Pousser la porte d’Eicher Frères, route d’Arlon à Strassen, c’est un peu retomber en enfance. Entre les pots de gouache et les nombreux articles scolaires, cette caverne d’Ali Baba aux mille et une références s’étend jusqu’au secteur des travaux publics avec une gamme de niveaux et de lunettes topographiques haute précision. La variété des produits et une spécialisation dans la livraison sur mesure ont convaincu Michel Rodenbourg, figure bien connue du commerce grand-ducal, de reprendre le flambeau début 2015, lorsque la deuxième génération de l’entreprise familiale fondée en 1936 a choisi de prendre sa retraite.
Transmission ou arrêt de l’activité malgré un capital de réputation et l’expérience de neuf collaborateurs disposant d’une vingtaine d’années d’ancienneté en moyenne? La réponse a été trouvée avec le cabinet de conseil Tenzing Partners. L’option retenue a été celle de la transmission dans la continuité, les cédants participant à la période de transition. En cinq mois, l’affaire était bouclée.
«Le potentiel de développement est important», déclare Michel Rodenbourg. L’ancien président de la Confédération luxembourgeoise du commerce s’implique pleinement dans ce nouveau projet. «Le marché des fournitures de bureau est mature, mais nous pouvons nous distinguer dans notre approche tailor-made. Nous voulons aussi compléter notre gamme dans le domaine des beaux-arts, car il manque une offre.»
À la fois investisseur et entrepreneur, il entend effectuer un transfert de connaissances tout en modernisant les flux internes et la manière de délivrer les services, avec un accent 2.0 prononcé.
«J’ai rarement vu une entreprise avec un tel capital sympathie», se réjouit Michel Rodenbourg. Mais le secteur du matériel de bureau, comptant un nombre restreint d’acteurs spécialisés, présente la particularité de proposer des marques et des produits similaires. D’où la volonté de se distinguer par une valeur ajoutée dans le service et l’approche marketing. «Nous voulons continuer dans le créneau d’une offre vaste en optimisant la logistique et la communication», ajoute le repreneur. Un web shop doit venir sous peu pour «se remettre à la page» et augmenter les ventes hors des frontières.
Deux personnes ont déjà été embauchées dans la foulée d’une nouvelle dynamique qui s’oriente sur plusieurs dimensions. Dans tous les sens du terme. Toujours par l’entremise de Tenzing Partners, un autre projet, pas si éloigné que cela du cœur de métier d’Eicher, a séduit Michel Rodenbourg: l’impression en 3D ou additive manufacturing.
Considérée par d’aucuns comme la troisième révolution industrielle, cette technologie permet de concevoir des objets pour la vie quotidienne, mais aussi des applications industrielles par assemblage de matière. Dans ce cas, le plastique est prisé par l’équipe de Bulb Zone, une start-up fondée en Moselle par un couple belgo-français, Pascal Poeck et Delphine Masson, passionnés de la technologie et surtout de l’univers de création collaborative qui s’est bâti autour de cette dernière.
«Tout a débuté par une activité de tissage de perles que j’effectuais à mi-temps en France. J’ai ensuite été tentée par les imprimantes 3D, je me suis prise au jeu, j’ai troqué mes aiguilles contre des tournevis», se souvient Delphine Masson, qui se définit volontiers comme un couteau suisse. De l’envie d’apprendre sont nées des réalisations «gadgets», comme des lampes Led installées dans le sac à main de la jeune femme. L’envie d’entreprendre a suivi. Mickaël Captant les a rejoints pour le volet IT et la structure Bulb Zone, devenue société, a passé la frontière avec le concours de Michel Rodenbourg. L’objectif est d’augmenter une activité d’e-commerce avec la vente en ligne d’imprimantes de la marque américaine Printrbot et des accessoires. Voire plus.
Mais les protagonistes préfèrent procéder étape par étape, tout en avançant vite.
«C’est un marché en pleine expansion et nous y croyons d’autant plus que nous avons l’avantage de rassembler les compétences nécessaires», ajoute Michel Rodenbourg. Entreprises, grand public, voire institutions, le public visé est plutôt large, avec une considération écologique qui complète le marketing, puisque le «plastique» utilisé provient en réalité d’amidon de maïs.
D’une enseigne bien connue du paysage économique à un renouveau dans l’impression 3D, l’exemple Eicher est révélateur du besoin pour les entrepreneurs de disposer de solutions sur mesure dans le cadre de processus de succession.