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Comment les gestionnaires de fonds alternatifs s’adaptent-ils aux évolutions réglementaires et fiscales internationales actuelles? Avec l’entrée en vigueur progressive des mesures de l’Atad et de Beps, de nouveaux risques doivent être pris en compte. «Parmi les nouveaux outils introduits par ces deux initiatives, l’instrument multilatéral et son ‘principal purpose test’ (PPT) pourraient avoir une réelle influence sur l’industrie», répond Olivier Bertrand, partner, Transaction tax au sein du cabinet EY Luxembourg. «Cet outil s’inscrit dans la perspective de mise en œuvre de la convention fiscale multilatérale de l’OCDE, qui revisite notamment plus de 1.500 traités entre plus de 70 pays. La clause ‘principal purpose test’ vise les situations où l’une des principales motivations pour s’établir dans un pays serait l’obtention d’un avantage fiscal. Dans de telles situations, le bénéfice d’un traité fiscal pourrait être refusé au contribuable.»

Placer les véhicules d’investissement dans le pays du fonds

Prenons le cas d’un fonds offshore qui décide d’investir dans un actif déterminé, en Allemagne par exemple, par le biais d’une société qu’il établit dans un autre pays. Avec PPT, l’administration fiscale allemande peut interroger la raison principale qui a poussé le fonds à positionner le holding dédié à l’investissement dans cette autre juridiction. «Les raisons valables d’investir à travers un holding positionné dans un pays tiers sont nombreuses», poursuit Olivier Bertrand. «Cependant, pour peu qu’une administration juge que la motivation principale est de nature fiscale, elle serait en droit de lui refuser les bénéfices découlant d’un traité fiscal.»

Le PPT, avec la forme de subjectivité qui lui est associée, génère de l’incertitude. Invoquer le PPT pour refuser le bénéfice d’un traité pourrait avoir des conséquences négatives, notamment sur l’imposition des dividendes et des plus-values. Dans ce contexte, les asset managers cherchent les moyens plus sûrs de pouvoir défendre leur structuration. «Dans l’esprit de l’OCDE, déployer ses véhicules d’investissement dans le pays où est domicilié le fonds pourrait constituer une des raisons principales ‘non fiscales’ très défendables vis-à-vis des autorités fiscales», poursuit Olivier Bertrand.

Le Luxembourg, premier centre de fonds transfrontaliers au monde, constitue une position privilégiée pour établir un fonds et profiter du passeport européen de distribution de fonds.

Olivier BertrandOlivier Bertrand, Partner (EY Luxembourg)

Alignement de planètes

L’évolution réglementaire entraîne des mouvements sur le marché, qui, alors qu’on aurait pu penser le contraire, peuvent profiter au Luxembourg. D’importants asset managers ont déjà établi et renforcé leur présence au Luxembourg, en y déployant des ressources capables de gérer leur portefeuille et les risques associés.

Olivier Bertrand évoque un opportun alignement de planètes. «Le Luxembourg, premier centre de fonds transfrontaliers au monde, constitue une position privilégiée pour établir un fonds et profiter du passeport européen de distribution de fonds», explique-t-il. Les asset managers internationaux, dans un contexte mouvant, rendu plus incertain encore par la possibilité d’un ‘hard Brexit’, veulent s’assurer d’accéder durablement aux investisseurs européens. Les nouveaux ressorts fiscaux et réglementaires évoqués, en outre, inviteraient les asset managers à établir leurs véhicules d’investissement dans la même juridiction que leurs fonds, afin d’offrir plus de prévisibilité quant au traitement fiscal de leurs opérations.

L’attractivité luxembourgeoise renforcée

Si, d’un point de vue fiscal, le Luxembourg n’offre guère plus d’attractivité que d’autres pays européens en ce qui concerne l’établissement d’entités à travers lesquelles investir, il offre cependant une large variété de structures - structures de fonds comme les Sif, Raif et sicar, et des formes juridiques comme les SCSp, SCA, ou les plus traditionnelles SA et sàrl, répondant aux diverses stratégies d’investissement envisagées. «En consolidant sa plateforme, autrement dit la structure réglementée de gestion du fonds et les véhicules d’investissement associés, au Luxembourg, chacun peut mieux répondre aux enjeux relatifs au PPT», poursuit Olivier Bertrand. «Les asset managers peuvent continuer à accéder au marché européen via le passeport de distribution de l’AIFMD, en profitant en outre de l’expertise luxembourgeoise en matière de distribution des fonds et de nombreuses possibilités de structurer leurs investissements à travers les véhicules disponibles. Depuis son introduction en août 2016, par exemple, plus de 200 structures Raif (Reserved Alternative Investment Fund), qui combinent les avantages du Sif et de la sicar, tout en étant conformes à AIFMD, ont été créées au Luxembourg.» L’attractivité du Luxembourg pour les gestionnaires de fonds, basée sur une réelle expertise et une réglementation alignée sur les standards internationaux, ne fait que se confirmer.