Pierre Krier (IRE) : « Nous regrettons que ces propositions n’aient pas pris en compte les remarques émises. » (Photo: Olivier Minaire/archives)

Pierre Krier (IRE) : « Nous regrettons que ces propositions n’aient pas pris en compte les remarques émises. » (Photo: Olivier Minaire/archives)

Publiées par la Commission européenne le 30 novembre dernier, les propositions de réforme de la profession de l’audit ne font pas l’unanimité au cœur du métier, loin de là. Ce jeudi, c’est l’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) à Luxembourg qui a fait part de ses doléances relatives aux enjeux de cette réforme. « Nous reconnaissons la nécessité de débattre à propos du rôle de l’auditeur externe, qui doit évoluer pour mieux répondre à l’intérêt public, des entreprises et des investisseurs. Mais nous regrettons que ces propositions n’aient pas pris en compte les remarques émises lors d’une consultation préalable des acteurs, entreprises régulateurs ou encore auditeurs », a introduit Pierre Krier, président de l’IRE.

Du pour et du contre

L’institut, dans ce contexte, déplore une vision de la Commission européenne qui ne va pas contribuer au renforcement du rôle sociétal des auditeurs externes, de la qualité des audits et de la protection des investisseurs. « Même si certaines propositions sont accueillies favorablement, comme le renforcement du rôle des comités d’audit, l’harmonisation des normes d’audit basée sur les normes internationales, ou encore une amélioration du dialogue entre les auditeurs d’institution financière et les autorités de supervision du secteur financier », commente le président de l’IRE, qui voit également d’un bon œil l’élargissement de la coopération entre les autorités de supervision publique de la profession de l’audit

Mais à ses yeux, tout n’est pas bon à prendre. Ainsi, d’autres mesures envisagées pourraient bien peser sur la qualité des audits à moyen et long terme, être préjudiciables aux entreprises et avoir un impact non négligeable sur des acteurs de la place luxembourgeoise comme les fonds d’investissements.
Les craintes relatives à la proposition de réforme portée par le Commissaire Michel Barnier se situent surtout au niveau de l’exigence d’une rotation obligatoire des cabinets de révision dans les entreprises, ainsi que sur l’exigence d’une séparation des activités audit et non audit. Par ces mesures, le Commissaire Barnier, probablement exaspéré par la position plus que dominante des Big Four, désire offrir la possibilité à des cabinets de plus petites tailles de prendre des parts de marché. L’IRE, lui, a des doutes quant au chemin emprunté par la Commission pour arriver à ses fins.

À l’encontre des besoins

« Des études ont démontré que les risques de non détection d’une anomalie significative ou d’une fraude sont plus importants lors des premières années d’un mandat, explique Pierre Krier. Il faut deux ans, en moyenne, à un auditeur pour bien connaître les rouages d’une entreprise. Aussi, nous jugeons la période de rotation prévue de six ans trop courte pour réduire les risques à un niveau acceptable. »

Quant à la volonté de séparer les activités audit et non audit, en interdisant à une société exerçant le contrôle légal des comptes de prester d’autres services, elle ne répondrait de façon appropriée à la question de l’indépendance de l’auditeur. « Cette proposition va à l’encontre des besoins des entreprises à bénéficier d’un audit de qualité, qui nécessite le recours à des experts pointus dans le domaine de la fiscalité, de l’évaluation ou des systèmes informatiques, défend Pierre Krier. Et les sociétés d’audit n’arriveront à les attirer que si elles sont à même de leur proposer autre chose que des activités d’audit pur. »

Ces deux propositions, l’IRE les juge tout simplement « pas acceptables ». De plus, elles ne permettraient pas d’aller à l’encontre du mouvement de concentration des acteurs du marché de l’audit.

Coûts supplémentaires

D’autre part, l’institut met en garde. À travers ses propositions, la Commission désire élargir la notion d’entité d’intérêt public – qui doit se soumettre à des audits légaux – aux institutions de paiement, de monnaie électronique, mais aussi aux fonds d’investissements et aux fonds alternatifs. « Pour ces entités, cela représente des coûts supplémentaires. Et les impacts, sur des structures comme les fonds, importantes au Luxembourg et sensibles aux variations de coûts, n’ont pas été évalués », précise le président de l’IRE, invitant de la sorte à la vigilance.

Alors que les procédures d’adoption de ces textes vont bientôt commencer, l’IRE, comme de nombreux autres acteurs européens liés au métier d’auditeur, entendent bien faire entendre leurs positions, en espérant qu’elles puissent être considérées.