La Chambre de commerce et son voisin l’Institut des réviseurs d’entreprises mettent en garde contre des formulations imprécises et des sanctions trop sévères. (Photo: Chambre de Commerce)

La Chambre de commerce et son voisin l’Institut des réviseurs d’entreprises mettent en garde contre des formulations imprécises et des sanctions trop sévères. (Photo: Chambre de Commerce)

Le dossier parlementaire du projet de loi 7217, déposé le 6 décembre dernier par le ministre de la Justice, Félix Braz, se remplit petit à petit, après la publication ces dernières semaines des avis des juridictions administratives et judiciaires et de l’Ordre des experts-comptables.

La Chambre de commerce soulève un «risque d’instaurer tant une insécurité juridique quant à la personne physique ou morale qui serait in fine responsable d’inscrire les informations sur les bénéficiaires effectifs dans le registre, qu’une impossibilité d’identification des bénéficiaires effectifs eu égard à certaines entités dont les titres sont tenus sur un compte-titres».

Au fil de son avis de 14 pages, elle réclame encore que soit «clarifiée» la notion de bénéficiaire effectif dans le cadre des fonds d’investissement concernés, et «propose une exception de définition d’entité immatriculée sur le modèle de celle existant pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou à tout le moins, d’engager un allégement des obligations pour les sociétés dont les titres sont détenus sur un compte-titres par un organisme de liquidation, un teneur de compte central ou un teneur de compte».

Des bénéficiaires effectifs à sensibiliser

L’organisation patronale met encore en doute la «proportionnalité» de la sanction pécuniaire de 1,25 million d’euros que prévoit le projet de loi si une entité ou une personne physique venait à manquer à ses obligations de mise à jour des données la concernant dans le registre. Une sanction qu’elle juge «élevée et excessive». Et de souligner enfin que le délai de mise en conformité avec le texte fixé à six mois lui apparaît «difficile en pratique pour les professionnels», d’autant que les modalités concrètes n’ont pas encore été fixées.

Par précaution, la Chambre de commerce suggère enfin, au titre de la protection des données, que les autorités nationales «ne puissent collecter les données contenues dans le registre qu’à des finalités déterminées et ne les utiliser qu’aux fins pour lesquelles elles les ont obtenues».

De son côté, l’Institut des réviseurs d’entreprises s’étonne que les obligations imposées aux professionnels comme aux entités immatriculées ne s’appliquent pas aux bénéficiaires effectifs eux-mêmes – ce qui «permettrait à ces entités ainsi qu’aux professionnels de sensibiliser plus avant les bénéficiaires effectifs sur la nécessité de les tenir informés de tout changement les concernant ainsi que de tout fait ou événement devant être porté à leur attention».

Des sanctions indûment sévères

Comme les experts-comptables, les réviseurs d’entreprises déplorent le vocabulaire employé par le projet de loi concernant les organes autorisés à accéder au registre. «Autorités compétentes», «organismes d’autorégulation»: le texte luxembourgeois ne marque pas assez la distinction selon les professionnels sur le terrain.

Les réviseurs suggèrent encore de laisser un délai raisonnable aux bénéficiaires pour informer le gestionnaire d’un changement à porter au registre, et d’imposer une correspondance avec accusé de réception afin de protéger l’un et l’autre en cas de bévue.

L’IRE soulève encore son incompréhension quant à l’obligation faite à ses membres de lui faire parvenir les informations concernant leurs bénéficiaires alors que l’accès au registre est seul nécessaire.

Les réviseurs rejoignent enfin la Chambre de commerce sur la sévérité des sanctions pesant sur les professionnels et organismes d’autorégulation, appelant à appliquer le tarif de 125.000 euros qui sanctionne un manquement à la législation sur la protection des personnes à l’égard du traitement des données.

Un registre déjà décrié

Le projet de loi, qui transpose la directive de 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AML4), prévoit de centraliser et de conserver les données concernant les bénéficiaires économiques de toutes les personnes morales déjà enregistrées auprès du RCSL (incluant les GIE, les sociétés civiles, les asbl ou les établissements publics).

Trois groupes d’acteurs pourront accéder au registre: les autorités nationales compétentes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, qui détiendront l’accès le plus large; les professionnels nationaux, à savoir les organismes d’autorégulation ayant une mission de surveillance (Conseil de l’ordre des avocats, Chambre des notaires, Institut des réviseurs d’entreprises, Ordre des experts-comptables, Chambre des huissiers); et enfin, des «personnes ou organisations résidentes démontrant un intérêt légitime» à connaître le détail d’un bénéficiaire économique.

Les juridictions administratives avaient repéré une potentielle atteinte à la vie privée des bénéficiaires en cas d’accès par de simples citoyens, tandis que la Cour supérieure de justice comme les experts-comptables réclamaient des précisions, la première concernant la nature des sanctions et les seconds concernant l’étendue de leur obligation de surveillance.