Benoît Poletti et Damien Ghielmini (Deloitte): «Les gens n’ont pas encore confiance dans les documents électroniques.» (Photos: Deloitte)

Benoît Poletti et Damien Ghielmini (Deloitte): «Les gens n’ont pas encore confiance dans les documents électroniques.» (Photos: Deloitte)

Un projet de loi sur l’archivage électronique est en préparation au Luxembourg. Benoit Poletti, senior manager Advisory & Consulting chez Deloitte, et Damien Ghielmini, directeur au sein du même cabinet, en expliquent le contenu et les retombées économiques possibles.

Messieurs Poletti et Ghielmini, quels sont le contexte et le calendrier du projet de loi sur l’archivage électronique?

«Le projet de loi fait l’objet de discussions depuis plusieurs mois maintenant. Il répond aux attentes du marché en matière de dématérialisation et d’archivage électronique de documents figés, c’est-à-dire tous les documents qu’on aurait pu stocker sur papier (factures, contrats…). C’est le ministère de l’Economie qui gère le calendrier. Le texte a pris du retard et pourrait bien ne pas aboutir avant la fin de l’année, voire le début de l’année prochaine. Les autres pays observent le Luxembourg, car nous sommes le seul pays en Europe à travailler sur un tel projet de loi et le référentiel d’accréditation qui y est annexé pour instaurer une relation de confiance entre utilisateurs.

En quoi consiste le texte?

«Le cadre législatif actuellement en vigueur au Luxembourg (qui date de 1986, ndlr.) ou, par exemple, en France, couvre les aspects liés à la signature électronique, donc à l’authenticité du document. Mais le fait de pouvoir conserver un document de manière pérenne implique des exigences de gestion et d’uniformisation de règles et de bonnes pratiques. Aujourd’hui, nous n’avons pas les moyens de gérer la continuité de la conservation d’informations, de s’assurer que, quand on confie des documents à une société, elle sera capable de les restituer dans dix ou vingt ans, quelles que soient les circonstances. La problématique de l’archivage électronique est complexe, dans le sens où on quitte le monde du papier pour celui du 'tout électronique' en apportant toute la confiance nécessaire à l’utilisateur. Avec la loi, les entreprises qui se conformeront au référentiel d’accréditation seront protégées. Les gens n’ont pas encore réellement confiance dans les documents électroniques. Ce projet de loi va lever l’incertitude.

Ce projet de loi peut-il générer une nouvelle activité économique au Luxembourg?

«L’idée n’est pas nécessairement d’attirer de nouveaux acteurs, mais plutôt de valoriser le parc dont on dispose déjà. Plusieurs datacenters de taille internationale sont localisés au Luxembourg. Avec un cadre politique et législatif très stable, nous avons naturellement vocation à gérer le stockage de documents sur le territoire. Nous disposons de bandes passantes très significatives avec les autres pays et de prix compétitifs. On accède très facilement à Luxembourg depuis Bruxelles, Paris ou Francfort.

Plusieurs secteurs sont en tout cas concernés. Certaines institutions financières dématérialisent déjà les documents papier, mais stockent encore les originaux en attendant la promulgation de la loi et du référentiel. Le secteur de la santé en fait également partie. Il faudra pouvoir dématérialiser toutes les feuilles de soins, les archiver. Au début des années 2000, la Caisse Nationale de Santé avait plus d’1,2 km d’armoires. Sans parler des bibliothèques, des administrations, des opérateurs télécoms… Bref, cela regarde tous les opérateurs économiques.

Le référentiel d’accréditation définira par ailleurs les exigences organisationnelles et techniques qu’une entité devra respecter pour pouvoir prétendre établir un système de dématérialisation ou de conservation de documents. Ce qui correspond au fameux statut de PSDC (Prestataires de Services de Dématérialisation et de Conservation). C’est une nouvelle profession qui se crée, sur le modèle du PSF (Prestataire de Services Financiers). L’ILNAS (Institut Luxembourgeois de la Normalisation, de l’Accréditation, de la Sécurité) sera en charge de la surveillance et de l’accréditation de ces sociétés-là.»