de Rima Adas (human capital leader) et Jean-François Kroonen (advisory leader). Ils ont aussi nommé dix nouveaux associés, dont trois directement recrutés de l’extérieur: Christian Scharff (ex-Dexia BIL), Laurent Grançon, (ex-Atoz) et, dernièrement, Fabien Hautier (ex-Ernst & Young).

Par ailleurs, 14 nouveaux directeurs et 118 nouveaux managers ont été nommés. «Nous aurions pu là aussi freiner ces promotions, mais nous avons préféré investir dans l’avenir, indique Didier Mouget, qui rappelle que, parallèlement, la mobilité est fortement encouragée, aussi bien à l’intérieur même de la firme qu’au sein du réseau. «Cela constitue un coût, évidemment, d’envoyer quelqu’un de chez nous pour plusieurs années dans un bureau étranger, mais ce sont là de formidables opportunités de carrière dont nous pouvons également tirer bénéfice sur le moyen et le long terme.» Quelque 150 personnes ont, au cours de la période 2009-2010, bénéficié de telles «facilités», dont 63 dans des bureaux hors du Luxembourg.

De même, la politique salariale a été adaptée à la situation de reprise qui s’est confirmée. Au terme de l’exercice 2008-2009, l’ensemble des associés avait renoncé à ses bonus. Au 30 juin dernier, les gratifications salariales ont, de nouveau, été d’actualité. «Nous avons toujours privilégié un comportement solidaire, avec une prise de responsabilités de chacun lorsque les choses vont moins bien, plutôt que d’imaginer des licenciements massifs, rappelle M. Mouget. Avec le redémarrage des activités, il est évident que les choses reviennent à la normale. »

Un œil sur la Grande Région

Même si la crise fait encore parler d’elle, les perspectives d’avenir sont donc plutôt encourageantes, moins floues, en apparence, que ce qu’elles pouvaient être il y a un an. Les objectifs de croissance de l’activité pour l’exercice 2010-2011 ont été établis à environ 5%, avec des prévisions de recrutement se basant, pour l’heure, sur 300 personnes. On est loin, évidemment, des fastes années avec des croissances de plus de 20%, mais les signes de reprise, aussi modeste soit-elle, sont concrets. «Et nous n’excluons pas de revoir le chiffre du recrutement à la hausse si besoin», prévient le managing partner de PwC Luxembourg, qui entrevoit notamment une hausse dans les métiers du conseil. «Nous restons globalement optimistes pour le futur, même si pas mal de problèmes demeurent en suspens. Nous pensons que la place financière va rester très attractive, notamment l’activité des fonds d’investissement qui reste très solide. Même dans le domaine du private banking, le Luxembourg va continuer à jouer un rôle clé.»

PwC Luxembourg regarde également toujours avec un même œil attentif les développements «de proximité», au cœur de la Grande Région, en s’impliquant directement dans bon nombre de projets transfrontaliers, notamment dans le domaine de la santé. Récemment, une mission parlementaire française est même venue rendre visite au Luxembourg, pour analyser plus avant les possibilités existantes.