Paperjam.lu

 (Photo: Castegnaro-lus Laboris )

Dans cette affaire, le salarié est resté au service de l’employeur du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2013[1], sans qu’aucun contrat de travail n’ait été signé par les parties.

Selon le salarié, un contrat de travail à durée déterminée (ci-après «CDD»), prévoyant le terme de la relation de travail au 31 octobre 2013, lui aurait été soumis par l’employeur au mois de décembre 2013. Cependant, la relation de travail serait à qualifier de contrat de travail à durée indéterminée (ci-après «CDI»), dans la mesure où la remise du CDD serait tardive et le contrat ne mentionnerait pas la tâche précise et non durable pour laquelle l’employeur aurait eu recours au CDD[2].

En outre, la fin des relations de travail au 31 octobre 2013 s’analyserait en un licenciement avec effet immédiat abusif. Plus précisément, selon le salarié, le fait que l’employeur lui ait fourni un certificat de travail faisant état de la fin des relations de travail au 31 octobre 2013 et l’ait désaffilié du Centre Commun de la Sécurité Sociale (ci-après «CCSS») à la même date, alors même que le salarié lui avait indiqué qu’il se tenait à sa disposition pour prester son travail, manifesterait sans équivoque la volonté de l’employeur de résilier le contrat au 31 octobre 2013.

Dans ce cadre, le salarié a saisi le Tribunal du travail d’Esch-sur-Alzette le 23 janvier 2014, aux fins notamment de voir qualifier la relation de travail de CDI et d’obtenir des dommages-intérêts en réparation de la résiliation abusive.

Par jugement du 15 janvier 2015, le Tribunal a d’abord rappelé que l’absence de signature du contrat de travail équivaut à une absence de contrat, et que, partant, la relation de travail est présumée avoir été conclue pour une durée indéterminée. Quant aux conséquences d’une telle requalification, le Tribunal a retenu que la fin des relations de travail au 31 octobre 2013 ne constituait pas un licenciement du salarié avec effet immédiat abusif. En effet, selon le Tribunal, le salarié n’a pas réussi à prouver en l’espèce que la rupture était imputable à l’employeur. Pour parvenir à cette conclusion, la juridiction s’est fondée sur une jurisprudence de la 8ème chambre de la Cour d’appel[3], selon laquelle «une requalification postérieure du contrat à durée déterminée en durée indéterminée opérée par les juridictions du travail ne saurait rétroactivement constituer de plein droit en faute un employeur qui pouvait, éventuellement de bonne foi, estimer éteintes les relations de travail par l’arrivée du terme».

Saisie sur recours du salarié, la Cour d’appel (3ème chambre) s’est prononcée quant aux conséquences juridiques à tirer de la requalification en CDI d’un CDD.

Décision de la Cour d’appel:

La Cour a d’abord rappelé que la seule sanction encourue en cas de non-respect par l’employeur des règles limitant le recours au CDD est la requalification du CDD en CDI. La Cour a ensuite analysé si la rupture de la relation de travail au terme du CDD pouvait être imputée à l’employeur. Plus précisément, la Cour a relevé que:

  • l’employeur avait refusé de donner du travail au salarié, qui se tenait pourtant à sa disposition après le 31 octobre 2013;
  • l’employeur avait commis des actes manifestant sans équivoque sa volonté de mettre fin à la relation de travail (désaffiliation du CCSS et remise du certificat de travail);
  • la bonne foi de l’employeur ne pouvait pas être retenue, alors qu’il a attendu près d’un an avant de remettre au salarié le contrat, qui de surcroît ne prévoyait pas sa conclusion pour une tâche précise et non durable.

Ainsi, la Cour a constaté que la rupture de la relation de travail à l’arrivée du terme du CDD était imputable à l’employeur, de sorte qu’il devait être considéré que ce dernier avait abusivement licencié le salarié avec effet immédiat au 31 octobre 2013 et que le salarié avait droit à des dommages-intérêts à cet égard.

Cet arrêt s’inscrit dans le contexte jurisprudentiel instable de la 3ème chambre de la Cour d’appel. En effet, si dans certaines décisions (à l’instar de la présente affaire), la 3ème chambre a recherché si la rupture de la relation de travail à l’arrivée du terme d’un CDD requalifié en CDI était imputable à l’employeur pour considérer qu’une telle rupture constituait un licenciement avec effet immédiat abusif[4], dans d’autres décisions[5], elle a jugé qu’une telle rupture de la relation de travail était à considérer d’office comme un licenciement avec effet immédiat abusif. Dans le plus grand intérêt des employeurs de bonne foi, qui peuvent estimer les relations de travail éteintes par l’arrivée du terme du CDD irrégulier, et pour davantage de sécurité juridique des parties[6], il serait souhaitable que la cessation des relations de travail à l’arrivée du terme d’un CDD requalifié en CDI ne soit plus considérée d’office comme un licenciement avec effet immédiat abusif.

Cour d’appel, 14 décembre 2017, n°42195 du rôle

[1] Les circonstances de la fin de la relation de travail ne sont pas précisées dans la décision.

[2] Au terme des art. L.122-2 (2) et L.122-9 du Code du travail, ces manquements auraient pour conséquence la requalification du CDD en CDI.

[3] Deux chambres de la Cour d’appel sont chargées des affaires de droit du travail: la 3ème et la 8ème chambre.

[4] Voir également Cour d’appel, 5 février 2015, n°38506 du rôle.

[5] À titre d’exemple, Cour d’appel, 15 juillet 2010, n°35583 du rôle.

[6] D’autant plus que la présente position de la 3ème chambre est conforme à la position habituelle de la 8ème chambre.

Retrouvez l’intégralité de Droit du Travail