Jean-Paul Dondelinger (Aubange): «Oui la coquille est vide et il faut lui redonner vie, dans le concret.» (Photo: Cent par Trois)

Jean-Paul Dondelinger (Aubange): «Oui la coquille est vide et il faut lui redonner vie, dans le concret.» (Photo: Cent par Trois)

Jean-Paul Dondelinger est le bourgmestre centriste de la commune belge d’Aubange, sur le triangle franco-belgo-luxembourgeois. Il défend l’agglomération transfrontalière de 130.000 habitants, née du Pôle Européen de Développement (PED), qu’il a longtemps présidée et à laquelle il consacre un livre, en forme de bilan, voire d’essai.

M. Dondelinger, vous venez de sortir un ouvrage, disponible dans les librairies des trois frontières. Dans «Pôle Européen de Développement: une agglomération transfrontalière, utopie ou espoir?», vous êtes plutôt du côté de l’espoir. Pourquoi cette vision?

«Dans l’avant-propos, j’explique que j’avais besoin de faire le point, pour apporter peut-être ma modeste pierre à l’édifice. Le PED a enfanté différentes choses, dont cette agglomération transfrontalière. Certains la considèrent comme un mythe ou une utopie, voire un cuisant échec. D’autres, dont je fais partie, la rêvent encore comme un espoir de modèle d’intégration européenne.

Le PED et l’agglomération qui rassemble les communes belges, françaises et luxembourgeoises autour du point de convergence des frontières, cela représente 130.000 personnes d’origines très diverses. Le bilan économique est positif. A la place des friches, de nombreuses entreprises se sont installées. L’agglo transfrontalière a suscité des avancées, en matière de services communs, de liaisons routières ou ferroviaires…

Mais cette «agglo» éprouve bien des difficultés à fonctionner, et même à exister avec des moyens cohérents. Pourquoi?

«Le PED était un laboratoire, né avec l’aide de l’Europe en 1985, pour restructurer les bassins sidérurgiques de Longwy, Athus et Rodange. Mais dix ans plus tard, l’Europe, confrontée à l’élargissement et aux besoins de développement de pays du sud, a coupé les vivres. En tout cas, l’aide ne pouvait plus passer que par des fiches de projet financés par les programmes Interreg, ponctuelles. On a cru que le PED, devenu agglomération transfrontalière, allait poursuivre le chantier avec ses forces locales. Mais la belle idée de base, une véritable zone franche, a déchanté. Les différences de structures, de législations fiscales et sociales, ont servi à la fois de tremplin pour de nouvelles entreprises et de frein à l’unité.

Il n’y a pourtant pas de problèmes entre les hommes. J’ai présidé pendant quatre ans l’agglo, avant de passer la main au maire de Longwy, Edouard Jacque. Nous avons quatre ou cinq réunions par an, rassemblant des élus locaux et des techniciens issus d’institutions intercommunales notamment, des trois pays. L’agglo est un lieu de débats unique, où un communiste français peut parler à un libéral luxembourgeois et un centriste belge, en toute amitié!

Vous déplorez donc que la coquille se soit vidée. Et vous suggérez des pistes pour relancer la machine?

«Oui la coquille est vide et il faut lui redonner vie, dans le concret. Pour cela, il faudrait une reconnaissance renouvelée de l’Europe. Il y a des réalisations de proximité et il y a des projets. Il y a l’avenue de l’Europe à désengorger, des zones d’activité économiques à remplir. Il y a des enjeux évidents, comme créer un arrimage au projet Belval et à ses prolongations vers Differdange, Pétange.

Il faut une vision transnationale et il faut des moyens. La première fracture provient de tensions entre les niveaux de pouvoirs locaux, régionaux, nationaux. Il faut aussi reconnaître que la position des administrateurs de l’agglo est schizophrénique. Faut-il privilégier la défense des intérêts de sa collectivité ou faire avancer des dossiers dans une belle cohérence transnationale, mais dont les retombées pour les électeurs sont peu visibles? Qui parle de l’agglo dans son programme électoral?

Alors je pense qu’il faut une personnalité politique forte à sa tête, qui ramènerait les yeux de l’Europe sur notre destin. Je suggère un accrochage plus formel avec le Luxembourg, qui est un Etat souverain, plus représentatif.»