Paperjam.lu

 

Le Luxembourg a fait parler de lui cette semaine, à son corps défendant? Mardi dernier, en effet, la mission d'information de l'Assemblée nationale française sur le blanchiment de l'argent sale en Europe a présenté à la presse son rapport, par la voi

Unanimement, tout d'abord, les dépêches d'agences de presse françaises ont mis l'accent sur les reproches faits, au Luxembourg, de ne pas entreprendre les actions nécessaires pour lutter contre le blanchiment des capitaux, en raison d'une législation ''laxiste'' et d'une coopération judiciaire ''trop restrictive''.

Dans l'ensemble, les publications se contentent plus du compte-rendu de la présentation que d'une analyse un peu approfondie. Le quotidien "Le Monde" du jour même, qui a relégué l'information en tête de page 5, met surtout en avant le témoignage de M. "H.", ancien responsable informatique chez Clearstream, cité dans le rapport. Il en rajoute une couche dans l'épineux dossier de la chambre de compensation luxembourgeoise, sujet central du livre "Révélation$", paru il y a un an, et qui est à l'origine de la vague actuelle de suspicion qui entoure le Grand-Duché.

La réaction officielle de Luc Frieden, dès le jour même, faite depuis Paris, est également l'objet d'un article - deux fois plus court - du "Monde". Le ministre de la Justice y rappelle, notamment, que les maisons mères d'une grande partie des banques installées au Grand-Duché sont établies dans les pays voisins. "Elles jugeraient sans doute inacceptable que leurs filiales agissent d'une manière non conforme au droit européen', précise-t-il.

De l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire du nôtre, "Le Quotidien' et "La Voix du Luxembourg" ont chacun consacré deux pages au sujet, le lendemain. Les écrits y sont forcément plus critiques, mais ne manquent pas également d'un certain réalisme.

Dans "Le Quotidien', ainsi, le constat est tiré que "souvent, (?) les reproches faits au Grand-Duché reposent sur des problèmes réels", et que "la place financière traîne son passé comme un boulet". Et d'estimer que, au-delà des problèmes de blanchiment soulevés par les députés français, c'est la fraude fiscale qui est visée par ce rapport: la conséquence de la combinaison entre la non-imposition des non-résidents et l'application du secret bancaire.

Pour "La Voix du Luxembourg", qui reproche à Arnaud Montebourg une accumulation de lieux communs sur le blanchiment, le "show" de cette présentation entre dans le champ des grandes man'uvres de la campagne électorale française. "Plus d'un interlocuteur luxembourgeois a la pénible impression que certains s'évertuent à construire leur politique personnelle dans l'Hexagone sur le dos du secret bancaire luxembourgeois". Et de rappeler qu'après Monaco, la Grande-Bretagne, la Suisse, le Liechtenstein et, donc, le Luxembourg, ce sera au tour de la France de faire l'objet d'un "tel' rapport, prévu pour publication fin mars.

Jeudi, c'est? "Le Jeudi" qui consacrait sa Une (tellement originale qu'on se demande encore ce qu'elle représente vraiment?.) et la grande partie des deux pages suivantes. Le rapport, "pavé" de 320 pages, "dont la rédaction décourage toute velléité de lecture" y est décrit comme un gadget à la James Bond, qui s'autodétruit. L'hebdomadaire francophone, qui aime bien, d'habitude, lancer quelques petites piques, se contente en la circonstance de mettre en exergue une phrase reprise dans le quotidien "Les Echos": "le doute reste entier".

Enfin, ce vendredi, en marge de la présentation de ce rapport, le Letzebuerger Land revient essentiellement sur un nouveau livre de Denis Robert, "Boîte Noire", officiellement sorti ce 25 janvier, et dont il est difficile de douter qu'il n'ait pas inspiré les parlementaires français, d'ailleurs cités dans les "remerciements" à la fin du livre.

Présenté comme "la bombe atomique de la finance française", il s'agit en fait d'une suite directe de "Révélation$", le second étage de la fusée, en quelque sorte. Le "Land' rapporte que l'auteur, présent lors de la conférence de presse donnée, à Paris, par Luc Frieden, quelques heures après la présentation du rapport Montebourg, s'est montré particulièrement acharné à poser de multiples questions au ministre luxembourgeois, avant de lui offrir un exemplaire de son livre?

Mais l'hebdomadaire luxembourgeois met aussi l'accent sur la publication, dans cet ouvrage, du témoignage de Joël Bucher, banquier français, qui évoque les pratiques courantes au Luxembourg de blanchiment et autres rétroconcessions, et accuse directement Clearstream de s'être "détourné de son activité première".

Quelles seront les suites de toute cette agitation' Aucune en ce qui concerne le rapport en lui-même, puisque la mission d'information française ne dispose d'aucun pouvoir judiciaire ni policier. En revanche, certaines parties de "Boîte Noire" ne vont pas sans doute pas manquer de soulever encore de nombreuses interrogations dont les réponses ne tomberont peut-être pas aussi facilement.

La suite au prochain numéro !

L'intégralité du rapport parlementaire français est accessible sur Internet à l'adresse

http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/blanchiment.asp

Pour plus d'infos sur le livre "Boîte Noire", rendez-vous sur http://www.arenes.fr