Le recteur Klump quitte le volant au moment où l’Université doit définir ses priorités pour 2018 à 2021. (Illustration: Maison Moderne)

Le recteur Klump quitte le volant au moment où l’Université doit définir ses priorités pour 2018 à 2021. (Illustration: Maison Moderne)

L’année 2017 restera celle des choix pour l’Uni. Le 3 mai, son recteur depuis deux ans, Rainer Klump, a claqué la porte pour des «raisons personnelles». Les dissensions autour du budget 2017 n’y sont évidemment pas étrangères. Le recteur a en effet été renvoyé à sa copie par deux fois par le ministre de l’Enseignement supérieur, avant que le budget ne soit finalement approuvé par le conseil de gouvernance le 3 avril.

Diffusés dans la presse, les détails du déficit de 26,9 millions d’euros font sensation. Même si pour le SEW-OGBL, il s’agit plutôt de la «différence entre l’augmentation espérée de la dotation budgétaire de l’État par rapport à la dotation réelle», due à une remise à niveau urgente de la sécurité informatique et aux frais de fonctionnement de Belval  – qui viennent seulement d’être contractualisés avec le Fonds Belval par le recteur intérimaire Ludwig Neyses.

Le syndicat pointe surtout «l’effet de l’approche utilitariste dominant l’orientation de l’enseignement et de la recherche depuis la création de l’Université et qui s’exprime notamment via le surpoids des milieux patronaux luxembourgeois au sein du conseil de gouvernance», incarnés par Yves Elsen (CEO de Hitec), Alain Kinsch (managing partner d’EY Luxembourg) et Gérard Hoffmann (managing director Tango/Telindus). Une diversité qui fait toutefois partie de l’ADN de l’Uni. «La meilleure pratique est de nommer des personnes pour leurs compétences et non pour leur appartenance à ceci ou cela», conteste Erna Hennicot-Schoepges, présidente de l’association des Amis de l’Université et ministre de l’Enseignement supérieur entre 1995 et 2004. «On ne peut pas dire que, parce que des personnes sont actives dans le secteur privé, cela préjuge de la direction future de l’Université.» Et le conseil de gouvernance présente «une majorité issue du monde académique et de la recherche», souligne son président, Yves Elsen.

Les trois missions fondamentales de l’Uni sont réitérées dans le projet de loi déposé le 8 mai: «L’enseignement supérieur, la recherche et le service à la société luxembourgeoise en vue de contribuer à son développement social, culturel et économique.» Une fidèle transposition du «triangle de la connaissance» prôné au niveau européen.

Ancrée dans l’économie grand-ducale, avec des chaires financées par des acteurs locaux, l’Uni est tentée de se concentrer sur les matières jugées rentables, de l’ingénierie à l’IT en passant par le digital et les matériaux – aux dépens de ses composantes en sciences humaines, où les professeurs partants ne sont pas systématiquement remplacés. Son rayonnement international dépend pourtant de son excellence académique.

«Les vice-recteurs, les doyens et les directeurs des centres interdisciplinaires travaillent à la formulation des priorités pour la recherche et l’enseignement supérieur pour 2018 à 2021», rassure Yves Elsen. «Dans un monde qui change très vite, les universités doivent donner des cursus généralistes aux étudiants.» Le cursus médical est sur les rails et l’Uni doit, d’après le projet de loi, accueillir l’Institut universitaire international (IUIL) au sein d’un groupement d’intérêt économique ayant l’État pour actionnaire. Pour Yves Elsen, l’articulation recherche/enseignement supérieur est «bien synchronisée».

Un recteur rétrogradé

Le gouvernement actuel se montre en tout cas décidé à relâcher la tutelle de l’État. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Marc Hansen, «se tient à l’écart» des turbulences du printemps. Aucun représentant du gouvernement ne siège dans la commission de recrutement du futur recteur. Et le projet de loi abolit le droit du regard du ministre sur le budget, la révocation des directeurs des centres interdisciplinaires ou les questions RH.

De fait, c’est le conseil de gouvernance qui va gagner en importance, puisqu’il nommera le recteur, les vice-recteurs et les doyens, et engagera le directeur administratif et financier. Le recteur officiera davantage comme un gestionnaire que comme un visionnaire, perdant même la présidence du conseil universitaire.
Un virage critiqué à demi-mot par Erna Hennicot-Schoepges. «Je pense que l’Uni a fait ses preuves. Il faut quand même bâtir sur ce qui a été: des doyens de faculté forts, un recteur précédent (Rolf Tarrach, ndlr) en cheville ouvrière pour mener l’Uni là où elle est, très bien cotée dans les rankings internationaux.» L’ancien recteur emblématique garde le silence.

L’ancienne ministre ne souscrit pas non plus à un retrait de l’État. «Notre force, c’est précisément que par l’interaction entre le gouvernement et l’Uni, nous puissions réagir et anticiper des problèmes de société qui se dessinent seulement maintenant, comme le digital, où il est important que les projets du gouvernement pour développer ce secteur et ceux de l’Uni se complètent.» L’Uni doit tout de même renforcer sa collecte de fonds privés et son positionnement sur les fonds européens.