Paul Hammelmann: «Le mécanisme ne serait peut-être que temporaire, mais ça peut valoir le coup.» (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Paul Hammelmann: «Le mécanisme ne serait peut-être que temporaire, mais ça peut valoir le coup.» (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Monsieur Hammelmann, vous avez lancé l’idée d’instaurer un système de «viager réversible». De quoi s’agit-il exactement?

«L’idée est venue au cours de différentes discussions que j’ai pu avoir, à titre privé ou professionnel, sur des sujets tournant autour de la réforme des pensions et de la difficulté d’accéder à la propriété immobilière. Aujourd’hui, on constate qu’il est devenu presque impossible, même pour un couple qui travaille, d’acheter une maison sans contracter un emprunt extrêmement lourd à gérer. Même Jean-Claude Juncker répète régulièrement que la situation doit changer.

Alors l’idée est de proposer une piste parmi d’autres, qui ne coûterait rien à mettre en place et qui resterait optionnelle: rendre le viager plus attractif en lui donnant de la réversibilité. Car pour l’instant, un bien mis en vente en viager par un propriétaire n’est aucunement récupérable par ses descendants.
Prenons l’exemple d’un couple qui a deux enfants et qui possède une maison, achetée il y a plusieurs années à un prix encore raisonnable mais qui a pris, depuis, une très forte valeur. Imaginons que ce couple possède également, par ailleurs, un peu d’épargne à laquelle il ne veut cependant pas trop toucher, ne connaissant pas sa durée de suivi.

L’idée serait alors de pouvoir transférer le 'risque de survie' vers un établissement financier de type banque ou assurance. Si jamais ce couple ne vit pas longtemps, par ce système de viager réversible, ses enfants auraient alors la possibilité d’utiliser, s’ils le souhaitent, l’épargne restante pour racheter la maison. Et si jamais ce couple vit longtemps et qu’au final, les enfants n’ont pas les moyens, ou l’envie, de racheter la maison, la banque la remettrait alors en vente sur le marché. Mécaniquement, l’offre de biens immobiliers devrait donc augmenter et les prix baisser.

Comment cela pourrait-il être mis en œuvre?

«Il suffirait tout simplement de rajouter un alinéa à l’article 1973 du code civil concernant le contrat de rente viagère. Actuellement, la rente viagère est stipulée réversible au profit du conjoint survivant. Il suffirait que cette clause soit étendue aux héritiers en ligne directe. Les établissements financiers sont en permanence à la recherche de nouveaux produits. Ce sont les banques qui accordent les prêts, mais dès qu’il y a des critères de longévité et de mortalité, ce sont généralement les assureurs qui sont concernés.

Cette idée n’a peut-être rien d’innovant, mais elle serait une bonne chose pour le Luxembourg. Dans diverses discussions que j’ai eues avec des assureurs notamment, le constat est clair: il y a encore des marchés à explorer. Cela dit, tous les professionnels sont tellement la tête dans le guidon qu’ils n’ont pas toujours le temps pour prendre un peu de recul et pour se pencher sur des opportunités de ce genre. J’ai cette chance et n’étant candidat à rien, je pense qu’en rendant l’idée publique, cela peut permettre à tout-un-chacun de s’en emparer et de prolonger la réflexion.

Qui cela concernerait-il, au final?

«A priori tout le monde, mais en particulier tous ceux d’une certaine génération qui possèdent un bien immobilier qu’ils ont pu acquérir à une époque où les prix étaient encore raisonnables. Quand on voit qu’aujourd’hui il existe des entrepreneurs qui réfléchissent à l’opportunité de vendre les terrains où se trouvent leur entreprise car cette vente foncière leur rapportera toujours davantage que le fruit de leur outil de production, ça devient très inquiétant.
Ce type de rente viagère réversible n’est évidemment intéressant que si les prix de l’immobilier restent à un niveau élevé. Le mécanisme ne serait peut-être que temporaire, mais si, sur une ou deux générations, il contribue à faire redescendre les prix de l’immobilier, ça peut valoir le coup…»