Arcadie Gaydamak a déjà multiplié les procédures devant les juridictions civiles luxembourgeoises. (Photo: DR)

Arcadie Gaydamak a déjà multiplié les procédures devant les juridictions civiles luxembourgeoises. (Photo: DR)

Arcadie Gaydamak refait beaucoup parler de lui au Luxembourg. La semaine dernière, son nom avait été cité, bien qu’indirectement, dans une procédure à rallonge devant la Chambre du conseil de la Cour d’appel visant deux anciens banquiers de Sella Bank (aujourd’hui Miret) qui avaient eu à gérer ses fonds. La question au cœur de cette procédure est de savoir s’il y a matière à renvoyer un jour les deux hommes devant un tribunal correctionnel, alors qu’ils avaient été blanchis pour des faits à peu près similaires en 2008. 

Cette semaine, on apprend que l’homme d’affaires franco-israélien attaque au pénal deux ex-gestionnaires de sa fortune qu’il accuse de l’avoir escroqué. M. Gaydamak avait multiplié les procédures devant les juridictions civiles, notamment au Luxembourg, pour mettre la main sur ses fonds qui se chiffrent en centaines de millions de dollars, mais ses différentes tentatives qu’il a engagées sont jusqu’à présent restées infructueuses.

Aujourd’hui, Arcadie Gaydamak ne prend plus de gants. La plainte avec constitution de partie civile qu’il a déposée début octobre contre les dirigeants de la fiduciaire ayant géré son immense fortune va obliger la justice luxembourgeoise à rouvrir un dossier que l’on pensait définitivement enterré. «Le plaignant est devenu (…) victime d’un vol domestique, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux et blanchiment détention», note sa plainte dont paperJam.lu a obtenu une copie.

De 365 millions à 1,2 milliard de dollars

L’histoire de la fortune de Gaydamak au Luxembourg est un roman qui démarre en 2001 lorsqu’il transfère des avoirs d’une contrevaleur de 365 millions de dollars provenant de la négociation de «divers engagements financiers» entre lui et la société pétrolière d’État de l’Angola, Senangol de la banque chypriote Russian Commercial Bank à la Sella Bank, via la banque dépositaire San Marino Bank.

À Luxembourg, il a droit à une vraie structuration de patrimoine. Ses deux gestionnaires lui achètent 27 sociétés offshore et lui mettent sur pied trois fonds d’investissement exotiques ainsi que trois sociétés de gestion. Les capitaux prospèrent et atteignent, selon le plaignant, plus d’un milliard de dollars en valeur du fait de l’accroissement «explosif» du portefeuille constitué de valeurs énergétiques russes.

Fin 2003, les fonds de Gaydamak sont repérés suite au limogeage de deux banquiers de Sella les gérant. Il décide de les transférer auprès de Hapoalim Trust Company, mais la justice luxembourgeoise le devance et gèle ses avoirs entre février et mai 2004. Les fonds finiront par être débloqués pour des raisons assez ésotériques, mais l’homme d’affaires affirme ne pas en avoir immédiatement été informé.

Faux nez

C’est à ce stade que Gaydamak aurait été victime de l’escroquerie de la part des responsables de la fiduciaire luxembourgeoise qui lui feront croire que l’argent était toujours saisi. Ils lui proposeront alors de mettre un circuit complexe pour le transférer hors de Luxembourg et surtout masquer l’identité de son bénéficiaire économique.

En France, Gaydamak était au cœur, avec une partie de l’establishment parisien, d’un retentissant procès autour de la renégociation de la dette angolaise. Le montage fait intervenir une fondation au Panama alimenté par les fonds d’une organisation charitable juive au-dessus de tout soupçon. Le nom de Gaydamak disparait des écrans radars. L’un de ses gestionnaires au Luxembourg met son nom derrière les structures et tire les ficelles sur sa fortune. Et finit, avec ce faux nez, par se l’approprier en partie.

L’homme d’affaires a seulement récupéré une partie de son argent en 2006: 950 millions de dollars sous la forme de liquidités et de titres lui ont été restitués. Or, il en manque presque la moitié, compte tenu de la nature du portefeuille dont la valeur aurait explosé.

Il reproche précisément à ses gestionnaires de lui avoir menti sur la valeur des actions en portefeuille. Ce n’était pas 1,2 milliard de dollars, mais 1,8, soit un préjudice estimé à 850 millions de dollars. C’est cette portion de sa fortune qui est au cœur de la longue bataille que Gaydamak a entamée devant les tribunaux luxembourgeois en 2012, sans avoir eu gain de cause, car il lui a été jusqu’alors difficile d’apporter la preuve qu’il était bien resté le bénéficiaire économique derrière la fondation charitable.

En règle avec le fisc

Gaydamak aurait même déclaré sa fortune au fisc israélien en… 2003, lorsqu’il régularise sa situation avec les autorités en faisant intervenir un ténor du barreau de Tel-Aviv et un conseiller fiscal, qui avait été dans sa vie professionnelle antérieure le numéro deux des impôts de l’État hébreu. Leurs attestations ont même été jointes à la plainte luxembourgeoise.

Une nouvelle étape a été franchie avec sa plainte pénale. «Les sommes illégalement prélevées (…) sont le fruit d’un chantage», affirme Me Laurent Ries, l’avocat de Gaydamak, qui demande à la justice luxembourgeoise d’engager «toutes les poursuites nécessaires» contre celles et ceux qui ont «joué un rôle dans le détournement des fonds» lui revenant.