Applaudi lors de l’événement ICT Spring dont il assure la vice-présidence, Georges Schmit, le «monsieur ICT» du Luxembourg dans la Silicon Valley, se veut modeste. Mais les flux d’activités entre la côte ouest et le Luxembourg sont en grande partie le fruit de son action.
M. Schmit, au-delà des applaudissements, quel est le secret de la recette qui permet de vendre et d’attirer les entreprises de l’ICT au Luxembourg?
«C’est avant tout un travail de fond qui nécessite à la fois une présence sur le terrain lors d’événements, de visiter des entreprises, de les rencontrer, de les convaincre. Il faut aussi avoir un bon produit à proposer. Le produit luxembourgeois comporte différents atout qui vont de l’environnement général, de notre place en Europe en tant que point de départ pour la conquête du marché européen, sans oublier notre stabilité économique et sociale. La croissance est aussi un bon indicateur pour convaincre des sociétés de venir s’établir au Luxembourg, car elle est le résultat des entreprises et donc montre que l’on peut croître dans ce pays si on a le bon produit, les bonnes stratégies de vente. Outre ce cadre général, d’autres éléments varient selon le domaine. Si je prends l’exemple des fintech, la capacité d’innovation du régulateur, tout en précisant que nous sommes dans une régulation sérieuse, est appréciée par les contacts que nous pouvons prendre.
Le choix de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), à savoir l’obtention d’une licence pour les acteurs des fintech qui veulent opérer au Luxembourg, était-elle la bonne?
«Une des caractéristiques propres aux start-up est d’être ambitieuses et surtout impatientes, elle veulent entrer dans un marché rapidement. D’un autre côté, nous devons aussi leur faire comprendre que celles qui évoluent dans les fintech sont dans un domaine sensible, qu’il est donc dans leur propre intérêt d’être soumis à la licence.
La surveillance est ainsi devenu un argument de vente, car elle permet un accès aux 28 marchés européens plutôt que de traiter pays par pays. Ce choix nous a apporté une visibilité supplémentaire. Ce qui ne veut pas dire que toutes les entreprises que nous approchons choisissent de venir s’établir au Luxembourg mais après une année de travail autour des fintech nous percevons des retour intéressants.
Est-ce à dire que la concentration sur un pilier, celui des fintech, était la bonne approche?
«C’est le domaine le plus porteur pour l’instant. Il y avait la vague des jeunes en ligne avant une consolidation entraînée par les technologies mobiles. À nous de saisir cette nouvelle vague des fintech, de surfer dessus, sachant qu’elle ne concerne pas que les monnaies virtuelles. Des opportunités se présentent aussi autour des fonds d’investissement par exemple quant à des solutions de reporting.
L’approche est donc réaliste par rapport aux moyens dont dispose le pays…
«Nous n’avons pas les moyens massifs d’autres pays. Nous n’allons pas créer des vagues mais plutôt surfer sur des vagues naissantes, nous positionner et faire en sorte qu’elles soient des éléments de succès. Il est en revanche important de les identifier suffisamment tôt pour surfer au bon moment. J’ai ainsi découvert le sujet des fintech fin 2013. Ce cheminement est nécessaire de s’informer, de comprendre le sujet, d’identifier les parties prenantes, d’identifier ce qui peut être combiné avec l’écosystème luxembourgeois.
Le financement reste l’enjeu majeur pour les start-up. Quel est votre regard sur l’offre actuelle du Luxembourg en la matière?
«Nous devons nous améliorer sur ce point, tant du côté public que privé. Nous devons élargir notre gamme d’acteurs. Je pense notamment aux business angels qui sont très bien structurés en écosystème sur la côte ouest. L’approche en Europe et au Luxembourg est émotionnelle alors que les business angels américains sont organisés en tant que véritable métier, un véritable business avec un retour sur investissement attendu tant du côté des business angels que des entreprises. Il s’agit d’une véritable communauté qui s’entraide. Je constate une prise de conscience au Luxembourg quant à cet apprentissage nécessaire. On ne naît pas business angels, mais on le devient.
Londres, Amsterdam ou Dublin se positionnent aussi dans les fintech, comment peut-on se distinguer ou ne pas se faire distancer?
«Ce qui compte pour les entreprises américaines, c’est le bottom line. Les start-up ont besoin d’argent et d’un écosystème qui soit favorable. Il ne faut pas forcément se différencier des autres villes mais renforcer les moyens pour se mettre à niveau.
Quelle est l’évolution de la perception du Luxembourg en Californie?
«Elle reste plutôt positive. Nous parlons à peine de problèmes comme LuxLeaks. La question des talents disponibles au Luxembourg revient en revanche souvent dans les discussions. Certaines entreprises qui arrivent utilisent d’ailleurs cet argument pour justifier un départ. L’idée de réduire les barrières à l’entrée pour les talents étrangers dans le cadre de la stratégie Digital Lëtzebuerg va dans le bon sens.»