Claude Mihnjak est CTO en charge du département IT chez Tango. (Photo: Jessica Theis)

Claude Mihnjak est CTO en charge du département IT chez Tango. (Photo: Jessica Theis)

Monsieur Mihnjak, vous disposez d’une longue expérience dans le secteur des médias, en tant que responsable télécoms, dont l’IT était partie intégrante de votre fonction pour le groupe RTL. Quel bénéfice en avez-vous retiré pour la conduite de votre fonction chez Tango?

«Cette expérience m’a permis de continuer à inscrire la qualité et la grande disponibilité au cœur de l’ADN de mon approche du métier. Je mène les projets dont j’ai la charge chez Tango avec comme lignes de conduite la recherche permanente de la qualité et la simplification, et je tiens à partager cet état d’esprit avec mes équipes. RTL a par ailleurs été, il y a plusieurs années, l’un des premiers opérateurs à considérer l’IT comme l’un des éléments clés pour la réussite de ses projets, et non plus uniquement comme un centre de coûts. Cette vision est aussi partagée par Tango et je pense qu’elle permet, entre autres, à une entreprise de taille moyenne de rester compétitive et innovante sur un marché tel que celui du Grand-Duché.

Le passage de RTL sous la bannière du groupe allemand Bertelsmann m’a aussi permis d’élargir mon champ de vision professionnelle. J’occupais en effet une responsabilité de CIO global et participais au board mondial de l’entreprise. Ce fut une préparation intéressante à ce qui allait m’occuper chez Tango en mettant sur pied des services de télécommunication à destination des opérateurs télécoms internationaux et médiatiques, qu’il s’agisse de bande passante pour des clients ou d’hébergement de leurs services depuis le Luxembourg. On pouvait parler de ‘managed services’ avant l’heure, des services que vous ne pouvez forcément construire qu’en faisant preuve d’innovation et d’écoute des besoins du client.

Pensez-vous que le métier de CIO est désormais mieux considéré au Luxembourg?

«Les sociétés qui veulent être efficientes doivent compter en leur sein des CIO qualifiés, véritables moteurs de nouveaux services innovants et digitaux ayant dépassé le statut de responsable d’une fonction de support. Si elle n’est pas encore établie dans toutes les entreprises, cette revalorisation de la fonction est nécessaire pour gérer les transformations – constantes – des secteurs d’activité dans lesquels les CIO sont occupés, et donc atteindre de nouveaux succès.

Le Luxembourg a-t-il, selon vous, atteint ses objectifs pour devenir une place de compétence internationale dans l’ICT?

«Depuis six ans, voire sept, le pays est clairement devenu une place de choix pour différents grands groupes actifs dans l’ICT grâce à ses connexions excellentes avec le reste de l’Europe et au-delà, son temps de latence très faible auxquels il faut ajouter les atouts génériques du Grand-Duché que sont sa stabilité, sa prévisibilité, le multilinguisme ou encore les chemins facilités entre entreprises et dirigeants politiques.

Je constate avec satisfaction que ces acteurs de renom, qui nous ont rejoints parfois pour des raisons fiscales, ont perçu l’intérêt de rester au Luxembourg durablement en raison de la qualité des services proposés.

Quelle serait la prochaine vague de développement de l’ICT au Luxembourg?

«Le pays ne devra plus uniquement héberger de grands noms, mais aussi être capable de convaincre des acteurs de recourir à l’offre globale luxembourgeoise couvrant l’ensemble des couches de services à valeur ajoutée nécessaires pour leur activité.

Comment sont structurées vos équipes?

«L’organisation de nos équipes informatiques et techniques épouse l’organisation de Tango pour aboutir à la formation de centres d’expertise dédiés respectivement à l’architecture et aux solutions; à la fourniture de services; à l’infrastructure du réseau ainsi qu’à la gestion de l’excellence opérationnelle. Nos équipes informatiques travaillent donc de manière transversale aux côtés des collaborateurs dédiés à ces centres d’expertise. Les profils que nous employons sont des experts qualifiés dans leur domaine et qui sont amenés à développer leur capacité de leadership au gré des projets.

Faites-vous appel à des compétences externes?

«Nous cherchons à construire des partenariats solides et durables avec différents fournisseurs auxquels nous faisons appel, par exemple, lorsque nous connaissons un pic d’activité. À l’image d’une navigation en mer, nous devons nous adapter rapidement et en permanence pour affronter les vagues de changement et surfer sur les flots en toute prudence. Pour parvenir à ce type de navigation, l’établissement d’un rapport de confiance et, surtout, d’un partenariat est primordial. Nous trouvons les compétences dont nous avons besoin auprès de fournisseurs à Luxembourg, mais aussi à l’étranger, entre autres via une synergie avec le groupe Belgacom et notre société sœur Telindus.

Comment qualifieriez-vous votre style de management?

«Je pense que l’on peut le qualifier de ‘shared leadership’. Je crois beaucoup à la notion de partage de responsabilité et à la délégation des responsabilités au sein d’une équipe pour atteindre les objectifs fixés. J’attends donc de mes collaborateurs qu’ils puissent fournir des pistes de solutions ou des alternatives lorsque nous discutons de problèmes ou de projets. Chacun peut donc devenir un entrepreneur à sa manière.

Votre passage vers l’entrepreneuriat vous a-t-il apporté de nouvelles compétences exploitables dans votre fonction actuelle?

«Mon entreprise avait pour objectif de conseiller et d’assister les entrepreneurs, les CTO/CIO dans leurs nouvelles fonctions ou missions via, par exemple, des activités de coaching et de mentoring. Pour ce faire, j’ai suivi des études de business coaching en Allemagne pendant deux ans qui ont abouti à un diplôme européen de business coach. Cela m’a permis de confirmer l’opinion que je m’étais forgée depuis de nombreuses années: le succès dépend des collaborateurs. Disposer des bonnes personnes au bon endroit, les encadrer et leur proposer en permanence de nouveaux challenges sont des facteurs indispensables au succès d’une entreprise. Je tente donc de les réunir au travers de ma mission chez Tango.

Quels bénéfices retirez-vous de la synergie avec le groupe Belgacom?

«Depuis le rachat de Tango en 2008, le groupe Belgacom a bien compris que Tango constituait une belle vitrine pour la mise en place de services innovants, dans un marché multiculturel et offrant des perspectives de retours sur investissements relativement rapides. Depuis une quinzaine d’années, nous voulons être les pionniers en matière de nouvelles technologies servant, en quelque sorte, de laboratoire de l’innovation pour lancer de nouvelles solutions et de nouveaux produits. Après le GPRS et la 3G, Tango a été le premier opérateur luxembourgeois à déployer la 4G au Luxembourg, après avoir reçu sa licence fin juin 2012. Notre réseau 4G couvre désormais 90% de la population luxembourgeoise. Ce pari de la 4G représentait de nombreux défis techniques. En l’espace de quelques mois, nous avons préparé, par exemple, la mise en place de la fonction ‘fallback’ vers la 3G. Cette implémentation nous a permis d’être l’un des premiers opérateurs en Europe à pouvoir proposer la 4G sur iPhone5.

J’ajoute que cette synergie au sein du groupe Belgacom se révèle être gagnante, car elle se place, elle aussi, sur le mode du partenariat et du dialogue permanent. Nous bénéficions d’un soutien total, tout en ayant la liberté de disposer de nos propres moyens pour développer de nouveaux produits. Via notre dynamisme et notre esprit d’innovation, nous démontrons que nous pouvons apporter de nouvelles solutions plus économiques à des acteurs importants tels que RTL. C’est ce que nous avons fait lors de l’édition 2013 de l’ING Marathon en retransmettant l’épreuve en direct à l’antenne de RTL Télé Lëtzebuerg via notre réseau 4G.

Quels sont vos prochains défis?

«Nous devrons à la fois continuer à développer une technologie innovante, mettre rapidement nos nouveaux produits sur le marché et faire preuve d’efficience dans la création de ces derniers. Nous continuerons aussi de nous concentrer sur les véritables besoins de nos clients et du secteur B2B en investissant dans les moyens qui leur permettent d’améliorer leur expérience dans la sphère du digital.

Qu’entendez-vous par efficience?

«Il s’agit d’améliorer de façon constante nos processus pour augmenter nos revenus et réduire les coûts opérationnels. D’autre part, nos applications métiers sont dorénavant intégrées sous la forme d’une architecture élastique et non plus sous forme de silo. L’objectif étant d’être capable de lancer de nouveaux services ou de les adapter rapidement selon les besoins du marché.

Comment évaluez-vous les besoins du client à l’aune des prochains mois et prochaines années?

«Le temps où le métier d’opérateur télécoms pouvait être perçu comme la simple vente d’abonnements mobiles est révolu. Nous proposons désormais des services à valeur ajoutée. Cela nécessite de poursuivre le dialogue avec le client, qui se montre toujours plus mobile et donc à la recherche de solutions correspondant à ce mode de vie. Ce qui vaut pour le marché B2C se vérifie aussi pour la clientèle B2B. Les collaborateurs ont besoin d’avoir accès aux informations de l’entreprise partout, à tout moment et sur n’importe quel support, notamment grâce à des outils tels que les services cloud. La 4G nous permet de franchir un nouveau cap dans cette marche vers un mode totalement mobile en échangeant plus facilement tout type de données.

Quels sont vos grands chantiers pour 2014?

«Nous devrons, naturellement, continuer à apporter des réponses adaptées aux utilisateurs de notre réseau, continuellement en mouvement et hyper connectés, mais aussi toujours plus exigeants en termes de rapidité, de fiabilité et de convergence des services fixes et mobiles. La simplification IT, l’agilité de nos systèmes et l’innovation restent également un fil conducteur. Sur un plan réglementaire, nous poursuivons notre préparation à la mise en conformité aux exigences européennes en termes de roaming.»

Parcours

La qualité dans les gènes

Passionné invétéré de technologies, Claude Mihnjak, 52 ans, reconnaît volontiers qu’il est curieux de nature. Une caractéristique qui lui a certainement permis d’explorer diverses pistes de développement au sein du groupe RTL qu’il a fréquenté de 1985 à 2005. Une période marquée par de nombreuses évolutions, voire révolutions, technologiques pour les médias en Europe, tant dans le domaine B2C que B2B. C’est aussi durant cette vingtaine d’années que RTL a déployé sa marque sur le continent européen, notamment vers les pays de l’Est. Autant d’aventures conçues à la lumière du contexte politique de l’époque. Après une aventure en tant qu’entrepreneur, Claude Mihnjak est revenu dans le monde de l’entreprise par attrait du défi que Tango lui proposait: devenir, en mai 2012, le CTO (chief technology officer) de l’opérateur alternatif luxembourgeois. Création de mobilier, cuisine, danse latine,… il cultive également sa curiosité au fil de différentes passions. L’une d’entre elles devrait lui permettre d’améliorer sa navigation sur les flots d’un marché en mouvement perpétuel. Parmi ses bonnes résolutions pour 2014, Claude Mihnjak a en effet décidé de passer son permis de bateau côtier tout en finalisant son master en business coach.