Filip Gilbert (Deloitte) (Photo: Olivier Minaire)

Filip Gilbert (Deloitte) (Photo: Olivier Minaire)

Le développement d’Internet et de l’informatique semblait à même de libérer la créativité des entreprises dans le domaine des nouvelles formes de travail. Dans les faits, les choses ne sont pas simples. Horaires flexibles ou réduits, semaine de travail de quatre jours, télétravail, congés sabbatiques… autant d’idées et d’initiatives souvent abordées, mais plus rarement mises en pratique.

Pour Filip Gilbert, partner chez Deloitte Luxembourg, «les entreprises ont souvent vu ces outils comme des moyens de rétention de leurs employés». Le fait est que différentes études ont démontré l’inefficacité de ces politiques. Obligation est donc faite de chercher des alternatives. «Une nouvelle tendance est de se lancer dans ce que l’on appelle le ‘Mass Career Customization’ (MCC). Le but de ces programmes est de reconnaître que chaque employé a ses propres attentes, dans le domaine de la famille et de sa carrière.» L’intérêt de ces approches est qu’elles peuvent s’appliquer aussi bien aux petites qu’aux grandes entreprises. Le constat est là: d’anciens concepts n’ont pas encore atteint le niveau d’adoption qu’on pouvait estimer à leur apparition. «Très peu de ces initiatives ont été intégrées dans une politique générale de rétention et de développement à long terme des carrières. Le terme ‘work-life balance’ a également induit en erreur, comme s’il y avait un équilibre à choisir entre les deux. Par exemple, la génération Y voit très certainement le travail d’une manière plus intégrée dans sa vie, mais comme élément non dominant. Le terme ‘career-life’ est certainement plus adapté, car il renvoie vers une vision à long terme.»

Ceci posé, y a-t-il quelque chose de nouveau sous le soleil? Les formes de travail couvrent en fait des champs différents, en ligne avec les bouleversements que les structures sociales ont rencontrés ces dernières années. Les familles sont différentes, les parents vieillissent, faire garder ses enfants n’est pas simple… La construction de la MCC se fait autour de quatre axes différents, détaillés par Filip Gilbert: «Il y a la vitesse de progression de carrière — accélérée ou décélérée —, la charge de travail — pleine ou réduite —, le lieu de travail, et enfin le rôle — manager ou contributeur individuel.» Si le troisième critère recoupe les manières classiques de penser les formes de travail, il ne constitue plus qu’un critère parmi d’autres à prendre en compte, dans une approche holistique du problème.

Une difficulté, plus spécifique au Luxembourg, est la structure de la population active, constituée pour plus de 40% de frontaliers. Cette situation crée un obstacle au développement du télétravail… principalement sur le plan fiscal. Un employé résidant en France et travaillant une journée chez lui devrait ainsi être soumis aux charges sociales françaises, plutôt que grand-ducales – autrement plus légères. Celui travaillant plus d’un quart de son temps de travail en télétravail devrait, pour sa part, être affilié à la sécurité sociale de son pays de résidence. Pour Filip Gilbert, «c’est un obstacle réellement handicapant, car il apporte des coûts additionnels et une charge administrative sup­plé­mentaire. Il transforme ce qui était un assouplissement des conditions de travail en problème comptable et fiscal. Et encore, nous n’avons pas parlé des questions de sécurité et de confidentialité des données… Qui sont pour le moins importantes dans le secteur financier, ou dans le domaine de la recherche!»