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Daniel Lanners, Economist Club (Photo: David Laurent/Wide) 

Cercle de réflexion, forum d’échanges entre économistes, l’Economist Club sera évidemment un observateur des plus attentif de la prochaine échéance électorale et des orientations qui seront prises par le futur gouvernement. Dans cette optique-là, Daniel Lanners, son président, tient à faire la part des choses, entre le court terme et le moyen/long terme. «Le prochain gouvernement aura d’abord à s’occuper du court terme et donc, en premier lieu, du volet ‘dépenses’. Car au niveau des recettes, n’importe quelle réforme ou idée qui sera proposée mettra des années à porter ses fruits».

En matière d’action immédiate, les premiers leviers sur lesquels l’Etat peut agir se trouvent… en son sein: administrations, entreprises publiques et structures paraétatiques. «Il s’agira de se pencher sur les problèmes d’efficacité et de lenteur des administrations, mais aussi de la productivité des entreprises publiques et paraétatiques. Le gouvernement futur devra bien se concentrer là-dessus et il faudra un résultat tangible dans un délai de temps raisonnable», prévient M. Lanners, qui ne doute pas des capacités de réussite de la part des personnels concernés. «Il faut continuer dans la réforme administrative, en donnant davantage de responsabilités aux personnes qui travaillent pour l’Etat, estime-t-il. Il faut en finir avec ces structures archaïques, mais plutôt laisser entrer des idées de management moderne. Il y a un potentiel énorme dans les administrations qu’il convient de libérer. Il faudra donc investir dans les hommes davantage que dans les pierres».

Ce chantier-là, qui n’est pas des moindres, n’est pas le seul qui semble prioritaire aux yeux de Daniel Lanners. Les enfants et les jeunes, en qui le président de l’Economist Club entrevoit un énorme potentiel très mal exploité. «Les jeunes, c’est la seule ressource naturelle dont le Luxembourg dispose vraiment. Or, notre école fait une sélection alors qu’il faudrait plutôt apporter de l’aide aux jeunes qui ont des problèmes. Il s’agit d’un phénomène culturel, une question de mentalité. Or, changer les mentalités est très difficile. De nos jours, ce sont des jeunes non-Luxembourgeois, résidents qui commencent à avoir de plus en plus d’influence, mais leurs mentalités ne sont pas identiques à celles des Luxembourgeois. Il y autant de mentalités que de nationalités».

D’où la nécessité de s’ouvrir davantage sur la Grande Région et sur la diversité des nations présentes au Luxembourg. «Il n’est pas possible que la grosse moitié de la population décide pour l’autre moitié, surtout qu’il paraît peu probable que cette moitié possède plus de savoir dans le domaine économique et politique que l’autre moitié».

Cohésion menacée?

Evidemment, le sauvetage du secteur financier est également l’objet de toutes les attentions, avec un certain scepticisme devant le consensus national et la stratégie déployée. «On met beaucoup d’argent dans les banques, mais on ne fait pas les réformes des structures nécessaires. A l’image de l’Etat néerlandais, l’Etat aurait pu mieux négocier dans l’optique d’obtenir une vraie grande banque luxembourgeoise. Pour l’heure, on laisse les banques s’alimenter en fonds propres aux frais du contribuable, et lorsque les bénéfices seront là de nouveau, personne ne se souviendra de l’effort du contribuable. L’Etat aurait pu être davantage nationaliste».

Sans illusion quant aux futures conclusions de la Commission spéciale «Crise économique et financière» («Je ne pense pas qu’il y ait des idées nouvelles qui en sortent»), Daniel Lanners espère, en revanche, que le contexte sera favorable à l’émergence d’idées nouvelles dans les propositions des partis politiques, surtout en prévision d’un intérêt grandissant de la part des électeurs pour les questions économiques. Il est conscient, pourtant, que la marge de manœuvre est plus qu’étroite. «L’Etat peut-il faire quelque chose de manière active pour changer le cours de la crise? Je ne pense pas. Le Luxembourg est trop impliqué dans la globalisation de l’économie pour pouvoir faire un chemin à part…» Pessimisme ou réalisme froid? «C’est l’avenir qui va le décider».

C’est aussi l’avenir qui répondra à la question de savoir dans quelle mesure le modèle de cohésion sociale «à la luxembourgeoise» pourra survivre à une crise durable et au prévisible fossé qui pourrait alors se creuser entre des employés privés frappés par la récession économique et les employés de l’Etat certainement moins – voire pas du tout – touchés par le phénomène de pénibilité du travail...