Thierry Nothum (CLC), au centre: «Je connais le commerçant, peut-être mieux que lui-même ne se connaît.» (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Thierry Nothum (CLC), au centre: «Je connais le commerçant, peut-être mieux que lui-même ne se connaît.» (Photo: Luc Deflorenne/archives)

En 2001, le plan PME du gouvernement prévoyait d’assurer «la compétitivité du commerce». En 2008, la version actualisée du même plan envisageait de «soutenir les activités de promotion du secteur luxembourgeois dans la Grande Région pour attirer un nombre accru de consommateurs frontaliers».

Ce jeudi, au cours de l’afterwork talk organisé par le paperJam Business Club, les intervenants s’entendaient sur le chemin à parcourir et les nombreux défis à relever. Pas question de fatalisme pour autant.

Thierry Nothum, directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce et, à n’en pas douter, lecteur de Montesquieu, souhaitait tout d’abord tordre le cou aux idées reçues.

A l’instar du philosophe bordelais qui avait écrit, en son temps que «le commerce [guérissait] des préjugés destructeurs», M. Nothum, enquêtes à l’appui, luttait à sa manière contre les préjugés en affirmant que les prix à la consommation n’étaient pas plus élevés au Luxembourg que dans les villes frontalières: «C’est uniquement plus cher dans la tête du consommateur. Le prix est un élément dont tout le monde croit être expert, mais des études prouvent que seule une minorité de prix est mémorisée.»

La composante prix comme élément dissuasif tombait alors. Mais les intervenants continuaient de se presser pour énumérer les nombreuses résistances au développement du commerce. «On pourrait même y passer la soirée», entendait-on. En premier lieu, la question des transports publics drainait l’insatisfaction. On apprenait alors que les commerçants fermaient boutique à 18 heures pour laisser leurs employés profiter des derniers retours des transports en commun; ceci représentant un manque à gagner énorme. Robert Goeres, directeur de la bijouterie rue Philippe II, fulminait déjà, «on pourrait davantage penser aux commerçants dans l’organisation des transports», et réfléchissait à «la possibilité d’un pont entre 18 heures, fermeture des magasins et le dîner en ville».

«Laissez-nous travailler»

Thierry Nothum, lui, voyait là la manifestation d’un désordre structurel général au Luxembourg dans lequel le politique voulait aider les commerçants, in fine de manière contreproductive, en leur imposant des règles. Il priait: «Laissez-nous travailler. Les initiatives freinent les choses. Il faut insérer le commerce plus en amont dans la décision politique, mais arrêtons d’émettre des règles tous azimuts.»

La litanie des commerçants ne s’arrêtait pas là et on citait alors des mesures que Jeannot Krecké, ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, revendiquait lui-même d’antan; notamment la fusion de son ministère avec celui des Classes moyennes, également en charge des affaires commerciales. Fernand Ernster, directeur général de la librairie familiale créée en 1889, encourageait la manœuvre et prônait, du même coup, une coordination des politiques commerciales «avec le ministère du Tourisme pour vendre les atouts du commerce luxembourgeois».

Le directeur de la CLC rejoignait son voisin de table en invoquant «des efforts en termes de marketing et de communication, puis précisait, mais nous n’avons pas à avoir peur». Car tous s’accordaient sur le réel potentiel du Luxembourg. Outre les «100 millions de Chinois» devant affluer en Europe annuellement à partir de 2015, selon les chiffres de M. Goeres, l’intéressé soulignait l’intérêt d’approcher activement les consommateurs de la périphérie luxembourgeoise. Là encore, le gouvernement était égratigné: «Comment communique-t-on avec le frontalier si le législateur demande aux radios d’émettre en luxembourgeois?»

Car la bataille pour le statut de capitale commerciale de la Grande Région occupe les esprits. Thierry Smets, directeur de la marque éponyme, lâchait, tel un couperet: «Nous avions une longueur d’avance [sur Metz]. Nous l’avons perdu.» Et la croissance de l’activité commerciale passera certainement par une personnalisation de l’offre selon la volonté de «faire plaisir», pour reprendre les termes de M. Ernster.

Les panélistes n’ignoraient pas non plus la définition d’un nouveau paradigme commercial avec la démocratisation de l’outil Internet. Plus qu’une menace par les concurrents qu’il génère – et Fernand Ernster s’est senti concerné tant Amazon a modifié la donne de l’industrie du livre, Internet leur est apparu comme un réel médium pour atteindre leurs cibles ou fournir de nouveaux services, comme l’e-drive. Des pistes qui restent à explorer alors que d’importants projets commerciaux se développent, à Esch-Belval, ou s’apprêtent à sortir de terre dans les prochaines années, à Gasperich, dans le centre (projet Hamilius) et à Livange.