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Le ministre du Travail et de l'Emploi doit revoir sa copie. Après les avis négatifs et les nombreuses réserves émises par les chambres professionnelles, c'est au tour du Conseil d'Etat de réclamer une refonte en profondeur du projet de loi visant à réformer l'Inspection du Travail et des Mines: le texte serait contraire aux droits de l'Homme.

Nul ne saurait contester l'intérêt d'une réforme majeure de l'Inspection du Travail et des Mines (ITM), dont le fonctionnement est actuellement régi par la loi du 4 avril 1974. Mais ce vaste chantier, entamé par la précédente coalition CSV/DP après avoir figuré à quatre reprises dans les programmes gouvernementaux, semble loin d'être achevé. Les avis négatifs et les réserves affluent de la part des différentes organisations consultées. Ainsi, la Chambre du travail de même que la Chambre des métiers et la Chambre de commerce, consultées conjointement, ont remis des avis négatifs, tandis que la Chambre des employés privés et celle des fonctionnaires et employés publics ont approuvé le texte du projet de loi n° 5239, mais sous réserve de modifications substantielles de nombreux articles.

Dernier avis en date, remis le 12 mai dernier, celui du Conseil d'Etat. Lequel reconnaît "l'utilité et la nécessité d'une réforme du système d'inspection du travail', mais assure ne pouvoir "approuver le projet de loi dans sa forme actuelle" et "recommande vivement aux auteurs de (le) reformuler". Les critiques du Conseil d'Etat reposent principalement sur des préoccupations liées au respect de la vie privée. Selon la haute instance, le projet de loi ne serait pas en accord avec la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme ni avec la Constitution du Luxembourg.

Dans la ligne de mire: l'article 12 qui organise les "pouvoirs de contrôle généraux", et notamment les deux points a) et b) qui donnent à l'ITM le pouvoir d'investigation, de contrôle et de recherche sur le site de l'entreprise et dans les locaux qui servent à l'habitation. Le Conseil d'Etat se déclare "profondément inquiété par ces deux points" qui menaceraient d'une part le droit fondamental de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et d'autre part le principe constitutionnel de l'inviolabilité du domicile.

Le Conseil d'Etat en appelle donc à une extrême vigilance des auteurs du projet de loi contre "les atteintes arbitraires des pouvoirs publics aux droits garantis" et réclame que soient inscrites dans le texte "les conditions et les limites d'une telle visite sur les lieux (du travail, ndlr). Celles-ci porteront surtout sur la motivation d'une telle action et le respect du principe de proportionnalité des démarches pratiquées par rapport aux motifs invoqués". Quant aux visites et perquisitions par les inspecteurs de l'ITM dans les "locaux destinés à l'habitation', le Conseil d'Etat "s'y oppose formellement", estimant qu'elles "relèvent du droit commun et ne sont possibles que sur base d'un mandat judiciaire".

La haute instance rappelle que la loi de 1974 (actuellement en vigueur) ne confère aucune prérogative de ce type aux inspecteurs de l'ITM et souligne, cinglante, qu'elle "ne saurait accepter un retour en arrière par rapport à cette position protectrice des droits fondamentaux lors d'une réforme présentée comme progressiste".

Sur un plan certes moins fondamental, le Conseil d'Etat émet une suggestion intéressante quant à la dénomination de l'administration ITM, soulignant que la référence aux mines "ne peut plus avoir qu'une valeur nostalgique", maintenant que celles-ci ont disparu du pays. Un brin iconoclaste, il propose donc de changer le nom de l'ITM en "Inspection du travail'.