Selon Mike Schmit, «les autorités monétaires disposent des outils nécessaires aux ajustements et continuent d’influencer le prix des actifs financiers». (Photo: Edmond de Rothschild)

Selon Mike Schmit, «les autorités monétaires disposent des outils nécessaires aux ajustements et continuent d’influencer le prix des actifs financiers». (Photo: Edmond de Rothschild)

Les craintes de déflation et de récession du début de l’année 2016 ont laissé la place, en ce début 2017, à un scénario positif de regain d’inflation, ou pour employer une expression commune sur les marchés financiers de «reflation». La véritable question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si ce mouvement est cyclique ou bien structurel, c’est-à-dire si la croissance mondiale va continuer à s’accélérer ou pas.

La Chine joue les premiers rôles

Pour y répondre, il convient d’abord de relativiser l’effet de Donald Trump sur les anticipations de hausse des prix, même s’il est vrai que le nouveau président américain les a crédibilisées. C’est en fait Xi Jinping, le président chinois, qui est à l’origine de cette relance grâce à un changement de politique économique et à une augmentation de l’investissement des entreprises d’État.

En effet, pour atteindre l’objectif de croissance compris entre 6,5% et 7%, le gouvernement a décidé, début 2016, d’assouplir ses politiques monétaire et budgétaire. D’une part, le déficit public chinois a été revu à la hausse de 2,3% à 3%. D’autre part, les crédits ont fortement progressé pour atteindre un montant record inédit depuis 2009. Or, la Chine reste le plus gros consommateur de matières premières, en dépit des surcapacités auxquelles ce pays fait face.

Hausse des matières premières

La consommation chinoise d’acier brut, de zinc et de cuivre représente près de 45% de la consommation mondiale, celle d’aluminium 50% et celle de minerai de fer plus de 60%. En conséquence, la relance de l’investissement des entreprises d’État a engendré une hausse des prix des matières premières et l’activité industrielle mondiale s’est raffermie. Les perspectives d’activité dans le secteur manufacturier n’ont jamais été aussi fortes depuis cinq ans en zone euro. Aux États-Unis, elles ont rebondi fortement et atteint le plus haut niveau depuis 2014. En Chine, c’est le niveau le plus élevé depuis 4 ans. Par ailleurs, les prix de vente se sont redressés, tant dans les pays développés qu’émergents. Le mouvement a été particulièrement marqué lors du dernier mois de l’année 2016.

Scénario d’accélération

Il faut ajouter que l’espoir, dès août 2016, d’un possible accord de l’Opep - accord confirmé le 30 novembre - a favorisé une remontée des prix du pétrole à 55 dollars le baril. Dans un environnement monétaire toujours très accommodant et suite à l’engagement des ministres des Finances du G20 de soutenir l’activité grâce aux dépenses publiques et à une baisse des impôts, les investisseurs ont privilégié ce scénario d’accélération de la croissance et d’inflation vers un niveau d’équilibre supérieur à celui qui prévalait ces dernières années.

Ce changement du sentiment des investisseurs et leur anticipation d’une reflation mondiale ont eu un impact significatif sur les prix des actifs financiers. Et fin 2016, les actions affichaient une progression de près de 20% par rapport à leurs points bas de l’année, en février.

Alors quid de l’avenir?

De récentes prises de parole officielles ont laissé entendre que l’objectif de croissance en Chine pourrait être revu à la baisse pour éviter une aggravation des déséquilibres financiers. Les prêts bancaires représentent 110% du PIB, soit un niveau supérieur à celui atteint en 1997 lors de l’éclatement de la crise asiatique. Si une telle orientation était confirmée lors de la réunion annuelle du Congrès national du peuple en mars, cela pèserait sur les perspectives de croissance mondiale et limiterait la poursuite de la hausse des prix des matières premières.

De plus, les États-Unis ne sont pas en mesure de prendre le relais puisque leur poids dans l’économie mondiale a reculé. Depuis 2008, ce pays ne contribue plus qu’à hauteur de 12% à la croissance mondiale, contre 32% pour la Chine. Le consommateur américain ne fait plus à lui seul la dynamique mondiale!

Forces déflationnistes

Par ailleurs, de puissantes forces déflationnistes restent à l’œuvre au niveau mondial. Elles reflètent en partie les évolutions technologiques et la démographie, mais surtout l’augmentation de l’offre alors que la courbe de la demande n’a pas progressé au même rythme.

Nombreux sont ceux qui, ces dernières années, avaient cru à tort que les taux d’intérêt avaient atteint leur niveau plancher. Au Japon, les événements des années 90 et suivantes ont montré l’imprudence de prévoir la fin d’un cycle structurellement et fondamentalement durable.

Les autorités monétaires gardent la main

Même si nous tablons désormais sur une accélération de l’inflation dans de nombreuses régions, nous ne redoutons donc aucune spirale inflationniste. Après avoir déployé des politiques conventionnelles et non conventionnelles depuis de nombreuses années, les autorités monétaires disposent des outils nécessaires aux ajustements et continuent d’influencer le prix des actifs financiers. Par ailleurs, les taux d’intérêt de référence ont vraisemblablement atteint leur niveau plancher. Ils augmentent désormais progressivement aux États-Unis, même s’ils stagnent encore dans d’autres régions-clés telles que l’Europe, le Royaume-Uni et le Japon. Tous ces éléments forment un environnement qui, sur le long terme, devrait être plus favorable aux actions qu’aux placements à revenu fixe.