Depuis mars 1992, c'est à la Fondation Restena qu'incombe l'exécution de l'attribution des noms de domaines en ?.lu?. En mars dernier, un groupe de travail a été mis en place afin de formaliser une nouvelle ?charte de nommage?, sur base des documents de référence (www.centr.org, www.icann.org), et surtout en fonction des réflexions des différents acteurs liés à Internet au Luxembourg. Avis aux intéressés, la charte sera disponible à la rentrée et présentée sur les sites www.dns.lu et www.e-luxembourg.lu.
Le contexte de la charte
Antoine Barthel, co-directeur de Restena avec Théo Duhautpas, rappelle dans quel contexte la charte de nommage a été instaurée. Fin 2000, Restena a sollicité l'aide du Service des Médias et des Communications afin de réorganiser le système d'attribution des noms de domaine de la zone ?.lu?, de déterminer ce qui devait être modifié ou amélioré.
Le souci était que les principes de nommage reflètent l'opinion de la communauté Internet nationale. Le Ministre délégué aux Communications a ainsi décidé de confier à Isabelle Marinov la coordination du groupe de travail ?Charte de nommage de la zone .lu? dans le cadre de e-Luxembourg.
Entre mars et juillet 2001, 3 réunions ont permis aux acteurs concernés de finaliser la version définitive de la nouvelle charte. Le groupe était constitué d'une variété d'acteurs liés à Internet, de telle manière que la transparence des décisions soit respectée. L'Etat était représenté par les Ministères de la Justice, de l'Economie, le Service des Médias et des Communications, Restena représentait le service public, tandis que le chapitre luxembourgeois de l'ISOC, l'APSI, l'ISPA, et enfin les Chambres des Métiers et de Commerce assuraient la présence du privé.
La mission du groupe était de simplifier les conditions générales et la charte de nommage, en raison notamment de l'augmentation considérable des demandes de noms de domaine dans les dernières années, explique justement Isabelle Marinov. Grâce aux éventuels changements décidés au sein du groupe de travail, Restena pourrait donc continuer à assurer une gestion performante - rapide et efficace - de la procédure d'enregistrement, notamment via l'ouverture de sa politique d'attribution...
Résolutions adoptées
Eviter les contrôles a priori
Restena a toujours appliqué une politique ?ouverte?, basée sur le très simple principe suivant: un nom de domaine est attribué à la première personne qui le demande (?1st come, 1st served'), tandis que le demandeur assume l'entière responsabilité quant à son droit d'utiliser ce nom, sans que Restena n'exige de preuve.
Cependant, n'importe quel nom ne peut être réservé, puisque Restena peut rejeter une demande d'enregistrement d'un nom contraire à l'ordre public et aux bonnes m'urs, de même que trompeur, c'est-à-dire qui peut induire l'internaute en erreur - comme steueramt.lu (bureau des impôts).
L'attribution se réglait jusqu'à présent sur base de critères subjectifs, que le groupe de travail a décidé de supprimer au maximum puisque, toujours selon Isabelle Marinov, un contrôle a priori des noms de domaine par rapport à des critères de cet ordre serait impossible à mettre en oeuvre. En outre, un tel système souffre inévitablement, malgré toutes les bonnes intentions, d'un manque de transparence. Toutefois, le groupe a décidé de maintenir une référence au ?manifestement contraire à l'ordre public?, ceci afin de donner à Restena la possibilité d'agir dans des situations extrêmes - comme pour ?hitler.lu?.
Quand on interroge Romain Marx, responsable de la gestion administrative journalière au niveau des titulaires de noms de domaine, sur le nombre de litiges rencontrés, celui-ci est formel: ils n'occupent qu'une infime partie du temps de travail quotidien. Parfois, certains noms sont refusés, et le demandeur désire obtenir des explications supplémentaires quant aux raisons invoquées, comme cela a été le cas avec le nom de domaine ?fodes.lu?, que Restena a refusé pour cause de mauvais goût, ce qu'a contesté vainement son demandeur avant de se tourner vers ?fodes.net?.
A l'adoption d'une politique ?fermée? à la française ? où les noms en ?.fr? ne sont attribués qu'aux vrais détenteurs des droits d'usage des noms demandés, qui doivent en fournir la preuve - le groupe de travail a donc préféré choisir d'ouvrir sa politique actuelle, afin de répondre au mieux aux réalités des demandes, et d'éviter ainsi lourdeur et lenteur d'enregistrement, synonymes parfois de fuite vers des domaines plus ouverts, tel le ?.com', ou de réclamations en cas de refus d'attribution. Seul l'avenir nous dira ce qui se cache sous l'adverbe ?manifestement?.
Et le cybersquatting?
Rapidité et efficacité de la gestion de la procédure d'enregistrement peuvent être mises en péril ? ?par un abus tel que le cybersquatting, ce qui n'est pas le cas dans une politique fermée, beaucoup plus interventionniste, qui peut limiter les conflits avec les tiers.
Si quelqu'un veut enregistrer ?coca-cola.lu? sans être le véritable titulaire de la marque, il peut le faire? mais à ses risques et périls évidemment puisque, selon le système de Restena, le demandeur assume l'entière responsabilité quant à ses droits sur le nom. En l'enregistrant, il déclare qu'il a effectué toute les vérifications nécessaires et supportera, en cas d'opposition du véritable titulaire du nom, tous les dommages intérêts et/ou frais de procédure. D'ailleurs, c'est au titulaire légal de contacter le titulaire illicite, et non à Restena.
En cas de signe manifeste d'abus, notamment pour ce qui est des marques notoires, Restena envoyait jusqu'à présent une lettre de mise en garde afin de notifier des conséquences d'un enregistrement abusif de nom de domaine. Toujours dans le sens d'une politique plus ouverte, le groupe de travail a décidé de supprimer cette lettre.
Appliquer ce système de lettres aux marques, explique Isabelle Marinov, impliquait, en toute cohérence, de le faire également pour les noms commerciaux et dénominations sociales. Or, dans le monde réel, 2 marques identiques actives dans des secteurs différents coexistent sans problème? ce qui n'est pas le cas sur Internet. Pour ce qui est des noms patronymiques, il n'y a pas de hiérarchie légale entre un Monsieur Ferrari et la marque d'automobiles. Bref: 1st come, 1st served.
Faciliter le contact
administratif
Autre résolution du groupe de travail, la préservation de la notion de ?contact administratif?, c'est-à-dire la personne qui est habilitée à effectuer toutes les opérations nécessaires au bon fonctionnement du nom de domaine pour le compte de son propriétaire. Romain Marx explique que ce contact doit être établi au Luxembourg. Ce qui n'empêche pas bien sûr qu'un titulaire demeure quant à lui à l'étranger (24,6% des titulaires actuels). Dans ce cas, il doit désigner un mandataire établi au Grand-Duché afin d'effectuer l'enregistrement et la gestion de ses noms de domaine.
Jour après jour, année après année
Restena reçoit plusieurs milliers de demandes d'enregistrement par an, le record ayant été atteint en 2000 avec 8.127 enregistrements, contre seulement 3.510 en 1999 et, jusqu'en août pour l'année 2001, 3.070. En tout, 16.568 enregistrements ont été effectués depuis la naissance du service, dont 66,1% sont activés et 84,5% des titulaires sont des organisations.
Inutile de préciser que le traitement des demandes ainsi que la gestion administrative continue occupent une grande partie de la journée des employés de Restena, afin de garantir une présence ? ?permanente sur Internet de milliers d'entreprises et personnes privées enregistrées sous LU, dixit Antoine Barthel.
Les demandes sont transmises via un formulaire disponible sur www.dns.lu, que les internautes doivent renvoyer par fax ou par courrier classique. Elles sont réceptionnées et traitées dans l'ordre chronologique. Le nom doit comporter au minimum 3 caractères alphanumériques et au maximum 63. Une fois ce contrôle effectué, le secrétariat de Restena en opère d'autres: il faut bien sûr vérifier que le nom n'a pas encore été demandé par quelqu'un d'autre, que les données reçues sont complètes, que le formulaire est signé. Lorsque tout est conforme, le nom est octroyé au demandeur, activé ou uniquement réservé, et son propriétaire reçoit une confirmation par fax ou par e-mail. Il faut ensuite s'assurer de la validité des adresses de facturation, traiter les changements de propriétaire, ce dernier point nécessitant énormément de temps.
Last but not least, selon Romain Marx, le help desk est submergé par toutes sortes de demandes, qui ne concernent parfois que de loin nos attributions. Nous devons régulièrement expliquer ce qu'est un nom de domaine ou encore comment remplir le formulaire de réservation.
Du côté technique également, il faut que le système roule. Tout n'est pas automatisé, loin de là, les serveurs DNS sur lesquels pointent les noms de domaine nécessitent une quantité d'attentions quotidiennes. La sécurité est aussi un souci permanent.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la besogne ne manque pas chez Restena.
Les embarras du quotidien
Les vérifications administratives prennent beaucoup de temps, parce qu'il y a très souvent l'un ou l'autre élément qui n'est pas correct. Il faut contacter la personne, et commencer un échange avec elle. En ce sens, le nombre de noms de domaines refusés est élevé, parce que la personne doit nous recontacter dans un délai de 5 jours ouvrables. Souvent, nous n'avons pas de réponse, ou bien elle n'est pas satisfaisante, précise Romain Marx.
Autre problème auquel doit faire face Restena; les impayés. Le système de facturation n'a été mis en place que l'année dernière. Les noms de domaine ?.lu? étaient auparavant gratuits, et il était possible de posséder une centaine de noms sans rien en faire. Restena n'est pas une société commerciale, elle a donc simplement décidé de facturer les coûts administratifs et techniques, soit 50 euros d'initialisation et 40 euros annuels d'abonnement. Ces frais sont payables dans les 30 jours après la réception de la facture, puis Restena envoie un rappel. Au 60e jour, un 2ième rappel est envoyé et le nom de domaine est désactivé. Les données sont éliminées et le nom redevient libre après 90 jours. Si le même demandeur désire une nouvelle fois réserver le même nom de domaine, il ne pourra le faire. Romain Marx ne cache pas que le nombre d'impayés est élevé.
www.futur.lu
Evidemment, Restena va continuer son travail journalier, tout en appliquant les nouvelles recommandations de la charte de nommage. Cependant, une autre question brûle la langue: quand pourra-t-on réserver en ligne les noms de domaine, comme on peut déjà le faire pour bien d'autres extensions (?.be?, ?.fr?, ?.com',?), plutôt que de devoir imprimer le formulaire disponible en ligne? Gilles Massen, responsable de la gestion technique du réseau Restena, nous explique ce qui est actuellement envisagé: On pourra soumettre la demande par Internet, soit via le formulaire, soit via un e-mail, mais nous désirons toujours recevoir une confirmation par fax. En effet, juridiquement, la signature signifie que le demandeur reconnaît avoir eu connaissance des conditions générales du service.
Si, du côté de la France par exemple, des sous-domaines de type ?.asso.fr? ou ?.nom.fr? sont déjà disponibles, Restena n'a pas (encore?) manifesté sa volonté de mettre en place des sous-domaines. A quand un ?.presse.lu??