«Avec des taux plus hauts et des valorisations plus basses pour les actions, les perspectives de rendements futurs sont devenues plus intéressantes aujourd’hui que ce qu’elles ne l’étaient à la fin de l’année dernière», affirme Pierre-Henry Oger. (Photo: CapitalatWork Foyer Group)

«Avec des taux plus hauts et des valorisations plus basses pour les actions, les perspectives de rendements futurs sont devenues plus intéressantes aujourd’hui que ce qu’elles ne l’étaient à la fin de l’année dernière», affirme Pierre-Henry Oger. (Photo: CapitalatWork Foyer Group)

L’indice VIX, plus communément appelé «indice de la peur», est l’indicateur le plus fréquemment évoqué lorsque l’on parle de la volatilité des marchés. Basé sur l’indice américain «S&P 500», il mesure le niveau de volatilité attendu par le marché pour cet indice. La hausse spectaculaire qu’il a rencontrée en début de semaine dernière l’a amené à un niveau que nous n’avions plus rencontré depuis août 2015. Les marchés s’inquiétaient alors de la santé de l’économie chinoise et de la dévaluation du yuan.

Bien que cela puisse paraître étonnant au premier abord, c’est la publication de bons chiffres concernant l’emploi américain qui a déclenché la baisse des marchés. Avec 200.000 emplois créés en janvier, et surtout une hausse des salaires de 2,9% sur un an, l’économie américaine prouve une fois de plus sa robustesse. Les déductions faites par les opérateurs de bourse vont cependant un pas plus loin dans l’analyse de ces chiffres. La forte hausse des salaires publiée implique en effet un risque de hausse de l’inflation à court et à moyen terme.

Les marchés d’actions ont connu une hausse pratiquement ininterrompue durant les dix dernières années

Pierre-Henry Oger, fund manager - CapitalatWork Foyer Group

Une hausse de l’inflation risque fortement d’entraîner une hausse des taux d’intérêt. La banque centrale ayant en effet pour mission de réguler le niveau de l’inflation, si ce dernier augmente trop fortement, la FED augmentera les taux d’intérêt pour le freiner. Cette phase de hausse des taux a déjà commencé depuis décembre 2015 aux USA et n’est une surprise pour personne. Les craintes portent plutôt sur une accélération inattendue du rythme des hausses que sur la hausse en elle-même. Wall Street table actuellement sur deux à trois hausses de 0,25% pour 2018, et c’est la crainte d’augmentations supplémentaires qui a entraîné les bourses à la baisse.

Les marchés financiers sont en fait une machine à actualiser les flux financiers futurs. La valeur actuelle d’un titre dépend en effet des flux financiers que l’on estime que ce titre générera dans le futur. La valeur d’un euro aujourd’hui n’étant pas la même que celle d’un euro demain, le facteur mathématique qui permet de ramener une valeur future à une évaluation actuelle dépend des taux d’intérêt. Si ces taux augmentent, la valeur actuelle des flux futurs diminue, et donc le prix d’une action également. Rien de bien surprenant jusque-là, il s’agit de la base du fonctionnement des marchés. Cependant, l’évolution des taux n’est pas le seul facteur d’influence de la bourse.

Premièrement, les marchés d’actions ont connu une hausse pratiquement ininterrompue durant les dix dernières années. Les flux torrentiels de liquidités injectés par les banques centrales ont en effet contribué à la hausse des marchés d’actions et des marchés obligataires. Les rendements des obligations sont donc mécaniquement devenus tellement faibles que les actions sont restées une des seules classes d’actifs offrant un rendement potentiel intéressant. Le marché est par la suite entré dans un état de complaisance extrême vis-à-vis des actions, justement illustré par le niveau historiquement bas de la volatilité. La secousse de la semaine dernière a eu l’effet d’un réveil pour un marché qui était branché sur pilotage automatique.

Des marchés plus volatils sont propices aux investisseurs ayant des perspectives à long terme

Pierre-Henry Oger, fund manager - CapitalatWork Foyer Group

Deuxièmement, il est vraisemblable que le phénomène de baisse ait été amplifié par le débouclage de positions vendeuses sur la volatilité. Un des paris les plus rentables de ces deux dernières années était en effet de miser à la baisse sur l’indice VIX. Les instruments financiers permettant de prendre ces positions sont cependant opaques et peuvent avoir un comportement brutal lorsque les conditions de marchés sortent de l’ordinaire. Ces fonds de type «Exchange Traded Notes» ne sont par ailleurs pas aussi liquides que des ETF traditionnels, et sont construits à partir de produits dérivés, et non d’actions «physiques». Le deuxième plus grand ETN vendeur sur l’indice VIX va d’ailleurs être clôturé prochainement suite à une baisse spectaculaire de 92% qui a réduit le fonds à néant en l’espace d’une journée.

Il semblerait donc bien que les principaux facteurs ayant mené à cette baisse soient finalement plus liés à l’état de complaisance des marchés, doublé de l’effet démultiplicateur induit par des produits financiers obscurs, qu’à des doutes relatifs à la solidité de la reprise économique. Aux États-Unis par exemple, la réforme fiscale et le plan de dépense fédéral devraient ajouter jusqu’à 0,8% de croissance au PIB en 2018. Ce qui est certain, c’est que la proposition de valeur des marchés a changé depuis le début de l’année. Avec des taux plus hauts et des valorisations plus basses pour les actions, les perspectives de rendements futurs sont devenues plus intéressantes aujourd’hui que ce qu’elles ne l’étaient à la fin de l’année dernière.

C’est l’intervention massive des banques centrales qui a porté les marchés durant les dernières années, allant jusqu’à réduire la volatilité comme une peau de chagrin. Leur action étant en train d’être progressivement amoindrie, on peut facilement imaginer que la volatilité puisse rester plus importante que ce que nous avons connu récemment. Cela implique un peu plus de risque, mais cela veut également dire que les marchés vont évoluer dans un environnement plus sain, dans lequel le cours d’une action ou d’une obligation reflète une réalité économique. Des marchés plus volatils sont propices aux investisseurs ayant des perspectives à long terme et qui pourront profiter des variations de prix pour acheter des actions à bon compte.